Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission se prononce sur la nomination de rapporteurs.
Le texte sur la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire n'existe pas encore ; il sera peut-être présenté ce matin en Conseil des ministres. Ne pourrions-nous pas reporter cette nomination à la semaine prochaine ?
Je suggère de faire de même pour la proposition de résolution : nous n'en sommes pas encore saisis.
Bien sûr !
La nomination des rapporteurs sur ces deux textes est renvoyée à une date ultérieure.
Puis la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Bernard Saugey sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
En préambule, je souhaiterai formuler deux observations :
Tout d'abord, l'année 2012 représentera la poursuite, d'un point de vue budgétaire et financier, de l'association des collectivités territoriales à l'effort de réduction des déficits publics de l'État.
Je vous rappelle que l'année 2011 a inauguré un degré inédit de modération budgétaire pour les collectivités : en effet, en application de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, les concours budgétaires de l'État font l'objet d'un « gel en valeur », à hauteur du montant ouvert en loi de finances initiale pour 2010, soit 50,65 milliards d'euros. A cela s'ajoute l'économie supplémentaire de 200 millions d'euros, adoptée par l'Assemblée nationale, à la suite de l'annonce par le Premier ministre, le 24 août dernier, d'une économie globale supplémentaire d'un milliard d'euros.
Ma deuxième observation est relative à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Celle-ci, dotée de 2,55 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,52 milliards d'euros en crédits de paiement, ne représente que 2,5 % de l'effort global de l'État en faveur des collectivités territoriales, qui s'élèverait, au titre du budget 2012, à plus de 100 milliards d'euros. Force est d'ailleurs de constater que la composition de cet effort mériterait un effort de clarification. Comme je l'ai rappelé à M. Richert, lors de son audition devant notre commission il y a deux semaines, aux concours budgétaires de la mission RCT s'ajoutent les autres concours inclus dans l'enveloppe normée, ceux qui ne le sont pas, les dégrèvements et compensations ainsi que les transferts de fiscalité. Une réflexion devrait être conduite pour permettre de rendre lisible cette répartition.
L'année 2012 sera également cruciale pour nos collectivités en raison de trois facteurs sur lesquels je souhaiterais attirer votre attention.
Le premier est lié aux difficultés, déjà perceptibles, de financement bancaire rencontrées par les collectivités. A titre d'exemple, les demandes de financement de la communauté urbaine de Marseille, qui s'élèvent à 200 millions d'euros, n'ont, à ce jour, reçu de réponses favorables des banques que pour un montant de 100 millions d'euros !
Ce constat s'explique principalement par l'anticipation, par les établissements bancaires, des nouvelles règles prudentielles définies dans le cadre du comité de Bâle 3. Dans ce nouveau cadre, les banques devront progressivement relever, entre 2013 et 2019, leur ratio minimum de liquidités de 2 % à 7 %, afin de leur permettre de mieux absorber les pertes en cas de crise. C'est pourquoi les banques, pour pouvoir respecter ces nouvelles règles, privilégient les emprunteurs à financements courts qui disposent d'épargne bancaire, ce qui n'est pas le cas des collectivités territoriales.
Face aux difficultés générées par ces nouvelles règles prudentielles, auxquelles s'ajoutent le récent démantèlement de Dexia, première banque de financement de nos collectivités, je salue l'initiative des associations nationales d'élus visant à créer une nouvelle Agence de Financement des Collectivités Locales, qui devrait être opérationnelle dès 2012. Celle-ci aurait pour objectif de diversifier l'offre de financement des collectivités territoriales. La Cour de la comptes a d'ailleurs salué cette initiative, même si elle l'a assortie de certaines conditions de réussite, qui semblent être satisfaites par cette nouvelle structure.
Ma deuxième observation porte sur la problématique des emprunts toxiques et de leur poids dans l'encours de la dette publique locale. Force est de constater que nombreux sont les élus qui, face à leurs difficultés budgétaires actuelles, ont pu, naïvement, préférer des produits leur permettant de bénéficier, pendant quelques années, de taux d'intérêts bonifiés. Toutefois, les taux d'intérêt se sont ensuite envolés, généralement au bout de trois ou quatre années, en raison de leur indexation sur des facteurs extrêmement volatiles.
La Cour des comptes estime, dans un rapport thématique publié en juillet dernier, que les emprunts toxiques ne représenteraient pas un risque systémique pour les collectivités dans leur ensemble. Pourtant, tous les effets des produits structurés ne sont pas encore connus, dans la mesure où la période des taux d'intérêts bonifiés n'est pas arrivée à son terme pour l'ensemble des emprunts contractés.
Les risques liés aux emprunts toxiques montrent la nécessité de sécuriser nos collectivités dans leurs relations avec les établissements de crédit. C'est pourquoi une initiative de notre part serait la bienvenue pour favoriser : la diversification de l'offre de prêts avec, par exemple, le recours systématique aux mises en concurrence des établissements bancaires ; le renforcement des moyens de contrôle interne et externe en matière de prêts et le renforcement des obligations d'information pesant sur les exécutifs locaux vis-à-vis de leurs assemblées délibérantes.
L'action du Gouvernement en la matière ne semble pas adaptée. Certes, le Gouvernement a invité les établissements bancaires à signer une charte de bonne conduite mais celle-ci n'interdit pas l'ensemble des produits dits « toxiques ». Un médiateur des emprunts toxiques a été nommé mais nous disposons toutefois de peu d'informations sur son activité. Le Gouvernement, d'après les propos tenus par M. Richert, ne souhaite pas aller au-delà pour aider les collectivités à faire face à cette situation, ce que nous ne pouvons que déplorer !!
Enfin, le dernier point sur lequel je souhaiterai attirer votre attention, concerne la problématique des normes et de leur poids au sein de notre activité quotidienne.
Je tiens à rendre hommage au bilan largement positif de la commission consultative d'évaluation des normes, présidée par notre ancien collègue Alain Lambert. Depuis sa création en septembre 2008, elle a rempli ses missions de manière exigeante et constructive. Elle a examiné pas moins de 176 textes en 2010 et 160 textes entre le 1er janvier et le 31 juillet 2011.
Le bilan de la CCEN témoigne de la nécessité de toute démarche visant à mieux associer les collectivités territoriales aux décisions qui les concernent. Il reflète également la nécessité d'un dialogue apaisé et serein entre l'État et les collectivités territoriales. C'est pourquoi j'estime que le champ de compétences de la CCEN mériterait d'être élargi aujourd'hui au stock de normes, afin de poursuivre les initiatives engagées par le Gouvernement et notre ancien président, Gérard Larcher, visant à recenser les normes existantes qui mériteraient une révision urgente.
Au terme de ce bref tour d'horizon, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
En quoi les collectivités territoriales sont-elles à l'origine des déficits publics ? Leur dette est saine, gagée sur des prélèvements obligatoires. La belle formule selon laquelle les collectivités doivent « participer à l'effort de réduction des déficits » masque une entourloupe ! Quant aux 100 milliards d'euros du prétendu effort de l'Etat en faveur des collectivités, ils incluent le FCTVA, qui n'est qu'un remboursement, ou la dotation globale de fonctionnement dont une partie provient d'un impôt transféré... Sans doute l'effort de l'Etat est-il supérieur à 2,5 milliards d'euros mais il n'atteint certainement pas 100 milliards d'euros.
Le problème des financements bancaires commence à se faire sentir. Mais je ne suis pas convaincu par les justifications données par les banques - un conte pour enfants ! Les règles définies par le comité de Bâle 3 n'ont rien à voir. Les banques ne prêtent pas aux collectivités car ce marché ne leur apparaît pas suffisamment lucratif : le risque est faible, les rendements moins élevés que dans une spéculation tous azimuts.
A l'origine de Dexia, il y avait la caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales, banque publique, qui a pris ses aises. Je me souviens de l'époque où son président, M. Pierre Richard, prétendait nous apprendre à bien gérer les communes... Les dirigeants se sont par la suite « encanaillés » sur les marchés. La formule choisie pour l'avenir me laisse songeur : la Banque postale va-t-elle utiliser ses dépôts pour prêter aux collectivités ? Cette solution serait saine. Pourtant, elle va emprunter sur les marchés pour pouvoir prêter ensuite aux collectivités ! Il est donc urgent de créer l'agence de financement des collectivités locales.
Quant aux prêts toxiques, le problème n'est pas quantitativement si dramatique. En revanche, les mesures proposées sont dérisoires : à quoi sert le médiateur des emprunts toxiques ? Les prêts sont adossés à des swaps entre banques américaines. Que peut-on réellement renégocier ?
Enfin, les normes ont fait l'objet de nombreux rapports magnifiques, mais je n'ai pas souvenir de la moindre application pratique !
Je partage tous les propos du rapporteur, à l'exception de sa conclusion. Il a mentionné plusieurs sujets d'inquiétude. Les taux pratiqués par les banques et non la durée des prêts expliquent la raréfaction des financements bancaires : en effet, les banques préfèrent accorder des prêts aux particuliers et aux entreprises pour lesquels elles peuvent pratiquer des taux d'intérêt plus élevés qu'avec les collectivités. Dès lors, même celles bénéficiant d'une notation AAA rencontrent des difficultés à se financer sur les marchés bancaires.
La péréquation horizontale est un sujet compliqué. Nous sommes tous favorables à son principe mais des communes pauvres vont désormais être contributrices ! C'est le cas, en Gironde, de petites communes situées sur la rive droite de l'agglomération bordelaise.
C'est pourquoi je voterai contre l'adoption des crédits de la mission RCT.
Les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales sont très dégradées. Les collectivités sont accusées du creusement des déficits publics alors que leur part dans ces déficits ne dépasse pas 10 % du total ! Leur dette est en outre assise sur de l'investissement et non de la spéculation financière. Le gel des concours budgétaires de l'Etat aura des conséquences dommageables pour nos collectivités : réduction des services publics, difficultés à appliquer les engagements pris... Depuis de nombreuses années, l'Assemblée des départements de France dénonce l'absence de compensation intégrale par l'Etat des dépenses liées au versement des allocations universelles de solidarité gérées par les conseils généraux, que sont le revenu de solidarités actives, l'aide personnalisée à l'autonomie et la prestation de compensation du handicap. Le niveau des allocations et leurs conditions d'accès sont fixées par l'Etat ; mais celui-ci ne verse que 7 milliards d'euros, les six milliards d'euros restants étant à la charge des départements. Pour l'APA, l'ADF demande que la part de l'Etat s'élève à 50 % des dépenses et à 100 % pour le RSA et la PCH. Le nombre de bénéficiaires du RSA est en forte augmentation et les conseils généraux, notamment outre-mer, rencontrent des difficultés de financement. J'ajoute que la réforme de la dépendance est sans cesse reportée, sans qu'aucune solution ne soit annoncée dans l'immédiat.
La péréquation horizontale départementale est déjà en place. Les départements où les droits de mutation à titre onéreux progressent le plus rapidement sont ponctionnés alors qu'il n'existe aucun critère de répartition. Le département de Seine Saint-Denis est contributif ! Celui du Val de Marne subit une ponction de 19 millions d'euros en 2011, qui sera supérieure en 2012. Il aurait fallu commencer par la mise en place d'une péréquation verticale, dans laquelle l'Etat aurait véritablement pris ses responsabilités. La situation est grave, certains départements se trouvent obligés de fermer certains services publics ou de réduire leurs interventions.
Quant à Dexia, les collectivités ont été trompées. Les produits toxiques ont été présentés comme une solution judicieuse aux collectivités en difficulté. Il est temps de prendre des mesures fortes pour stabiliser les relations entre les banques et les collectivités et assurer à ces dernières des financements sûrs.
Je n'ai pas d'affection particulière envers Dexia, ma commune ayant contracté peu d'emprunts auprès de cet établissement, mais ayons le courage de reconnaître que la responsabilité morale des maires est engagée. Trompés ? Je ne le crois pas ! Certains élus ont pris des risques. Or, leur rôle n'est pas de faire prendre des risques à leur commune en agissant sur la nature des prêts. Quand on peut emprunter à taux fixe à 3,5 %, pourquoi spéculer pour bénéficier d'un taux variable en espérant atteindre un jour 2,5 % ? Certains collègues se sont égarés sur cette voie. Faire jouer la concurrence entre les banques comme le préconise votre rapporteur est déjà possible. Est-ce à dire que toutes les communes ne le font pas déjà ? C'est pourtant le principe de base de toute administration de collectivité !
Ecarts de prêt de 2 ou 3 %, taux fixe ou taux variable, les structures de prêt varient d'une banque à l'autre.
Mais à structure équivalente, les conditions sont les mêmes, il n'y a pas de concurrence ! Le rapporteur pourrait-il nous apporter des éclaircissements sur le fonds de péréquation horizontale ?
Certains élus ont une part de responsabilité dans cette affaire des prêts toxiques. Dans certaines collectivités très endettées, les taux d'emprunt très bas, à un an des élections, permettaient de sauver la face. Mais la Cour des comptes et tous les spécialistes du sujet s'accordent pour dire qu'il y a eu défaut d'information de la part des établissements bancaires.
Le succès de ces prêts tient beaucoup à la politique de communication des banques, qui savent vendre, par exemple, des produits indexés sur la parité euro-franc suisse. On peut reprocher à certaines banques un manque d'information sur la rémunération qu'elles tiraient de ces produits. Les emprunteurs croyaient avoir affaire à la seule Dexia, alors qu'il y avait d'autres banques derrière ces prêts. Imprudences, naïveté devant un taux proposé bien inférieur aux taux de marché : certainement. Spéculation, je ne le crois pas. Les maires voulaient surtout passer la période des élections...
Le rapporteur suggère de prendre des initiatives sur la mise en concurrence, le contrôle interne et externe, l'obligation pour les exécutifs d'informer les instances délibératives. Il faudra continuer à travailler sur ces questions.
J'ai évoqué dans ma présentation quelques sujets d'inquiétude... et nous n'avons pas de leçons à recevoir sur la qualité de gestion. Je partage l'avis de M. Collombat, il y a eu naïveté plutôt que spéculation en matière de prêts toxiques. Quant à la péréquation horizontale, elle ne relève pas à mon sens de la compétence de la commission des lois, mais de celle des finances qui a déjà beaucoup travaillé sur cette question. Il est vrai que certaines communes pauvres en sont victimes. Et pour le conseil général que j'ai eu l'honneur de présider, en Isère, la péréquation horizontale s'élève à 9 millions d'euros par an. Si la commission des finances propose à la commission des lois de s'associer à ses travaux, ce sera bien volontiers.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »..
La commission examine le rapport pour avis de Mme Eliane Assasi sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Sécurité »).
Tout d'abord, je remercie le précédent rapporteur de la mission Sécurité, M. Jean-Patrick Courtois : je me suis appuyée sur les auditions de cette année mais aussi sur le travail qu'il a accompli les années passées.
Intéressons-nous d'abord aux effectifs. Le plafond d'emploi de la police subira une diminution de 1 720 équivalent temps plein travaillé (ETPT) en 2012. Le schéma d'emploi prévoit une diminution de plus de 2 000 postes dans le corps d'encadrement et d'application, 238 postes de commissaires et officiers, 159 postes administratifs, techniques et scientifique. Cette diminution est compensée partiellement par une augmentation de 668 adjoints de sécurité (ADS). Les fonctionnaires de police sont donc en partie remplacés par des contractuels au statut précaire, dont le contrat pourra prendre fin au bout de trois ans, contre cinq avant la Loppsi. Le ministre a annoncé un recours croissant à la réserve civile de la police nationale, qui est ouverte désormais non plus seulement aux retraités des corps actifs mais à l'ensemble des citoyens. Après des années d'efforts pour améliorer la formation des policiers, la déqualification est engagée ; elle pourrait entamer la confiance de la population et elle pénalisera les policiers dans leur travail.
Le développement de la police technique et scientifique (PTS) est présenté comme le corollaire de la culture de la preuve, elle-même mise à l'honneur par la réforme de la garde à vue : on renonce à la culture de l'aveu... les agents de la PTS ont pourtant manifesté l'année dernière pour protester contre le manque flagrant de moyens, en contradiction avec des exigences toujours plus fortes. Les 80 postes supplémentaires en 2012 n'inverseront pas la tendance. En outre, le nombre des postes administratifs et techniques de la police nationale reculera. Ceux-ci ne représentent que 12% environ du total du personnel, un taux bien inférieur à ce qu'il est dans de nombreux pays européens. Ce sont des gardiens de la paix et jusqu'à des majors de police qui assument parfois ces tâches ; or leur salaire est beaucoup plus élevé que celui des agents administratifs ! Mais il n'y aura pas en 2012 d'amélioration.
La diminution des effectifs est forte également chez les gendarmes. Le schéma d'emploi prévoit une diminution de 1 185 ETPT. Le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Mignaux, nous a toutefois déclaré qu'il n'y aurait pas de suppression de brigades. Mais la situation devient difficile ! D'autant qu'il n'y a ni réorganisation des corps, ni modification de la répartition territoriale des deux forces. Quelques circonscriptions de sécurité publique passeront en zone de gendarmerie et quelques communes passeront en zone police en 2012. La police d'agglomération va dans le bon sens - création de circonscriptions de sécurité publique d'agglomération à Paris, Lille, Dunkerque ou Valenciennes, rationalisation des structures dans les agglomérations lyonnaise, marseillaise et bordelaise. Mais il subsiste trop de petites circonscriptions de sécurité publique enclavées. Surtout, les suppressions de postes et la réduction des crédits de fonctionnement se poursuivent.
Un effort de 90 millions d'euros a certes été fait pour l'immobilier, les achats de véhicules et de matériel informatique, les crédits de fonctionnement courant. Mais il est loin de compenser les baisses intervenues entre 2006 et 2011. Depuis 2009, la sous-budgétisation massive oblige les services à réclamer sans cesse des rallonges de crédits pour faire face aux dépenses élémentaires ! Des agents sont parfois contraints d'aller chercher des ramettes de papier à la préfecture ; des contrats d'entretien de véhicules sont résiliés par les garages, qui ne sont pas payés. Les laboratoires de la police technique manquent de consommables. La Cour des comptes estime à présent qu'« au sein des crédits généraux de fonctionnement et d'équipement, certains postes ont connu des évolutions qui pourraient ne pas être sans risque pour l'efficacité de l'action des services ».
Les locaux sont vétustes, comme l'a reconnu le directeur général de la police nationale. En 2012 les travaux du commissariat du Raincy commenceront enfin, ceux du commissariat de Beauvais se poursuivront. Le commissariat de Villeparisis, les hôtels de police d'Auxerre et de Clermont-Ferrand seront livrés. Mais les pénuries en ce domaine compliquent l'application de la réforme de la garde à vue. Les syndicats que j'ai pu entendre sont inquiets, sans rejeter la réforme en elle-même.
Des auditions des syndicats de police, j'ai conclu que l'ambiance au sein des forces de police était plutôt tendue, chaque corps estimant les autres privilégiés ou du moins davantage épargnés par les restrictions budgétaires. Ces dissensions ne concernent pas seulement les rapports entre la police et la gendarmerie, mais les services de police entre eux. Les rivalités entre le corps de conception et le corps de commandement ont pris une nouvelle dimension depuis que le ministère de l'Intérieur a lancé une réflexion sur leur fusion, comme les officiers souhaitaient. Tout cela est la conséquence des restrictions budgétaires et de réformes insuffisamment réfléchies et accompagnées.
Le rapprochement entre police et gendarmerie se poursuit, avec en 2011 la mutualisation des systèmes d'information, des marchés, de la maintenance, des formations et des primes. Chose nouvelle, des passerelles ont été développées entre les deux forces : 37 gardiens de la paix et 45 gendarmes ont été concernés en 2011. L'échange concernera 50 fonctionnaires de chaque force en 2012. Mais où est la vision d'ensemble ?
J'en viens aux statistiques et à la « politique du chiffre ». Le ministre de l'Intérieur, comme d'habitude, évoque l'état 4 001, c'est-à-dire les statistiques des faits constatés par la police et de gendarmerie, comme s'il s'agissait des statistiques de la délinquance elle-même. Prenons l'exemple des escroqueries à la carte de crédit. En septembre 2010, l'Observatoire national a constaté une baisse d'environ 10% des faits d'escroquerie et d'infractions sur un an - 35 000 en moins. C'est que les services de police et de gendarmerie ne prenaient plus les plaintes des personnes, au motif que seule la banque était vraiment lésée ! Une circulaire de la Chancellerie a fini par y mettre bon ordre.
Autre problème, les faits constatés dépendent du taux de plainte. Une forte hausse des faits constatés de violences conjugales peut constituer une bonne nouvelle, lorsqu'elle traduit en fait une augmentation du taux de plainte. En outre, la plainte est enregistrée dans le lieu de résidence et non au lieu de commission de l'infraction. Une habitante d'Amiens agressée à Paris se rendra au commissariat près de chez elle. Mais le fait, s'il est élucidé, le sera à Paris. La cartographie de la délinquance ne peut donc être précise, ce qui complique les adaptations géographiques. Enfin, l'état 4 001 ne prend pas en compte les contraventions, qui comprennent les violences volontaires les moins graves.
Les enquêtes de victimation réalisées par l'Insee et l'Observatoire abordent la délinquance par une autre méthode, celle du sondage auprès d'un échantillon représentatif de personnes de plus de 14 ans. L'enquête réalisée en 2010 montre une hausse significative des vols personnels avec violences ou menaces et une diminution des vols sans violences. En revanche, le nombre de personnes ayant déclaré avoir subi au moins un acte de violence hors ménage diminue, 657 000 en 2010, contre 830 000 en 2009.
L'Observatoire a comparé, sur plusieurs années, les données relatives aux personnes mises en cause par les services de police et de gendarmerie et les déclarations des victimes. La proportion importante de mineurs parmi les auteurs de vols avec violences a, par ce biais, pu être mise en évidence.
Le nombre de gardes à vue pour crimes et délits non routiers a diminué de 9,8 % en 2010 : 523 000 gardes à vue, 57 000 de moins. Les gardes à vue d'étrangers en situation irrégulière ont diminué de 13 000, sans doute en raison de l'arrêt El Dridi de la Cour de justice de l'Union européenne, qui les a rendues illégales dans certains cas. Le nombre des mis en cause n'ayant pas diminué au cours de la période, on peut en déduire que les policiers et les gendarmes utilisent moins la garde à vue.
Il me paraît urgent de communiquer plus intelligemment sur les statistiques, mais aussi de recourir à de nouveaux indicateurs d'efficacité, plus qualitatifs, comme le délai d'intervention après un appel, le temps de dépôt d'une plainte, la satisfaction exprimée par la population, etc.
Je veux évoquer maintenant la vidéosurveillance, que je persiste à appeler ainsi, comme la Cour des comptes. L'objectif est toujours de 60 000 caméras sur la voie publique à moyen terme. Or, de nombreuses études scientifiques réalisées à l'étranger montrent que, si la vidéosurveillance peut faire baisser la délinquance dans des lieux de taille réduite et fermés tels que des parkings, elle n'a aucun effet mesurable en terrain ouvert, sur la voie publique. Il est aisé de trouver des exemples où la vidéosurveillance a permis d'appréhender un délinquant. Mais les études concluent à un faible nombre de faits élucidés grâce à ce moyen ! L'enquête, non scientifique mais très favorable à la vidéosurveillance, de l'Inspection générale de l'administration et de l'Inspection générale de la police n'aboutissait en 2010 qu'à un taux de 3%. Cela peut sembler non négligeable, mais il faut rapprocher ce résultat des coûts d'investissement et de fonctionnement engagés : 60 000 caméras représentent l'équivalent, selon la Cour des comptes, de la rémunération de 6 500 policiers municipaux, un tiers de leurs effectifs sur tout le territoire. Décrétons un moratoire sur l'installation de nouvelles caméras et prenons le temps de réaliser une étude sérieuse en France. Si la situation dans notre pays diffère de celle prévalant au Royaume-Uni ou au Canada, il faut nous dire en quoi !
Le respect des libertés publiques et des garanties posées par le législateur est aussi en jeu. Les préfets délivrent parfois des autorisations pour des lieux qui ne sont pas « soumis à des risques particuliers d'agressions ou de vols » et le contrôle des commissions départementales reste embryonnaire. Quant à la CNIL, ses moyens ne lui ont pas permis d'effectuer plus de 130 contrôles depuis mars dernier. Mais 40% d'entre eux ont révélé une absence d'autorisation, 50% une absence d'information suffisante des personnes concernées, 20% une mauvaise orientation des caméras.
S'agissant de la police de proximité, en janvier 2009, le ministre de l'Intérieur a annoncé la création de 100 unités territoriales de quartier (UTEQ). A la fin de 2009, il en existait 35. Fin 2010, il n'en restait que 29, bientôt transformées en brigades spécialisées de terrain, à effectifs moins nombreux et intervenant sur un territoire plus vaste. Les compagnies de sécurisation, elles, n'ont jamais trouvé leur place. Ces errances auraient-elles pris fin avec la création en avril 2011 des « patrouilles » de deux policiers ? La doctrine est simple : rendre la police « plus visible ». La décision d'acquérir davantage de véhicules « sérigraphiés » participe de la même stratégie. Or les réponses aux questionnaires budgétaires indiquent que « la doctrine d'emploi des patrouilleurs ne s'écarte pas des missions de police générale traditionnelle, avec ses objectifs de prévention, de dissuasion et de répression ». Ce retour aux fondamentaux n'est pas condamnable en soi, mais améliorera-t-il le sentiment de sécurité de nos concitoyens ? J'en doute. En outre, certains policiers estiment qu'il est nécessaire d'être trois dans un véhicule, surtout si les agents doivent descendre du véhicule pour une intervention. Le taux de présence des forces de l'ordre sur la voie publique sera-t-il véritablement accru ? Les patrouilleurs seront en partie choisis parmi les agents déjà présents sur le terrain. Du reste, seuls 5,5 à 6 % des effectifs de sécurité publique sont présents, à l'instant T, sur la voie publique. C'est d'abord là qu'il faut faire porter l'effort. Or les effectifs diminuent...
Toutes ces observations m'amènent à vous proposer de donner un avis défavorable aux crédits de la mission « Sécurité » pour 2012.
Je suis surpris ! Je croyais que l'état 4 001 était remisé au grenier ! L'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) recommande des indices moins globaux. Et le chef de l'Etat lui-même est d'accord ! Les résultats du 4 001 ne reflètent rien, sauf la cote de popularité du président de la République auprès des services de police...
Comment a évolué le taux d'élucidation ? Une façon de l'améliorer, ne nous y trompons pas, est d'orienter l'activité vers certaines affaires, les arrestations dans la rue par exemple. Enfin, a-t-on une idée de l'évolution des dépenses de sécurité assumées par les collectivités : installation de systèmes de vidéosurveillance, gardes champêtres, etc. ? La compression du budget de l'Etat ne va-t-elle pas de pair avec une montée en puissance des dépenses des collectivités ?
Je tiens à vous remercier pour la qualité de votre rapport. La diminution de postes que vous avez signalée prend-elle en compte les 250 postes créés à l'administration pénitentiaire dans le cadre du transfert des compétences d'extraction et de transfèrement de détenus ?
Dans la ville de 40 000 habitants dont j'ai été maire il y a quelques années, nous avons mis en place 80 caméras. Le résultat fut spectaculaire : la délinquance a baissé de 30 % en général, les cambriolages et les vols de deux-roues se sont effondrés. Soyons donc prudents sur l'évaluation de la vidéo-protection, car je préfère ce terme !
Pourquoi ne pas auditionner les responsables de l'Observatoire national ? Nombre de questions que nous nous posons sur la sécurité et la réponse pénale buttent sur les défaillances de notre outil statistique, qu'elles concernent la police, la gendarmerie ou l'administration pénitentiaire. J'espère que l'Observatoire y remédiera.
Dans mon département, les adjoints de sécurité « expatriés » bénéficient d'un traitement indexé sur la cherté de la vie, alors que les agents locaux perçoivent un traitement de moitié. Ce type de discrimination explique les mouvements que connaît Mayotte actuellement. Je comprends que l'Etat se désengage de missions dévolues aux collectivités, mais là il s'agit d'une mission régalienne. Je ne m'explique pas qu'une telle discrimination perdure. La cherté de la vie touche tout le monde, y compris ceux que l'on appelle parfois les « autochtones » ! Ce n'est qu'une illustration des conséquences de ce département au rabais que l'on nous a jeté à la figure !
La vidéosurveillance est peut-être utile dans certains cas, dans les lieux à forte densité de population notamment, mais il faudrait y mettre un frein, car c'est avant tout un marché, dominé par de grosses entreprises, se livrant à des jeux d'influences. Il y a une dizaine d'années, j'étais en poste dans un établissement scolaire où nous avons expérimenté la vidéosurveillance des accès extérieurs. Je témoigne que nous n'avons jamais pu identifier les auteurs des exactions qui étaient filmées par les caméras. En cinq ans, nous n'avons obtenu aucune élucidation des faits ! Rien ne remplace la solidarité humaine et le témoignage humain !
Je partage en tout point ce rapport. En tant que parlementaires, disposant d'un droit de contrôle du gouvernement, nous devons insister sur ce problème de statistiques, qui concerne autant le pouvoir sortant que le pouvoir futur. Il faut travailler sur les instruments. Les critiques les plus fortes à l'encontre de ce projet de budget sont fondées sur la baisse de la présence physique sur le terrain, destinée à la prévention et aux interpellations, proportionnelle au développement exponentiel de la vidéo. Celle-ci peut se justifier, dans certains cas, par exemple sur les quais du métro de Paris. Mais je recommande la prudence sur la vidéo en plein air, qui coûte très cher et alimente de gros marchés dont nous ne connaissons pas les bénéficiaires.
A chaque fois que nous utilisons les statistiques policières, nous nous apercevons qu'elles ne sont pas fiables. Ainsi, la violence augmente en général dans notre société, ce qui appelle des réponses et des débats nécessaires, mais, contrairement à ce que l'on entend partout, la participation des jeunes aux actes de violences, elle, n'augmente pas. Je voterai dans le sens du rapport.
Je partage l'idée d'éviter que les chiffres prêtent à discussion, ce qui occulte le débat de fond. Je suis d'accord : il faut éviter de modifier le thermomètre quand la fièvre monte et de changer les règles, dans un domaine qui ouvre le champ à tous les excès médiatiques possibles. S'il en est un où il faut se garder de nos instincts, c'est bien celui de la sécurité. Chacun mesure, entre son émotion à un instant donné, et ce qu'elle devient après 48 heures, puis plus tard, combien le temps de la réflexion et de l'analyse des faits est indispensable.
L'Observatoire est d'autant plus nécessaire qu'il permettra, loin des réponses hâtives qui ne peuvent s'appuyer sur des réalités objectives, de bâtir les modifications législatives sur des tendances de fond, mesurables.
En revanche, je ne partage pas l'idée du moratoire sur la vidéosurveillance, au motif que, si ses effets positifs sont reconnus là où elle est installée, ce que j'approuve, on ignore les conséquences qu'elle peut entraîner ailleurs... Dès lors que des règles de protection des libertés individuelles sont fixées et que le floutage des images recueillies dans les lieux publics est techniquement possible, je préfère que l'on réfléchisse aux opérateurs, aux concessions, aux liens et aux coûts, mais que l'on ne jette pas le bébé avec l'eau du bain ! Ce n'est pas parce que le marché est concentré et a un coût élevé, qu'il faut limiter l'emploi de la vidéo là où il y a du monde, dans le métro à Paris, et en priver des zones moins densément peuplées. Je ne dis pas qu'il faut en mettre dans les villages, mais, dans les villes moyennes, même loin de Paris, il y a des endroits où ce système peut se justifier. Le moratoire est une très mauvaise idée, car il figerait tout nouveau projet, y compris ceux qui ont pris le temps de la réflexion et de la concertation, et aboutirait à un système à deux vitesses : d'une part, ceux qui ont pris de l'avance, parfois hâtivement ; d'autre part, ceux qui ont préféré prendre leur temps.
Je ne partage pas vos critiques sur le fond, en raison des garanties techniques et déontologiques qui existent. Je m'étonne que vous mesuriez le coût de la vidéosurveillance en créations de postes de policiers municipaux. J'aurais compris une référence aux policiers nationaux, j'ignorais votre préférence pour la police municipale, la sécurité étant une mission régalienne !
Merci pour ce rapport bien énoncé, auquel je suis favorable ! Je m'étonne du paradoxe d'un gouvernement « sécuritaire », qui nous assène sans cesse ses priorités, ciblées sur certaines populations, en la matière, et qui commet, dans la pratique, tant de manquements, en réduisant le personnel, en n'enregistrant plus la délinquance touchant les cartes bancaires...
Nous savons que la vidéosurveillance peut réduire la délinquance dans les lieux clos, mais toutes les études, qu'elles soient anglaises ou françaises, montrent que les résultats ne sont pas concluants ailleurs. C'est, en quelque sorte, un principe de précaution inversé. Or l'argent qu'on met là, on ne le met pas ailleurs ! Une politique efficace de lutte contre la délinquance doit être globale. L'extension de ces techniques pose problème. Même en tant que maire, je suis sceptique sur les résultats, tout en reconnaissant qu'il est difficile de résister aux tentations de l'installer, dans les parkings, par exemple. Nous avons peut-être tort de parler de vidéosurveillance en général ; comme pour les statistiques, il faudrait mener une véritable analyse coût-efficacité. Mais le tempo médiatique laisse toujours la première place à l'émotion...
Je tiens à marquer mon accord, sur l'essentiel, avec le rapport de Mme Assasi.
Sur la vidéosurveillance, il importe de réaliser un diagnostic très objectif du sujet, quitte à le rendre public, tant, spontanément, nos concitoyens ont le sentiment que plus il y a de caméras, mieux c'est !
Je ne suis pas sûr que le moratoire soit pertinent en droit, dans un domaine où, aujourd'hui, les communes décident, en vertu de la loi, certes dans des conditions strictes et moyennant la réunion d'une commission départementale qu'il n'est pas toujours facile de mettre en place. En l'état, votre proposition pourrait aller à l'encontre de la libre administration des communes.
Sur la pertinence des chiffres, j'ai toujours défendu une idée, extrêmement minoritaire parmi les gouvernants et les ministres de l'Intérieur en particulier : dans une démocratie évoluée comme la nôtre, les chiffres devraient être produits par une instance totalement indépendante. Tant que le ministre de l'Intérieur publiera ces chiffres, il est évidemment juge et partie. Tous les ministres de l'Intérieur ont toujours voulu maîtriser les chiffres. Il faudrait une grande vertu républicaine...
Monsieur Collombat, je comprends votre question sur l'état 4 001 : le ministre ne cesse de s'y référer. Les taux d'élucidation de la police étaient de 14,72 % en 2010 pour les atteintes aux biens, 15 % prévus en 2010 ; 54,74 % pour les atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes en 2010, 58 % prévus en 2011 : pour les escroqueries et infractions économiques et financières, 45,2 % en 2010, 47 % prévus en 2011. Pour la gendarmerie, 7,85 % réalisés en 2010 et 7,5 % prévus en 2011 pour les atteintes aux biens ; 79,5 % en 2010 et 80 % prévus en 2011 pour les atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes ; 65,2 % en 2010 et 70 % prévus en 2011 pour les escroqueries et les infractions économiques et financières. Ces chiffres montrent une certaine stabilité.
Sur le développement des dépenses de sécurité des collectivités territoriales, notre commission a décidé la constitution d'une mission d'information, sur les polices municipales...
Elle devrait porter sur les dépenses de sécurité en général, dont celles des collectivités ne forment qu'une partie.
Monsieur Lecerf, j'ai évoqué dans mon rapport le transfert de 800 postes de la police et de la gendarmerie vers l'administration pénitentiaire destinés aux transfèrements de détenus...
En effet !
Quant à la vidéosurveillance, nombreux sont les intervenants qui s'accordent pour dire que les taux d'élucidation sont insatisfaisants. Au-delà des clivages politiques, beaucoup s'accordent pour valider son emploi dans les lieux fermés. A l'issue des auditions que nous avons tenues, le moratoire que je propose n'exclut pas la réalisation d'une étude scientifique, qui fait cruellement défaut. Nous sommes saisis de plusieurs propositions : audit, étude scientifique, moratoire. Nous devons réfléchir à la façon dont notre commission peut porter ce sujet.
Monsieur Béchu, je me suis référé au nombre de policiers municipaux que l'abandon de la vidéosurveillance permettrait d'embaucher, car ce sont les communes qui paient !
Monsieur Lecerf, j'ai reçu M. Bauer, qui est très prolixe, et intéressant. A la commission de voir si elle peut l'auditionner.
Monsieur Mohamed Soilihi, je connais Mayotte et je comprends les colères qui s'y expriment. Nous attendons que la commission lance ses travaux sur l'outre-mer, ce qu'elle doit faire sous peu. Elle se penchera notamment sur les inégalités flagrantes qui sont constatées dans ces territoires. Le point que vous soulevez sera apporté à cette réflexion...
La commission des lois a décidé l'envoi d'une mission à Mayotte, ce sujet pourra y être envisagé.
Monsieur Béchu, le problème de la vidéosurveillance aujourd'hui est qu'elle se développe sans contrôle. Il faut créer les conditions d'une étude sérieuse sur son efficacité. J'ai été plus sympathique dans mes appréciations que le rapport de la Cour des comptes !
Cela ne m'étonne pas de vous ! Les rapports de la Cour sont plutôt austères.
Notre commission a rendu en 2008 un rapport d'information sur la vidéosurveillance, qu'il faudrait peut-être revisiter à l'aune de son développement depuis lors.
Sur le terrain, dans les collectivités, l'implantation de la vidéosurveillance se fait par convention de coopération entre la police municipale et la police nationale. De même qu'il est difficile d'opposer l'urbain et l'humain, à propos de rénovation urbaine, il s'agit ici de gestion urbaine de proximité et dans la pratique, la qualité de la coopération entre police municipale et police nationale influe beaucoup sur le succès de l'opération.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité ».
La commission examine le rapport pour avis de Mme Corinne Bouchoux sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Immigration et intégration » de la mission « Immigration, asile et intégration »).
Je signale à ma collègue Nicole Bonnefoy qui a traité hier la question des inégalités hommes-femmes que les responsables des programmes mentionnés dans le document de politique transversale relatif à l'immigration sont tous masculins. Je tiens à remercier Esther Benbassa de m'avoir encouragé à prendre en charge un rapport, alors que je croyais naïvement qu'il fallait attendre trois ans avant de prendre la parole en commission !
Je remercie mon prédécesseur, sur les travaux duquel j'ai pu m'appuyer. Longtemps lectrice de la revue Plein Droit et fille d'une mère non française ne parlant pas notre langue comme il est aujourd'hui requis par les textes, c'est avec émotion que j'aborde la présentation de ce budget.
Pour les chiffres, je renvoie aux documents et aux tableaux qui ont été distribués et feront partie de mon rapport écrit ; je vous proposerai un zoom sur les points ayant particulièrement retenu mon attention.
La politique de l'immigration repose sur deux principes : tout étranger en situation régulière doit être accueilli dans des conditions permettant un parcours d'intégration jusqu'à l'accès à la citoyenneté, faisant l'objet du programme 104 ; tout étranger en situation irrégulière doit être reconduit à la frontière, ce qui est l'objet du programme 303. Il faut y ajouter le programme 301 qui relève de l'aide publique au développement.
La mission repose sur quatre objectifs : la maîtrise de l'immigration légale ; la lutte contre l'immigration irrégulière ; l'intégration des migrants en situation régulière ; la garantie du droit d'asile, qui sera examinée par le président Sueur dans son avis présenté cet après-midi.
Il y a environ 119 000 entrées régulières permanentes d'étrangers hors Union européenne et à peu près autant de naturalisations chaque année.
L'objectif principal du gouvernement en matière d'intégration est, pour les non francophones ayant signé le contrat d'accueil et d'intégration, l'obtention du diplôme initial de langue française (DILF), pour lequel le taux de réussite de 68 % doit être atteint en 2012, contre 60 % en 2010, ne concernant que 23,7 % des entrants. Pour la naturalisation, le passage du niveau A1 au niveau B1 risque d'éloigner certaines femmes dont le niveau est très bas à l'arrivée en France. Comme nous l'ont fait remarquer certaines associations, ce n'est pas très égalitaire, même si l'intention est louable.
La loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, l'intégration et la nationalité, est en cours d'application. Désormais, l'évaluation du niveau linguistique est sous-traitée à l'extérieur des préfectures. C'est plus simple, mais cela entraîne une marchandisation, sur laquelle ne manqueront pas de prospérer des officines diverses.
Les emplois « équivalents temps plein » (ETP) de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) passent de 820 en 2011 à 835 au budget 2012, ce qui s'accompagne d'une politique volontariste en matière de productivité. Le service des naturalisations est passé de 156 ETP en 2009 à 136 cette année, 126 ETP sont inscrits au projet de budget : il s'agit donc de faire plus avec moins.
La suppression du ministère de l'immigration et son remplacement par le secrétariat général à l'immigration et à l'intégration au ministère de l'intérieur a permis des économies d'échelle, avec une réduction de 612 ETP en 2011 à 587 au budget 2012. C'est positif. Les actions sont ainsi ventilées : 17 % vont à l'accueil des primo-arrivants, 53 % à l'intégration des étrangers en situation régulière, 11 % à l'installation et à l'accès à la nationalité, 18,7 % à l'intégration des réfugiés.
Il y a un fossé entre les réalités vécues sur le terrain, les urgences repérées et les objectifs du ministère, centrés sur les immigrés en situation régulière et l'intégration. Une politique privilégiant l'acquisition de la nationalité peut-elle aller de pair avec une citoyenneté de résidence, l'intégration devant davantage mettre l'accent sur l'accès à la formation, à l'emploi, au logement et à la santé, plutôt que sur l'acquisition d'un niveau de langue.
L'accroissement des responsabilités des préfectures ne s'accompagne pas d'une augmentation de leurs crédits. Le manque de moyens humains et les difficultés des centres d'accueil se ressentent. Je me demande si une mission d'information sur les capacités d'accueil des services des étrangers dans les préfectures ne pourrait pas être constituée.
Sur les étudiants étrangers, malgré les précisions apportées ici par le ministre, j'ai reçu confirmation hier que, sur les 462 dossiers suivis par la conférence des grandes écoles, seuls 60 avaient obtenu une réponse positive. J'attire solennellement l'attention sur le préjudice très grave qui est porté à l'image de la France, qui a promis à ces étudiants le droit à une première expérience professionnelle et le leur refuse aujourd'hui. C'est une atteinte importante au rayonnement de la France au moment où l'on n'a jamais autant parlé de société de la connaissance.
La cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI) présente de belles expositions, mais il serait intéressant d'examiner de plus près son travail. Elle détient le monopole de la représentation sur l'immigration. Mais se pose la question de l'accès : tout le monde ne vit pas en région parisienne, son action devrait être relayée sur le territoire.
Je m'interroge sur le coût de la politique d'éloignement : rien que pour les aéronefs, il s'élèverait à 1 750 000 euros.
L'angle mort de la politique d'immigration est formé par les migrations climatiques, qui ne manqueront pas de se développer.
Je regrette le déséquilibre entre les 85 millions d'euros consacrés à la lutte contre l'immigration clandestine et les 41 millions d'euros destinés à l'intégration. Je déplore la baisse de 7,6 % des crédits de l'Ofii, qui illustre un réel désengagement de l'Etat, au profit de ressources fiscales assises sur les titres de séjour payés par les immigrés eux-mêmes. Où est la politique d'hospitalité, même si la conjoncture budgétaire est difficile ?
Je souligne l'insuffisance des moyens de l'Ofpra, de la cour nationale du droit d'asile (CNDA) et les difficultés d'accueil des mineurs isolés, notamment en Seine Saint-Denis.
Je m'interroge sur le coût politique et économique de la suppression du ministère de l'immigration, de l'identité nationale et du développement solidaire et de l'intégration du secrétariat général à l'immigration et à l'intégration au sein du ministère de l'intérieur. Les économies réalisées sont modestes.
Je m'interroge aussi sur la politique du ministère de l'intérieur à l'égard des étudiants étrangers, véritable retournement qui ne dit pas son nom, sur les modifications législatives de la procédure d'éloignement, sur lesquelles je souhaiterais que nous travaillions, enfin, sur la politique internationale et européenne menée depuis le Printemps arabe. La fermeture de certaines frontières de l'espace Schengen mérite toute notre attention, en lien avec d'autres commissions.
Merci de la précision et de la présentation de votre rapport. Examiner ce qui se passe dans les préfectures est une très bonne idée, mais sans proposer un nouveau rapport d'information, vous pouvez, en votre qualité de rapporteur, mener vos investigations, en programmant des visites de préfecture tout au long de l'année, et en vous faisant accompagner d'un ou deux collègues.
Je tiens à vous féliciter pour votre rapport, qui met en évidence les points sensibles de la politique d'immigration. 32 millions d'euros sont utilisés pour reconduire les étrangers en situation irrégulière. Parmi eux, il y a des enfants scolarisés, des personnes intégrées, qui ont un travail : quelle est la légitimité de cette politique ?
Le programme 301, dit de « développement solidaire et d'immigration » est un outil du ministère de l'intérieur, qui n'a aucune vocation d'aide publique au développement. Ses moyens sont mis en oeuvre par le ministère chargé de l'immigration, sous sa responsabilité. Le ministre de l'intérieur dispose de ces financements pour « acheter » les accords de gestion concertée des flux migratoires avec les gouvernements des pays d'origine. Ces 28 millions d'euros devraient être réintégrés dans le programme 301.
Le réseau mondial d'attribution de visas ne dispose pas de beaucoup de crédits. Ceux qui sont destinés à l'investissement, en 2012, iront en priorité à la sous-traitance du recueil des données biométriques. L'externalisation peut être la source de fuites ou d'errements. Les opérateurs se financent en taxant chaque demandeur de 20 à 30 euros, ce qui est très rentable. Certes, la qualité d'accueil est améliorée, mais c'est une mission de service public que le blocage des emplois et la politique immobilière des consulats ne permettent plus d'assumer. Ce sont des entreprises indiennes qui traitent les demandes de visas. Les marchés ne sont pas attribués en toute transparence. Certes, les demandeurs constatent des effets positifs, mais, dans les pays où la démocratie n'est pas parfaite, cette politique n'est pas exempte de risques. Pour les demandes politiquement sensibles, ce désengagement du service public pose un réel problème.
La politique d'accueil des étrangers est de plus en plus financée par ceux-ci. Ces nouveaux moyens n'abonderont le budget de l'Ofii que dans la limite de 122 millions d'euros, le surplus ira au budget général, alors qu'il y a tant de besoins pour améliorer l'accueil des étrangers. Quelques mairies reçoivent les résidents étrangers pour le renouvellement de leurs cartes de séjour, il serait nécessaire d'étendre ces expérimentations, pour éviter qu'ils aient à passer en préfecture, en transférant les moyens correspondants aux mairies.
Quant aux étudiants, il y a un décalage complet dans la procédure de Campus France, qui réalise toute une analyse pseudo-pédagogique sans avertir le demandeur des conditions qu'il doit remplir, et notamment du minimum de ressources dont il doit disposer, qui a été augmenté. Ce n'est pas scandaleux en soi, ce qui l'est, c'est la manière : en septembre, sans information préalable, le refus est notifié. Des refus auraient pu être évités si les candidats avaient pu s'organiser.
Je salue la qualité de ce rapport sur un thème qui fera l'objet d'une réflexion à long terme de la commission. Je souscris à vos remarques sur les étudiants étrangers. Nous allons à rebours de tout ce qui a été raconté sur la société de la connaissance et l'ouverture des frontières aux personnes qualifiées.
La situation des services d'accueil des étrangers dans les préfectures est un thème de travail pour les mois à venir. Depuis des années, se développe dans nos départements une situation insupportable. Le personnel des préfectures a fourni des efforts considérables pour améliorer l'accueil, mais souvent, les problèmes d'effectifs et de locaux l'ont rendu intolérable.
Il est temps de faire le point sur les accords de gestion concertée qui recouvrent les accords relatifs à la réadmission sans comporter aucun volet d'aide au développement sérieux.
Nous continuons de parler d'immigration, mais, dans notre pays comme chez nos voisins, se pose la question des migrations, qui sont appelées à s'étendre à la planète entière, en raison des inégalités de développement, des guerres, etc. Nous devrions réfléchir à ces flux mondiaux, qui ne se limitent pas à des problèmes d'entrée sur le territoire. Vous avez très justement évoqué la situation de l'espace Schengen. J'approuve totalement votre rapport.
Merci de cet exposé très précis. J'ai donné une conférence de presse sur les étudiants étrangers avec Bariza Khiari la semaine dernière . Cette nouvelle politique de la France est préjudiciable, je le dis en tant qu'universitaire. Nos étudiants de qualité partent. Voyez les universités américaines, qui savent accueillir les grands cerveaux, dont leurs centres de recherche et leurs grandes compagnies ont besoin ! Nous sommes en train de porter préjudice à notre nation, alors que les prix Nobel américains ont des noms à consonances hongroise, polonaise...
Nous nous privons des jeunes talents, alors que nous n'avons pas tant d'étudiants de qualité, les meilleurs préférant déjà les Etats-Unis ou l'Allemagne ! Ceux qui arrivent ici, nous n'arrivons pas à les retenir. J'appelle ce masochisme l'exception française !
J'ai travaillé avec la CNHI. J'ai rompu tous mes contrats depuis un an et demi, après la nomination d'un directeur par le gouvernement et le cabinet de M. Sarkozy, qui relisait et censurait tous nos textes avant publication, ce qui est intolérable ! Cet établissement est devenu une petite agence qui fait vivre certaines personnes mais ne fait rien pour l'immigration. Les groupes scolaires qui s'y pressent y vont pour l'aquarium tropical situé au sous-sol du palais de la Porte dorée !
Difficile de parler de l'immigration sans évoquer l'asile, ce sont l'envers et le revers d'une même médaille... La France est non seulement le pays qui reçoit à la fois le plus de demandes après les Etats-Unis, mais aussi celui qui accorde le plus largement le droit d'asile. Et, pour les personnes déboutées, nous procédons très peu aux éloignements.
Des problèmes financiers à l'Ofpra ? Pour y représenter le Sénat depuis de longues années, je ne m'en étais pas aperçu... En revanche, la CNDA connaît, elle, des difficultés.
Enfin, s'agissant de la « circulaire Guéant », qui prévoit d'éloigner des étudiants étrangers diplômés souhaitant acquérir une expérience professionnelle en France, je ne désespère pas que nous parvenions à trouver un large accord pour la remettre en cause !
En ces matières, gardons-nous de toute approche caricaturale qui susciterait l'incompréhension de nos concitoyens... Oui, nous allons assister à un développement des migrations. C'est le sens de la mondialisation : avec le développement des transports et de la communication, chacun peut désormais savoir ce qui se passe à l'autre bout de la planète. A partir de ce constat, qui est partagé, il y a lieu de s'interroger : comment un pays démocratique qui tient à sa politique sociale comme le nôtre peut-il s'adapter à cette évolution ?
L'explosion des coûts liés à l'accueil des mineurs isolés, un point passé sous silence dans le rapport, ne saurait être éludé au Sénat, la chambre qui représente les collectivités territoriales. La Mayenne, située à quelque 150 km de Paris, fait face à des flux très organisés : les jeunes, auxquels les passeurs retirent leurs papiers d'identité, descendent du train ; ils sont pris en charge par la police, puis par des associations avant que le département ne soit contraint de prendre le relais. Ce phénomène s'observe également dans le Maine-et-Loire et l'Ille-et-Vilaine que connaît mieux notre rapporteur. Les conseils généraux ne peuvent plus faire face ! Mon département, qui compte 300 000 habitants, doit leur réserver pas moins de 2 millions d'euros en 2012. De fait, leur nombre ne cesse d'augmenter : une multiplication par deux cette année, comme l'an dernier ! Devant cet effet boule de neige, nous devons tirer la sonnette d'alarme. Faut-il demander des crédits supplémentaires à l'État ? Difficile dans le contexte budgétaire actuel ... Oui, la France a une tradition d'accueil et d'intégration. Du reste, le Sénat compte plus de parlementaires issus de l'immigration que l'Assemblée nationale. Sans doute faut-il y voir les vertus du suffrage universel indirect... Pour autant, cela ne nous exonère pas de lutter contre des phénomènes dont les mineurs sont les premières victimes.
Je partage l'avis de M. Lecerf : la règlementation sur les étudiants étrangers est inadéquate. Et ce, pour la simple raison que la formation est question d'alternance. Pour être véritablement opérationnel dans son métier, l'étudiant doit acquérir une première expérience.
Je souscris aux excellentes préconisations de notre rapporteur. Ce budget illustre l'inadmissible politique d'immigration du Gouvernement, une politique de surcroît coûteuse et surtout au service d'une idéologie. Cela explique d'ailleurs son échec.
L'accueil en préfecture ? Le problème ne s'arrête pas à la Seine-Saint-Denis ; tout le territoire est concerné, y compris l'outre-mer. Le travail des personnels n'est pas en cause, ce sont les moyens qui manquent. Nous devons mener une réflexion globale à ce sujet.
Même remarque concernant les mineurs isolés : le problème dépasse mon département. Interrogeons-nous d'abord sur les raisons qui poussent ces mineurs toujours plus nombreux à quitter leur pays dans des conditions dramatiques, pour gagner la France qu'ils n'atteignent parfois jamais. L'État doit respecter ses engagements internationaux, c'est à lui de les accueillir et de les protéger. Là encore, nous devons être une force de proposition.
Je me réjouis des propos de M. Lecerf sur la « circulaire Guéant ». Mme Borvo Cohen-Seat, Mme Gonthier-Maurin et moi-même avons interpellé le Gouvernement à plusieurs reprises à ce sujet ; en vain.
Pour terminer, quelques mots de l'outre-mer. Les conditions d'accueil des étrangers dans les centres de rétention à Mayotte, où je me suis rendue, sont particulièrement inacceptables : les gens sont entassés les uns sur les autres. A notre commission de lancer la réflexion.
L'accueil des mineurs isolés ne peut pas relever des seules collectivités territoriales, contrairement à ce qu'affirme le ministre. Mon département a dû lui consacrer 3,5 millions dans son budget ! N'y voyez pas un refus en soi de ces jeunes qui, souvent, ne présentent pas de difficultés de comportement. Au contraire, leur volonté d'intégration est forte et, lorsqu'ils sont scolarisés, ils réussissent plutôt bien. Il faut donc y insister : la politique d'immigration est une compétence de l'État.
Le constat est partagé sur les conditions d'accueil dans les préfectures. A Créteil, les gens arrivent la veille pour faire la queue le lendemain...
Malgré les mesures prises, la situation reste inacceptable parce que nous faisons face, aujourd'hui, aux conséquences de la RGPP. Pour trouver des améliorations, notre commission aurait tout intérêt à recevoir les délégations syndicales des personnels de préfecture.
Le placement des enfants en centre de rétention est interdit au regard de la Convention internationale des droits de l'enfant ; c'est notre devoir de législateur que de le rappeler à l'État. Cela ne signifie pas que j'approuve la séparation des mineurs d'avec leurs parents...
mais que je recommande de placer les familles en attente ailleurs qu'en centre de rétention.
J'approuve totalement le rapport de Mme Bouchoux : notre politique de l'immigration est totalement inefficace depuis de longues années. A Mayotte, l'État met pourtant les moyens : 70 millions chaque année pour la lutte contre l'immigration clandestine. Rien n'y fait ; il doit accorder des rallonges budgétaires tous les ans. Il est grand temps de changer de politique !
Concernant les mineurs isolés, on estime leur nombre à 6 000 dans mon département, un chiffre logique pour un département qui concentre les deux tiers des expulsions de notre pays.
Les mineurs isolés, question dont M. Béchu est devenu le spécialiste, seraient au nombre de 6 000 à 10 000 en France, selon les estimations. Le ministère de la Justice a créé un groupe de travail sur ce sujet, signale M. Alfonsi dans son rapport. Peut-être pourrions-nous également aborder la question sous cet angle ainsi que celui des enfants en centre de rétention, dans une approche plus humaine.
La détérioration de l'accueil en préfecture s'explique effectivement par l'effet de ciseaux de la RGPP. Je compte m'inspirer des méthodes qu'a développées M. Lecerf dans son rapport sur les prisons pour effectuer un tour de France des préfectures cette année.
La commission donne un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission relatifs à l'asile et à l'intégration.
La commission examine le rapport pour avis de M. Gaëtan Gorce sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Vie politique, cultuelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat »).
Merci à M. Anziani d'avoir accepté que je rapporte à sa suite le programme « Vie politique, cultuelle et associative » qui recouvre, pour l'essentiel, les crédits liés à l'application de la loi de 1901 sur la liberté d'association, de la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État ainsi que des lois plus récentes sur le financement de la vie politique et les campagnes électorales. Ceux-ci connaissent une très nette augmentation, aussi bien en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement. Elle atteint 230 %, ce qui est logique en période pré-électorale.
La nation est-elle prête à accorder à une vie démocratique transparente les moyens nécessaires ? Le cadre législatif a profondément évolué depuis le début des années 1980. Près de treize lois ont été votées, signe de l'attention du législateur mais aussi de la difficulté à mettre en oeuvre un dispositif complètement satisfaisant. En 2012, le financement des partis représente près de 80 millions d'euros, celui des campagnes électorales environ 340 millions ; mais là n'est pas l'essentiel. L'important est de chercher, après les travaux du groupe de travail de la commission auquel vous avez participé Mme Borvo Cohen-Seat, à combler les failles de notre système pour une législation plus rigoureuse et plus efficace.
Les micro-partis se sont multipliés ces dernières années. Ces organisations se placent sous l'empire de la loi électorale pour bénéficier de ses avantages, sans qu'il soit toujours possible de clarifier leurs échanges de ressources avec d'autres formations politiques. De fait, la commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ne peut pas, parce que la loi l'en empêche, poursuivre ses investigations au-delà des incohérences manifestes dans le périmètre contrôlé. Le Conseil d'Etat en a d'ailleurs tiré les conséquences dans ses décisions. Il est impossible à la CNCFP de demander à un parti de préciser les sommes qui transitent vers une autre formation politique et pour quelles missions. Cette remarque vaut également pour les dépenses électorales. Bien que les sommes soient relativement modestes, elles introduisent de l'opacité dans un dispositif dont la clarté devrait être totale.
Autant nous avons réussi à encadrer les dons, autant persiste une totale liberté quant aux cotisations. Or ces dernières représentent la principale ressource des partis... L'autonomie des partis et la liberté du citoyen d'y adhérer en toute confidentialité expliquent cette absence de contrôle. Pour autant, celle-ci fait obstacle à une surveillance cohérente des montants exacts attribués aux partis politiques, directement ou indirectement. Cette situation est fort préjudiciable quand existent des déductions fiscales, qui atteignent 20% du montant du revenu imposable, sur des dons plafonnés à 7 500 euros par an et par parti et à 4 600 euros par candidat. Il n'y a pas de raison d'interdire à un contribuable de financer plusieurs formations et plusieurs candidats s'il le souhaite. En revanche, ce n'est pas à l'État, par le biais de la déduction fiscale, d'encourager une prodigalité qui n'est manifestement pas inspirée par la plus grande cohérence idéologique. Encore une fois, la solution passe par le renforcement des pouvoirs d'investigation de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Je précise que cette commission ne se plaint ni de ses ressources ni de son organisation. Tout au plus s'inquiète-t-elle de l'élection des conseillers territoriaux, une inquiétude que le Sénat devrait s'employer à lever définitivement... En revanche, la limitation de ses prérogatives par le Conseil d'État est clairement contraire à l'article 4 de notre Constitution aux termes duquel la liberté des partis à se former et à fonctionner s'exerce dans le respect des principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.
Au nom de la souveraineté nationale, il faut, au reste, s'inquiéter de certaines dispositions sur le financement des campagnes électorales, à commencer par celles relatives à l'élection des nouveaux députés représentant les Français de l'étranger, décidée lors de la révision constitutionnelle de 2008. Celle-ci entraîne un surcoût de plus de 8 millions d'euros. Surtout, la commission des comptes se dit incapable de vérifier de manière satisfaisante la régularité des opérations électorales, notamment dans les pays où la conversion monétaire est impossible. Soyons-en conscients.
En outre, l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, a réduit le taux de remboursement de 5%. Cette mesure nécessitera, pour l'élection présidentielle, un projet de loi organique qui alourdira le calendrier parlementaire sans donner entière satisfaction. D'une part, parce que le processus est déjà enclenché depuis le 1er juin ; d'autre part, parce que la diminution des dépenses remboursables favorisera les candidats qui peuvent mobiliser des ressources propres. J'ajoute : il est surprenant d'abaisser un plafond que les candidats ont déjà tant peiné à respecter lors des dernières élections. C'est particulièrement vrai pour la présidentielle qui exige d'importants investissements.
D'où, peut-être, les débats vifs de ces derniers mois sur la manière dont certains comptes de campagne ont été alimentés, bouclés, contrôlés. Un ancien président du Conseil constitutionnel, assisté d'un ancien « sage », a même déclaré avoir considéré valides des comptes qui ne l'étaient pas... Faut-il prévoir un contrôle en amont des infractions ? Quoi qu'il en soit, la situation actuelle présente de forts inconvénients. Qu'un candidat soit soupçonné de dépendre de ressources provenant d'État étrangers est de nature à mettre en cause la crédibilité de son action, mais aussi de sa capacité à représenter la France. Le législateur a donc intérêt à prendre toutes les garanties nécessaires, dans les limites du raisonnable. Je suggère que le Sénat réfléchisse à la constitution d'un groupe de travail ou d'une commission d'enquête afin d'étudier les principaux contournements de la législation.
Quelles sanctions prévoir en aval ? Une question fort délicate, pour la plus haute élection qui soit, car elle pourrait conduire à invalider le suffrage universel. Comment sanctionner un chef d'État élu ?
La seule réponse passe par l'article 68 de la Constitution relatif à la destitution du Président de la République, pour autant qu'on puisse la mettre en oeuvre... Nous attendons toujours l'adoption de la loi organique afin que la République, si une telle hypothèse devait se présenter, ne reste pas impuissante devant des faits qui, par leur ampleur, sapent la confiance de nos citoyens dans l'élection.
Accordons-nous les moyens adéquats à la lutte contre les dérives sectaires ? M. Anziani a beaucoup oeuvré pour sensibiliser la Haute assemblée à l'activité de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Laquelle se heurte à des difficultés pratiques dans sa coopération avec les préfectures, quoi qu'en ait dit le ministre de l'Intérieur devant notre commission. Conforter la volonté de coopération est dans l'intérêt bien compris des deux parties, je ne manquerai pas de le souligner dans le rapport. Cette mission s'appuie sur une cellule d'assistance et d'intervention en matière de dérives sectaires (Caimades), composée de policiers et de gendarmes. En quelques années, ses effectifs sont passés de 7 à 4, et plus aucun gendarme ! Bien que nos finances soient en péril, notre note AAA ne sera certainement pas mise en péril si nous maintenons ces ETPT. Il faut donner à la mission les moyens de son action, rappelons-le au Gouvernement, surtout qu'ils ne sont pas disproportionnés...
Le surcoût du financement de la campagne électorale des onze députés des Français de l'étranger est, en grande partie, lié à l'établissement des listes électorales. Les consulats, depuis plusieurs années, n'ont pas eu les moyens de les actualiser. Autre explication, le vote électronique, qui est indispensable quand les électeurs habitent parfois à des milliers de kilomètres de leur bureau de vote, coûte cher. Le Gouvernement devra d'ailleurs s'assurer de sa totale sécurisation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
La loi autorise déjà des personnes physiques étrangères à financer la campagne électorale. Cette disposition devient indispensable avec la création des onze députés : les Français de l'étranger sont souvent fiscalisés hors de France ! En revanche, il faudrait préciser, pour éviter les dérives constatées dans le passé, les conditions dans lesquelles des personnes qui sont, par nature, incontrôlables peuvent participer à l'activité politique en France.
Soit dit en passant, nous sommes très préoccupés par le financement public indirect sur lequel s'appuie le ministre des transports et candidat de l'UMP pour faire campagne dans la vaste circonscription, qui va de Mourmansk à Wellington. Cela pose un vrai problème d'égalité entre les candidats.
La lutte contre les dérives sectaires est un long cheminement, je l'ai suivie depuis le début. Notre pays n'a pas encore tout à fait conscience des dégâts causés par les sectes ; la justice n'est pas très allante. Les relations avec les préfectures vont s'améliorer. En fait, le vrai problème se situait au niveau des services d'information générale, autrefois du ressort des renseignements généraux, dont les services de police n'avaient pas fait une priorité depuis leur rattachement à la direction de la sécurité publique... La cellule doit absolument compter des gendarmes. Les sectes ne s'installent pas seulement en centre-ville ! Les maires ruraux le savent bien, eux qui redoutent que telle ou telle grande propriété de leur commune soit reprise par une secte déguisée sous les traits d'une association.
Quant au reste, notre pays a accompli des progrès considérables sur la moralisation du financement de la vie politique. La situation est loin d'être meilleure en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Que faire en cas de dépassement pour la présidentielle ? Voilà la vraie question. Dans les autres cas, les plafonds sont toujours respectés. Le contrôle par la commission nationale des comptes de campagne ? Il s'assimile à celui pratiqué par les experts-comptables. Qui n'a pas été épinglé pour une simple erreur de ligne ? Des améliorations sont toujours possibles, mais attention de ne pas porter atteinte au principe de la confidentialité. Des déclarations au fisc ? Ne dépassons pas certaines limites... Les déductions fiscales sont, à mon sens, la dépense fiscale la plus utile qui soit : grâce à elles, partis et associations ont un financement normal. Enfin, s'agissant des micro-partis, une décision du Conseil constitutionnel, me semble-t-il, a tranché en supprimant le seuil de 1% que nous avions introduit, lorsque j'étais jeune député. Nous voulions éviter que n'importe quelle association pour la défense des droits des animaux, qui satisferait à des critères simples, obtienne de confortables financements durant cinq ans.
Inspirons-nous du rapport du groupe de travail de notre commission pour améliorer le contrôle des comptes de campagne. S'il ne m'avait pas donné totale satisfaction, il présentait le mérite d'être consensuel. Nous ne pouvons pas accepter ces cercles d'amis, sur lesquels la commission des comptes avait attiré notre attention, qui se forment autour d'un candidat. Ils sont, en réalité, des subdivisions de grands partis.
A propos du financement des partis, nous sommes très favorables à une nouvelle répartition entre la part liée au pourcentage de voix et la part relative au nombre de parlementaires. La droite refusant jusqu'ici la proportionnelle, cette situation désavantageait les petites formations politiques.
Nous reviendrons sur l'élection des députés des Français de l'étranger, une question sur laquelle le ministre lui-même reconnaît son embarras. D'ailleurs, le dispositif qui devait accompagner cette innovation n'est toujours pas publié.
Précisons que ce n'est pas la Miviludes, mais sa cellule qui voit ses effectifs diminuer. Peut-être faut-il envisager un courrier du président de la commission au ministre de l'Intérieur ?
Certes, monsieur Hyest, notre système fonctionne globalement bien. Pour autant, pouvons-nous nous satisfaire des récentes déclarations, mises en cause et enquêtes judiciaires plus ou moins avortées sans se demander s'il n'y pas, derrière, des pratiques autrefois généralisées que nous ne pouvons plus tolérer ? La suppression pure est simple des micro-partis n'est pas envisageable au nom de la liberté de choix. En revanche, la transparence devra être totale sur les mouvements financiers entre les formations politiques, ce qui nous renvoie au renforcement des pouvoirs de la commission des comptes.
Outre la baisse des plafonds et celle des moyens dévolus à la cellule d'appui à la lutte contre les sectes, je regrette que la réflexion sur la transparence de la vie politique soit au point mort. Voilà qui motive l'avis défavorable que je propose à la commission.
Grâce à la nouvelle répartition des avis budgétaires, nous avons entendu ce matin également quatre excellents rapports. Je m'en réjouis.
La commission donne un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative ».