Intervention de Michel Delebarre

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 novembre 2011 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission pouvoirs publics - examen du rapport pour avis

Photo de Michel DelebarreMichel Delebarre, rapporteur :

Notre commission des lois a décidé de créer un rapport pour avis consacré à la mission « Pouvoirs publics » qui regroupe les crédits de la Présidence de la République, des assemblées parlementaires, des chaînes parlementaires, du Conseil constitutionnel, de la Haute Cour de justice et, enfin de la Cour de justice de la République. Dans le cadre de ce premier avis, je vous propose de porter une attention particulière à la question prioritaire de constitutionnalité et aux conséquences de la mise en oeuvre de cette procédure sur le budget du Conseil constitutionnel.

Je voudrais toutefois dans un premier temps dresser un tableau des dotations affectées à chacun de ces pouvoirs publics et d'abord souligner deux points communs :

- premièrement, l'autonomie financière qui régit chacun ;

- deuxième trait commun, à caractère conjoncturel celui là : l'effort de maîtrise de la dépense. A l'exception des dotations des deux chaînes parlementaires, globalement majorées de 9 % par rapport à 2011, les autres dotations devraient être diminuées (y compris celle du Sénat pour laquelle le maintien en euros constants avait d'abord été demandé) ou reconduites.

Les crédits de la présidence de la République, d'abord. Depuis 2009, les comptes et la gestion de la présidence de la République font l'objet d'un contrôle annuel par la Cour des comptes. Dans le rapport sur l'exercice 2010, la Cour constate des « avancées substantielles (...) dans le sens tant de la conformité des procédures à la règle de droit que d'une plus grande rigueur de gestion ». Ces avancées sont de trois ordres.

La consolidation en un seul budget de charges réparties jusqu'en 2007 entre divers ministères. Un effort de transparence reste cependant nécessaire notamment sur la question, dont notre collègue René Dosière s'est fait l'écho à l'Assemblée nationale, de la programmation par la présidence de la République des aides exceptionnelles aux collectivités territoriales inscrites au budget du ministère de l'intérieur ou à celui du ministère des finances.

Ensuite une politique de mise en concurrence des fournisseurs a été appliquée, notamment, une généralisation progressive des appels d'offres. Les dépenses de communication de l'Elysée sont ainsi passées de 3,2 millions d'euros à 1,4 million d'euros entre 2008 et 2010.

Enfin, la gestion a été réformée dans le sens d'une plus grande maîtrise des coûts dans quatre domaines qui, par le passé, avaient connu certaines dérives :

- les dépenses privées du Chef de l'Etat préfinancées, selon une « pratique très ancienne » comme le relève la Cour des comptes, sur des fonds publics gérés par l'intendance qui n'en demandait pas systématiquement le remboursement, sont désormais réglées sur les fonds propres du Président ;

- la gestion des immeubles affectés à la présidence de la République a été « allégée » ;

- la rationalisation de l'organisation des voyages présidentiels qui constituent le deuxième poste des charges de la présidence de la République. La Cour observe que pour un nombre de déplacements quasi identiques, la dépense est passée de 19,7 millions d'euros à 18,8 millions d'euros.

L'effort de rigueur devrait se poursuivre en 2012. Le projet de budget s'élève à 111,7 millions d'euros contre 112,2 millions d'euros soit une réduction de 0,5 %. Une triple évolution positive mérite d'être notée sur les effectifs, les déplacements présidentiels, les charges de fonctionnement courant.

J'en viens aux assemblées parlementaires.

L'évolution des dotations des assemblées parlementaires se caractérise par une volonté commune de réduire les dotations en volume. Pour la cinquième année consécutive, l'Assemblée nationale a reconduit sa demande de dotation en euros courants d'un montant de 533,91 millions d'euros. Un amendement déposé par le président de l'Assemblée nationale et deux questeurs a réduit de 3 % les crédits initialement prévus, soit une baisse de 16 millions d'euros.

Quant à la dotation initiale destinée au Sénat dans le projet de loi de finances pour 2012, elle s'élève à 333,5 millions d'euros, stable en euros constants (soit une hausse de 1,8 % correspondant au taux d'inflation). A ce montant s'ajoute un prélèvement sur ressources propres de 18,4 millions d'euros. Cependant, à l'initiative du président du Sénat et des questeurs, un amendement au projet de loi de finances devrait réduire de 3 % cette enveloppe grâce à une révision complète du programme des travaux.

Les dotations des chaines parlementaires sont les seules qui, au sein de la mission « pouvoirs publics » enregistrent une hausse. Cette évolution est pour partie liée à l'augmentation des frais de diffusion. Selon une étude Médiamétrie réalisée en décembre 2010, sept téléspectateurs sur dix connaissent Public-Sénat et un sur deux la regarde.

La Cour de justice de la République : la dotation est reconduite en 2012 pour un montant de 817.450 euros. Elle est consacrée à près de 60 % au paiement du loyer de la Cour de justice. La Cour de justice de la République pourrait occuper à l'horizon 2017 les locaux laissés vacants par le tribunal de grande instance de Paris lors de son emménagement sur le site des Batignolles à Paris. Dans l'intervalle, la Cour de justice pourrait s'installer dans des locaux situés rue du Renard qui relèvent aujourd'hui de l'administration pénitentiaire. Il semble que la Cour ne pourrait s'y établir, au plus tôt, que dans deux ans... pour les quitter deux ans plus tard. Ce dispositif ne me paraît guère avantageux.

J'en viens à la dotation du Conseil constitutionnel. Elle s'élève à 10,99 millions d'euros soit une diminution de 0,65 % par rapport au budget de 2011. Elle se caractérise par :

- la maîtrise des dépenses de fonctionnement ;

- la poursuite de la restructuration des locaux du Conseil constitutionnel ;

- les dépenses propres à l'organisation de l'élection présidentielle (1,73 million d'euros) qui implique notamment l'indemnisation de quelque 1.800 délégués magistrats judiciaires et administratifs assurant des vacations.

Quel bilan peut-on dresser de la mise en oeuvre de la question prioritaire de constitutionnalité ?

Je formulerai trois observations.

En premier lieu, la question prioritaire de constitutionnalité est devenue un instrument largement utilisé pour assurer le respect des droits et libertés constitutionnelles.

M. Jean-Louis Debré m'a confirmé que les avocats se sont approprié cette procédure. L'effort de communication déployé par le Conseil n'est sans doute pas étranger à ce phénomène. A la suite de l'entrée en vigueur de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, une première saisine est parvenue au Conseil constitutionnel le 14 avril 2010. La première séance s'est tenue le 25 mai et la première décision a été rendue le 28 mai 2010. Depuis lors, 147 questions prioritaires de constitutionnalité ont été tranchées par le Conseil constitutionnel. A titre de comparaison, le Conseil constitutionnel avait rendu 26 décisions de contrôle des normes en 2009, année considérée elle même déjà comme très chargée.

Plus de 2.500 questions prioritaires de constitutionnalité ont été posées devant les juges de première instance. Au 11 juillet 2011, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation avaient rendu 782 décisions en matière de question prioritaire de constitutionnalité, 177 d'entre elles étant renvoyées au Conseil constitutionnel, soit une affaire sur quatre.

Deuxième observation : les questions prioritaires de constitutionnalité sont traitées de manière rapide comme l'a souhaité le législateur organique. Le Conseil constitutionnel juge les affaires dans un délai moyen de deux mois. En 14 mois, il a jugé 147 des 177 questions qui lui avaient été renvoyées. Ces délais ne sont tenables que parce que les filtres prévus par le constituant et le législateur organique fonctionnent convenablement.

Troisième observation : les questions prioritaires de constitutionnalité ont contribué à conforter l'État de droit : cristallisation des pensions, droits de la défense en matière de garde à vue, contrôle du juge sur l'hospitalisation sous contrainte...

Au total, le Conseil constitutionnel a rendu 57 % de décisions de conformité à la Constitution, 35 % de non-conformité totale, partielle ou de conformité avec réserve et 8 % de non lieux.

Quel impact la QPC a-t-elle eu sur le budget du Conseil constitutionnel ? Sur les années 2011 et 2012, le coût de mise en oeuvre de la question prioritaire de constitutionnalité peut être estimé à un montant de 4,4 millions d'euros. Le Conseil constitutionnel a d'abord anticipé sur les budgets 2010 et 2011 les différents chantiers destinés à l'organisation des séances. Dans un deuxième temps, le Conseil constitutionnel a obtenu la création de 12 postes répartis pour moitié sur les années 2011 et 2012.

La question prioritaire de constitutionnalité n'aura pas seulement contribué à conforter notre État de droit. Elle aura aussi permis l'ouverture vers l'extérieur d'une institution jusqu'à présent largement méconnue de nos concitoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion