Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission examine le rapport pour avis de Mme Catherine Troendle sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Sécurité civile »).
En préliminaire de la présentation de mon avis budgétaire, je souhaiterais -au nom de la commission des lois- rendre hommage à tous les personnels de la sécurité civile, aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, à tous les secouristes, à tous ces acteurs incontournables qui, au péril de leur vie, s'engagent au quotidien pour sauver celle des autres.
En 2010, 14 sapeurs-pompiers sont morts en service et depuis le début de l'année 2011, 6 sapeurs-pompiers ont perdu la vie.
J'aimerais également exprimer, avec force, mon indignation face aux inadmissibles agressions dont font l'objet nos sapeurs-pompiers. En 2009, 1.080 pompiers en ont été victimes et en 2010, 1.155.
Deux événements ont marqué l'année 2011 : le premier, la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon aura permis d'évaluer notre propre système de défense contre la menace nucléaire. Le second résulte du vote, par le Parlement, du statut des sapeurs-pompiers volontaires qui devrait préserver le modèle français de l'organisation des secours.
Pour en renforcer encore l'efficacité, l'Etat, garant de sa cohérence au plan national, s'est réorganisé au niveau central pour mieux coordonner préparation à la crise et gestion des événements : ainsi est née le 7 septembre la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.
Dans un premier temps, je rappellerai que la sécurité civile est une responsabilité partagée entre l'État et les collectivités locales.
Les moyens mis en oeuvre dépassent le montant des crédits inscrits dans la mission qui ne financent que les seules actions du ministère de l'intérieur, à l'exclusion de celles des autres administrations de l'Etat et surtout de l'intervention des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).
L'Etat intervient à plusieurs niveaux. -je ne développerai pas ici- : ministère de l'intérieur, ministère de l'écologie, ministère de l'agriculture, ministère de la santé. Météo-France est chargée d'anticiper l'arrivée et le développement des phénomènes météorologiques dangereux et d'améliorer la qualité de la prévision météorologique.
Deuxième intervenant, les collectivités locales financent 96 % des dépenses de fonctionnement des SDIS. Les dépenses d'investissement s'y ajoutent. Au total, ce sont 5,5 milliards d'euros pour l'ensemble des dépenses des SDIS représentant plus de cinq fois le montant total des crédits mobilisés par l'Etat.
Sur le pilotage national de la sécurité civile, la mission Sécurité civile regroupe les crédits finançant à ce titre les actions du ministère de l'intérieur.
Elle est composée de deux programmes dédiés à la protection des populations et à la gestion de crise -activités opérationnelles et de soutien- : le programme 161 Intervention des services opérationnels ; le programme 128 Coordination des moyens de secours.
Le budget de la mission s'élève à 420,3 millions d'euros en AE, soit - 8,57 % par rapport à 2011 et à 448,4 millions d'euros en CP, en progression de 3,12 %.
Pour 2012, les priorités visent à la modernisation des infrastructures. Quelques exemples : mise en fonctionnement de l'unité mobile de démantèlement des munitions identifiées, poursuite du programme de refondation du service de déminage et de la mise en oeuvre des recommandations du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Plusieurs grands projets seront également poursuivis au cours du même exercice : montée en puissance du centre de formation commun civilo-militaire en matière de NRBC-E, achat d'un deuxième véhicule d'identification et de prélèvement pour le risque biologique, début du déploiement du système d'alerte et d'information de la population (SAIP).
La contribution à la maîtrise des dépenses de l'Etat emprunte trois voies :
- la diminution des crédits de fonctionnement de 2,5 %, à l'exception des dépenses directement liées à l'activité opérationnelle ;
- la réalisation des mesures RGPP (optimisation de la maintenance et de la rationalisation des bases hélicoptères de la direction générale de la gendarmerie nationale et de celles de la sécurité civile, que j'avais exposée l'année dernière ; rationalisation du schéma d'implantation des centres de déminage...) ;
- l'application du principe de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite qui se traduira pour 2012 par la suppression de 23 emplois pour un schéma d'emplois de 2.464 ETPT.
Le programme 161-intervention des services opérationnels- est doté, pour 2012, de 265,05 millions d'euros en AE en hausse de 2,13 %, et de 270,07 millions d'euros en CP, en augmentation de 2,01 %.
La participation de l'Etat à la lutte aérienne contre les feux de forêts : on constate une diminution des surfaces incendiées et du nombre de feux, qui s'explique par une présence accrue au sol, un quadrillage préventif, le débroussaillement, l'interdiction d'accès aux massifs forestiers les jours à risque, une surveillance aérienne adaptée aux risques, le dimensionnement du nombre des avions en lutte et des conditions météorologiques peu favorables au développement des feux.
La répression des incendiaires est facilitée par la constitution de cellules pluridisciplinaires de recherche des causes : police, gendarmerie, sapeurs-pompiers, agents forestiers travaillent ensemble.
Trois projets d'équipement sont destinés à contribuer au renforcement de la veille et de l'alerte précoce sur l'ensemble des risques, en particulier des catastrophes à cinétique rapide :
- le centre national d'alerte aux tsunamis (CRATANEM) ;
- la capacité d'identification et de réaction aux risques NRBC-E ;
- le système d'alerte et d'information de la population (SAIP).
La réalisation du projet de SAIP est prévue sur 7 ans (2009-2016). En 2012, débutera le déploiement de l'ensemble des équipements.
Deux dossiers sont confortés. Je ne peux que féliciter le ministère pour cet engagement. L'an dernier, le ministère de l'intérieur s'était retiré de deux dossiers majeurs : le projet de CRATANEM et l'ENSOSP (école nationale de formation des officiers de sapeurs-pompiers). J'avais alors exprimé ma crainte, pour l'avenir, de cet établissement.
Aujourd'hui, la participation de l'Etat au fonctionnement de l'ENSOSP est pérennisée : le président de la République l'a annoncé le 17 mars 2011 en inaugurant le pôle pédagogique de l'école à Aix-en-Provence.
Le Gouvernement a tiré les conséquences de la catastrophe survenue au Japon en réinscrivant la participation financière du ministère de l'intérieur au projet de budget du CRATANEM installé sur le site du CEA dans l'Essonne. L'année dernière, la contribution du ministère de l'intérieur avait été gelée. Il a fallu une catastrophe pour que les choses se débloquent.
Les crédits inscrits au Fonds d'aide à l'investissement des SDIS (FAI) diminuent encore selon le mouvement amorcé en 2007. L'enveloppe inscrite, à ce titre pour 2012, est fixée à 18,36 millions d'euros en AE et CP (contre 21,36 millions d'euros en 2011 soit - 14,04 %, lié à la pérennisation de l'ENSOSP).
En 2010, 80,67 % des crédits du FAI ont été attribués aux transmissions et à l'informatique, dont 88,30 % pour le financement des équipements complémentaires à ANTARES.
Un décret du 10 mai 2011 prévoit la participation des services utilisateurs au fonctionnement, à la maintenance, au renouvellement et aux évolutions de l'INPT. La contribution totale des SDIS déjà raccordés à ANTARES s'élève à 7,1 millions d'euros pour 2011.
Un dossier qui ne me semble pas du tout réglé : l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés par les SDIS. J'y reviens chaque année jusqu'à obtenir peut-être un jour satisfaction.
Les SDIS sont soumis à l'obligation d'emploi de 6 % de personnels handicapés. Or, leurs agents sont, pour l'essentiel, des sapeurs-pompiers professionnels qui doivent satisfaire à des conditions d'aptitude médicale.
Certaines entreprises du secteur privé bénéficient d'une minoration de leur contribution lorsqu'elles emploient plus de 80 % de salariés occupant des emplois nécessitant des aptitudes physiques particulières. Les SDIS n'en bénéficient pas et, à ce titre, payent des pénalités importantes.
Un assouplissement est intervenu avec une circulaire du 26 octobre 2009 qui permet aux SDIS de comptabiliser dans les effectifs déclarés, au titre de l'obligation d'emploi, au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels bénéficiant d'une affectation non opérationnelle.
J'ai interrogé les SDIS sur les difficultés rencontrées pour honorer leur obligation d'emploi. Sur la vingtaine de réponses obtenues, seul un SDIS -celui du Bas-Rhin- n'éprouve aucune difficulté à s'acquitter de son obligation.
J'inviterai l'ensemble de mes collègues à se reporter à un focus sur le sauvetage en mer introduit dans mon rapport écrit. C'est une belle expérience.
Au bénéfice de ces observations, je vous invite à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission sécurité civile à l'instar de ce qu'a conclu la commission des finances.
Je remercie notre rapporteur pour la clarté de sa présentation et je m'associe à son hommage. Toutefois, nous ne partageons pas la totalité de son optimisme en matière de sécurité nucléaire, à la suite de la catastrophe de Fukushima. Nous ne pouvons pas opérer un déni de réalité sur cette question.
Je m'associe à l'hommage rendu par notre rapporteur à l'action de nos sapeurs-pompiers.
Que représente la part de l'État dans le coût d'un sapeur-pompier ?
La part de l'État dans le financement de la sécurité civile au sens global s'élève à un milliard d'euros, soit 5,5 fois le montant des dépenses financées par les collectivités territoriales.
La mise en place des jeunes sapeurs-pompiers est, selon moi, très positive.
En revanche, auparavant, les sapeurs-pompiers volontaires étaient également très actifs dans le bénévolat associatif. Aujourd'hui, on constate que cet engagement s'essouffle, bien que le volontariat demeure toujours très actif.
Je constate avec beaucoup de plaisir que le SDIS du Bas-Rhin ne rencontre aucune difficulté en matière d'emploi des personnes handicapées. Bien que le Bas-Rhin soit un département modèle, la sécurité civile ne relève pas du droit local mais du droit commun.
L'Alsace est une région de forte tradition associative. Aucune crise du bénévolat associatif n'est à déplorer. Celle-ci peut s'expliquer dans d'autres territoires par différents facteurs. Par exemple, les sapeurs-pompiers volontaires multiplient les gardes de nuit car celles-ci sont rémunérées ce qui leur laisse moins de temps à consacrer à la vie associative.
S'agissant des jeunes sapeurs-pompiers, je rencontre de nombreuses difficultés pour maintenir leurs effectifs dans ma commune.
Enfin, est-ce que l'État participe au financement des sapeurs-pompiers volontaires ?
Les SDIS représentent une organisation bien gérée, répondant de façon satisfaisante aux sollicitations de nos concitoyens et reposant sur un système original qu'est le volontariat.
Dans le département de Seine-et-Marne, le dispositif des jeunes sapeurs-pompiers est un succès : on recense 2 800 volontaires et 700 jeunes sapeurs-pompiers. La loi que nous avons votée à l'unanimité en juillet dernier devrait favoriser le volontariat.
Sur la question du financement, je plaide depuis vingt-cinq ans pour un financement des SDIS par une taxe sur les assurances, ce qui reposerait sur une certaine logique.
En France, force est de constater que l'organisation des secours s'opère dans de très bonnes conditions. Toutefois, les SDIS pallient les défaillances du secteur ambulancier, en raison de la désertification médicale et de leur fréquente sollicitation par les services d'urgence et de réanimation.
Je remercie notre collègue Michel Delebarre de m'avoir suggéré d'évoquer la question des jeunes sapeurs-pompiers que j'aborderai en séance publique.
Je partage également le constat selon lequel les sapeurs pompiers volontaires sont moins actifs qu'auparavant dans le milieu associatif. Il convient de rappeler que les sapeurs-pompiers volontaires étaient soumis à des obligations de formation comparables à celles des sapeurs-pompiers professionnels, ce qui peut expliquer la baisse de leur engagement associatif. La loi sur le volontariat adoptée en juillet dernier allège leurs obligations de formation.
Sur la question du coût des sapeurs-pompiers : le coût annuel d'un volontaire s'élève à 2 000 euros, celui d'un professionnel est estimé à 40 000 euros.
Enfin, sur la problématique des « blancs rouges », l'évolution de la participation des SDIS aux secours à la personne est liée à la désertification médicale. L'intervention des sapeurs-pompiers fait l'objet, dans ce cadre, d'un forfait ridiculement faible, alors que leur mission n'est pas de suppléer aux carences du système de santé.
Je soumets à la commission l'avis du rapporteur, favorable à l'adoption des crédits de la mission « sécurité civile ».
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité civile ».
La commission examine le rapport pour avis de M. Michel Delebarre sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Pouvoirs publics »).
Notre commission des lois a décidé de créer un rapport pour avis consacré à la mission « Pouvoirs publics » qui regroupe les crédits de la Présidence de la République, des assemblées parlementaires, des chaînes parlementaires, du Conseil constitutionnel, de la Haute Cour de justice et, enfin de la Cour de justice de la République. Dans le cadre de ce premier avis, je vous propose de porter une attention particulière à la question prioritaire de constitutionnalité et aux conséquences de la mise en oeuvre de cette procédure sur le budget du Conseil constitutionnel.
Je voudrais toutefois dans un premier temps dresser un tableau des dotations affectées à chacun de ces pouvoirs publics et d'abord souligner deux points communs :
- premièrement, l'autonomie financière qui régit chacun ;
- deuxième trait commun, à caractère conjoncturel celui là : l'effort de maîtrise de la dépense. A l'exception des dotations des deux chaînes parlementaires, globalement majorées de 9 % par rapport à 2011, les autres dotations devraient être diminuées (y compris celle du Sénat pour laquelle le maintien en euros constants avait d'abord été demandé) ou reconduites.
Les crédits de la présidence de la République, d'abord. Depuis 2009, les comptes et la gestion de la présidence de la République font l'objet d'un contrôle annuel par la Cour des comptes. Dans le rapport sur l'exercice 2010, la Cour constate des « avancées substantielles (...) dans le sens tant de la conformité des procédures à la règle de droit que d'une plus grande rigueur de gestion ». Ces avancées sont de trois ordres.
La consolidation en un seul budget de charges réparties jusqu'en 2007 entre divers ministères. Un effort de transparence reste cependant nécessaire notamment sur la question, dont notre collègue René Dosière s'est fait l'écho à l'Assemblée nationale, de la programmation par la présidence de la République des aides exceptionnelles aux collectivités territoriales inscrites au budget du ministère de l'intérieur ou à celui du ministère des finances.
Ensuite une politique de mise en concurrence des fournisseurs a été appliquée, notamment, une généralisation progressive des appels d'offres. Les dépenses de communication de l'Elysée sont ainsi passées de 3,2 millions d'euros à 1,4 million d'euros entre 2008 et 2010.
Enfin, la gestion a été réformée dans le sens d'une plus grande maîtrise des coûts dans quatre domaines qui, par le passé, avaient connu certaines dérives :
- les dépenses privées du Chef de l'Etat préfinancées, selon une « pratique très ancienne » comme le relève la Cour des comptes, sur des fonds publics gérés par l'intendance qui n'en demandait pas systématiquement le remboursement, sont désormais réglées sur les fonds propres du Président ;
- la gestion des immeubles affectés à la présidence de la République a été « allégée » ;
- la rationalisation de l'organisation des voyages présidentiels qui constituent le deuxième poste des charges de la présidence de la République. La Cour observe que pour un nombre de déplacements quasi identiques, la dépense est passée de 19,7 millions d'euros à 18,8 millions d'euros.
L'effort de rigueur devrait se poursuivre en 2012. Le projet de budget s'élève à 111,7 millions d'euros contre 112,2 millions d'euros soit une réduction de 0,5 %. Une triple évolution positive mérite d'être notée sur les effectifs, les déplacements présidentiels, les charges de fonctionnement courant.
J'en viens aux assemblées parlementaires.
L'évolution des dotations des assemblées parlementaires se caractérise par une volonté commune de réduire les dotations en volume. Pour la cinquième année consécutive, l'Assemblée nationale a reconduit sa demande de dotation en euros courants d'un montant de 533,91 millions d'euros. Un amendement déposé par le président de l'Assemblée nationale et deux questeurs a réduit de 3 % les crédits initialement prévus, soit une baisse de 16 millions d'euros.
Quant à la dotation initiale destinée au Sénat dans le projet de loi de finances pour 2012, elle s'élève à 333,5 millions d'euros, stable en euros constants (soit une hausse de 1,8 % correspondant au taux d'inflation). A ce montant s'ajoute un prélèvement sur ressources propres de 18,4 millions d'euros. Cependant, à l'initiative du président du Sénat et des questeurs, un amendement au projet de loi de finances devrait réduire de 3 % cette enveloppe grâce à une révision complète du programme des travaux.
Les dotations des chaines parlementaires sont les seules qui, au sein de la mission « pouvoirs publics » enregistrent une hausse. Cette évolution est pour partie liée à l'augmentation des frais de diffusion. Selon une étude Médiamétrie réalisée en décembre 2010, sept téléspectateurs sur dix connaissent Public-Sénat et un sur deux la regarde.
La Cour de justice de la République : la dotation est reconduite en 2012 pour un montant de 817.450 euros. Elle est consacrée à près de 60 % au paiement du loyer de la Cour de justice. La Cour de justice de la République pourrait occuper à l'horizon 2017 les locaux laissés vacants par le tribunal de grande instance de Paris lors de son emménagement sur le site des Batignolles à Paris. Dans l'intervalle, la Cour de justice pourrait s'installer dans des locaux situés rue du Renard qui relèvent aujourd'hui de l'administration pénitentiaire. Il semble que la Cour ne pourrait s'y établir, au plus tôt, que dans deux ans... pour les quitter deux ans plus tard. Ce dispositif ne me paraît guère avantageux.
J'en viens à la dotation du Conseil constitutionnel. Elle s'élève à 10,99 millions d'euros soit une diminution de 0,65 % par rapport au budget de 2011. Elle se caractérise par :
- la maîtrise des dépenses de fonctionnement ;
- la poursuite de la restructuration des locaux du Conseil constitutionnel ;
- les dépenses propres à l'organisation de l'élection présidentielle (1,73 million d'euros) qui implique notamment l'indemnisation de quelque 1.800 délégués magistrats judiciaires et administratifs assurant des vacations.
Quel bilan peut-on dresser de la mise en oeuvre de la question prioritaire de constitutionnalité ?
Je formulerai trois observations.
En premier lieu, la question prioritaire de constitutionnalité est devenue un instrument largement utilisé pour assurer le respect des droits et libertés constitutionnelles.
M. Jean-Louis Debré m'a confirmé que les avocats se sont approprié cette procédure. L'effort de communication déployé par le Conseil n'est sans doute pas étranger à ce phénomène. A la suite de l'entrée en vigueur de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, une première saisine est parvenue au Conseil constitutionnel le 14 avril 2010. La première séance s'est tenue le 25 mai et la première décision a été rendue le 28 mai 2010. Depuis lors, 147 questions prioritaires de constitutionnalité ont été tranchées par le Conseil constitutionnel. A titre de comparaison, le Conseil constitutionnel avait rendu 26 décisions de contrôle des normes en 2009, année considérée elle même déjà comme très chargée.
Plus de 2.500 questions prioritaires de constitutionnalité ont été posées devant les juges de première instance. Au 11 juillet 2011, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation avaient rendu 782 décisions en matière de question prioritaire de constitutionnalité, 177 d'entre elles étant renvoyées au Conseil constitutionnel, soit une affaire sur quatre.
Deuxième observation : les questions prioritaires de constitutionnalité sont traitées de manière rapide comme l'a souhaité le législateur organique. Le Conseil constitutionnel juge les affaires dans un délai moyen de deux mois. En 14 mois, il a jugé 147 des 177 questions qui lui avaient été renvoyées. Ces délais ne sont tenables que parce que les filtres prévus par le constituant et le législateur organique fonctionnent convenablement.
Troisième observation : les questions prioritaires de constitutionnalité ont contribué à conforter l'État de droit : cristallisation des pensions, droits de la défense en matière de garde à vue, contrôle du juge sur l'hospitalisation sous contrainte...
Au total, le Conseil constitutionnel a rendu 57 % de décisions de conformité à la Constitution, 35 % de non-conformité totale, partielle ou de conformité avec réserve et 8 % de non lieux.
Quel impact la QPC a-t-elle eu sur le budget du Conseil constitutionnel ? Sur les années 2011 et 2012, le coût de mise en oeuvre de la question prioritaire de constitutionnalité peut être estimé à un montant de 4,4 millions d'euros. Le Conseil constitutionnel a d'abord anticipé sur les budgets 2010 et 2011 les différents chantiers destinés à l'organisation des séances. Dans un deuxième temps, le Conseil constitutionnel a obtenu la création de 12 postes répartis pour moitié sur les années 2011 et 2012.
La question prioritaire de constitutionnalité n'aura pas seulement contribué à conforter notre État de droit. Elle aura aussi permis l'ouverture vers l'extérieur d'une institution jusqu'à présent largement méconnue de nos concitoyens.
Quel est votre avis Monsieur le rapporteur sur l'adoption des crédits de cette mission ?
Il est difficile d'émettre un avis général dans la mesure où cette mission amalgame des institutions très différentes les unes des autres. J'émettrai encore quelques réserves sur la transparence de la dotation réservée à la Présidence de la République mais des efforts incontestables ont toutefois été accomplis ces dernières années. Je souhaite aussi souligner la gestion très maîtrisée des crédits du Conseil constitutionnel. Je préconise l'abstention sur le vote des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
Nous partageons l'analyse et les conclusions du rapporteur. La gestion des crédits de l'Elysée a progressé dans le sens d'une plus grande rigueur, il faut encourager cette évolution. Les deux assemblées ont accepté une réduction de leur budget. Enfin, le budget du Conseil constitutionnel appelle des commentaires positifs. Nous nous abstiendrons sur les crédits de cette mission.
La question prioritaire de constitutionnalité commence juste à porter ses fruits. Je regrette simplement que la procédure retenue ne permette pas que les questions soient examinées au sein de commissions restreintes, composées de trois membres du Conseil constitutionnel, ce qui faciliterait également, le cas échéant, le déport de ceux des membres du Conseil constitutionnel qui auraient eu, dans des fonctions antérieures, un intérêt dans la question soumise au Conseil. Il est également dommage que les membres du Conseil constitutionnel ne soient pas chacun assistés d'un référendaire de sorte qu'ils dépendent moins du secrétariat général de leur institution. S'agissant de la réduction de 3 % du budget du Sénat, elle sera principalement obtenue par une révision du programme des travaux ; je m'interroge en conséquence sur les coûts éventuels que représenteront les dédits vis-à-vis des entrepreneurs.
Je me félicite de nouveau que la commission ait l'occasion de se prononcer par un avis spécifique sur une mission désormais mieux identifiée. Je me demande en premier lieu s'il est vraiment pertinent de financer des locaux permanents pour la Cour de justice de la République. Je voudrais surtout insister sur les aides exceptionnelles accordées aux collectivités territoriales dont la gestion revient à la Présidence de la République. Il ne m'apparaît pas conforme à la fonction présidentielle d'attribuer des subventions exceptionnelles sur le budget du ministère de l'intérieur.
Nous voterons contre ce budget qui recouvre des éléments très disparates. Le chef de l'Etat a obtenu au début de son mandat une augmentation substantielle de sa rémunération : c'est bien le moins que ses dépenses privées ne soient plus réglées par l'intendance de l'Elysée. Nous plaidons pour notre part pour une République plus modeste.
S'agissant des subventions exceptionnelles aux collectivités locales, je constate qu'elles doivent être accordées par l'Elysée sur des critères objectifs puisque la commune de Neuilly dans mon département en a bénéficié !
Je souhaite revenir sur la baisse de 3 % du budget du Sénat. Ne serait-il pas souhaitable qu'elle porte également sur le fonctionnement et pas seulement sur l'investissement ? Je ne suis pas sûr, à cet égard, que le dédoublement de l'une de nos commissions aille dans le bon sens.
Le président Jean-Pierre Bel a annoncé un Sénat plus modeste et plus transparent. La création d'un groupe supplémentaire et d'une nouvelle commission se fera à budget constant. L'objectif est même de réduire la dotation de 3 %. L'effort supplémentaire demandé au Sénat est d'autant plus remarquable que le nombre de sénateur a augmenté.
Je veux souligner, dans le prolongement du propos de M. Alain Anziani, que les économies demandées au Sénat porteront également sur le fonctionnement. Comme l'a relevé M. Patrice Gélard, la procédure d'examen de la question préalable de constitutionnalité est sans doute perfectible. Il faut cependant relever plusieurs points positifs : de facto, les anciens Présidents de la République ne participent pas aux délibérations ; une double procédure -instruction et jugement- a été instaurée ; enfin, les audiences sont systématiquement retransmises. Quant à la Cour de justice de la République, il est sans doute utopique d'espérer qu'elle ne se réunisse pas. Sur un plan plus matériel, les membres de la Cour de cassation qui y sont affectés disposent d'un bureau, avantage appréciable par rapport aux magistrats travaillant dans les locaux de la Cour de cassation.
La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
La commission examine le rapport pour avis de Mme Virginie Klès sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement »).
A titre liminaire, je tiens à rendre hommage à notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet, qui a rapporté, pendant trois ans, de 2008 à 2010, les crédits relatifs au présent programme. Il s'était beaucoup investi sur le dossier et nous nous sommes rencontrés utilement pour procéder au « passage de témoin ».
J'ai souhaité cette année concentrer mon analyse sur les crédits accordés au Défenseur des droits, eu égard aux contraintes de temps et au rôle essentiel qu'est amenée à jouer cette jeune institution en matière de droits et libertés.
Je me pencherai également l'année prochaine sur d'autres autorités.
En particulier, j'ai certaines interrogations concernant les attributions consultatives de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH). Il semble qu'elle soit trop rarement - et en tout état de cause de moins en moins - consultée par le Gouvernement sur les projets de loi qui relèvent de sa compétence.
J'entends également examiner le rôle et les modalités de contrôle du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Par ailleurs, je suivrai de près l'évolution des crédits de la CNIL. Je relève, dès à présent, la très nette insuffisance des moyens budgétaires et humains alloués à cette institution au regard de l'élargissement continu de ses compétences.
En effet, le législateur a confié à la CNIL en 2011 deux nouveaux champs d'action :
- un contrôle général de la vidéoprotection : la CNIL est désormais compétente non seulement pour les dispositifs de vidéoprotection installés dans les entreprises et dans l'ensemble des locaux n'accueillant pas du public, mais également, depuis la loi dite « LOPPSI 2 », pour les systèmes de vidéoprotection installés sur la voie publique. Cette évolution législative conduit la CNIL à exercer un contrôle sur un nombre de caméras 20 fois supérieur à la situation antérieure, puisque le nombre de dispositifs de vidéoprotection relevant de la CNIL est passé de 30.000 à 600.000 ; en 2011, la CNIL a diligenté 150 contrôles de vidéoprotection. Les objectifs pour l'année 2012, dans ce domaine, ne sont pas encore définis mais ne devraient guère dépasser 450. Il est donc évident que cette activité de contrôle ne peut être considérée comme suffisante ;
- la réception des notifications des failles de sécurité : une ordonnance d'août 2011 rend désormais obligatoire, pour les responsables de traitements de données à caractère personnel, l'information de la CNIL « en cas de violation » de l'intégrité ou de la confidentialité de ces données. La CNIL pourra ensuite, en cas d'atteinte portée aux données, d'une part, exiger que les responsables de traitement avertissent les intéressés, d'autre part, diligenter des contrôles, mettre en demeure ces responsables de prendre les mesures correctrices, voire engager des procédures de sanction en cas de manquement aux obligations de sécurité qui leur incombent.
S'il est difficile de mesurer précisément l'impact de la seconde mission (failles de sécurité), il est indéniable que la première (vidéoprotection) aura nécessairement un impact important sur le volume d'activité de l'institution en 2012. Or, les moyens progressent trop faiblement. Comment la CNIL pourrait-elle avec 11 ETPT supplémentaires fonctionner efficacement quand l'une de ses compétences est multipliée par 20 ?
Ces observations ponctuelles étant faites, je souhaiterais vous présenter mon analyse sur la mise en place du Défenseur des droits, qui s'est substitué en juin 2011 au Médiateur de la République, à la HALDE, au Défenseur des enfants et à la CNDS.
Je rappelle d'abord qu'au moment de la révision constitutionnelle de 2008, nombre de parlementaires s'étaient opposés à la création de cette nouvelle autorité, au motif que son périmètre d'action apparaissait particulièrement flou.
Je déplore un manque d'anticipation préjudiciable à la mise en place et au fonctionnement de l'institution, pourtant présentée comme issue d'une forte volonté politique.
Je regrette que la visibilité du Défenseur des enfants soit quelque peu brouillée, conséquence du passage en force du Gouvernement. En effet, le législateur organique a intégré le Défenseur des enfants au sein du Défenseur des droits. Afin de répondre aux nombreuses inquiétudes exprimées lors des débats parlementaires quant à la disparition du Défenseur des enfants, il a été décidé de qualifier expressément de « Défenseur des enfants » l'adjoint du Défenseur des droits en charge de la protection de l'enfance, alors que les autres adjoints n'ont pas reçu de titre particulier. Difficile de s'y retrouver !
Par ailleurs, je note que le Défenseur des droits bénéficie du concours d'un « délégué général à la Médiation avec les services publics », qui n'est pas à proprement parler un adjoint et qui n'a donc pas de collège.
S'agissant des crédits, l'autorité a un budget d'environ 30 millions d'euros et compte 220 ETPT, ce qui correspond à l'addition des moyens des quatre autorités fusionnées.
Toutefois, ces crédits ne sont pas en adéquation avec les exigences de communication du Défenseur des droits, l'étendue de ses pouvoirs, la hausse de ses saisines ainsi que sa politique salariale.
Certes, des mutualisations devraient conduire à dégager certaines marges de manoeuvre budgétaires ; elles ne seront toutefois pas suffisantes pour permettre à l'institution, à budget de personnel constant, de faire face à d'inévitables nouvelles dépenses.
Sur la communication, il est indispensable que la nouvelle institution engage d'importantes dépenses pour asseoir son existence dans le paysage institutionnel français, dire ce qu'elle fait et ce qu'elle ne fait pas, réaliser des études de notoriété, effectuer des déplacements, améliorer sa visibilité sur Internet...
Sur ses pouvoirs, il faut rappeler que le Défenseur des droits jouit de prérogatives plus étendues que celles dont disposaient les autorités intégrées (interventions devant les juridictions, injonctions, saisines d'office...). L'exercice de ces prérogatives a un coût.
Sur les saisines, leur nombre devrait progresser, en raison notamment de la possibilité, désormais ouverte, d'une saisine directe (suppression du filtre parlementaire) dans le domaine des manquements à la déontologie de la sécurité et dans celui des dysfonctionnements administratifs.
Enfin, s'agissant de la politique salariale de l'institution, elle est fondée - ce qui est logique - sur un alignement vers le haut des rémunérations et avantages sociaux du personnel.
Je voudrais à présent aborder la question de la localisation du Défenseur de droits. Si elle peut paraître anodine, cette question est absolument essentielle dans l'optique de créer, au sein du personnel, une « culture commune » et un sentiment d'appartenance à une même institution. Rien n'a avancé depuis l'année dernière et le rapport de notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet : le Gouvernement se résigne toujours à ce qu'une autorité constitutionnelle de défense des droits et libertés soit éclatée sur plusieurs sites, dans l'attente d'une localisation unique, avenue de Ségur à Paris, en 2015-2016.
Lors de son audition, le Secrétaire général du Gouvernement a indiqué que l'efficacité d'une institution n'impliquait pas nécessairement un regroupement de l'ensemble de ses services sur un même site.
Je relève d'abord une incohérence : il est en effet étonnant de déclarer que l'efficacité du Défenseur des droits n'est en rien affectée par son éclatement géographique et, dans le même temps, de louer le mérite d'un vaste programme de regroupement avenue de Ségur, étant précisé que ce projet concerne tant le Défenseur des droits que les services du Premier ministre. Sauf exceptions, ces derniers ont en effet vocation à rejoindre le bâtiment Ségur alors même que ce sont des structures beaucoup plus hétérogènes que les différents services d'une même institution... Il n'y en effet pas grand-chose de commun entre, par exemple, la MIVILUDES, la MILDT, le SGG, le SIG, comme l'a souligné notre collègue Alain Anziani, rapporteur des crédits du programme « coordination du travail gouvernemental ».
En outre, il est probable - sinon certain - que le calendrier espéré par le Gouvernement pour le projet « Ségur » ne sera pas tenu, eu égard aux retards systématiques que connaissent les opérations de rénovation de grande ampleur. J'ajoute que la période d'austérité budgétaire que connaît la France générera inéluctablement des recherches d'économies qui allongeront les délais de réalisation des travaux.
Je souligne enfin que la période qui s'étale de la fin des baux de l'ex-Médiateur et de l'ex-Halde, c'est-à-dire en 2014, à l'installation prévisionnelle avenue de Ségur, en 2016-2017, va être particulièrement difficile à gérer pour le Défenseur des droits. En effet, ce dernier devra, en 2014, se rapprocher des propriétaires des locaux situés rue Saint-Florentin et rue Saint-Georges afin de renouveler les baux, par avenants, dans l'attente du déménagement de l'institution avenue de Ségur. Or, l'impossibilité où il sera d'envisager toute solution de déménagement provisoire et de fixer une date certaine de déménagement le mettra en position de faiblesse dans les négociations avec les bailleurs : on ne peut donc que redouter des augmentations conséquentes des loyers - déjà exorbitants - pendant cette période transitoire qui pourrait durer plusieurs années compte tenu des retards - très probables, je l'ai dit - du « projet Ségur ».
Dernier point : la nomenclature budgétaire. Le Gouvernement a fait le choix de rattacher le Défenseur des droits au programme « Défense des droits et libertés ». Pourtant, l'article 10 de la loi ordinaire relative au Défenseur des droits prévoit que « l'autonomie budgétaire du Défenseur des droits est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances. ». L'objectif était d'assurer au Défenseur des droits un budget sanctuarisé dans un programme budgétaire spécifique, ce qui n'a pas été respecté.
Je remercie Virginie Klès pour son rapport ; nous suivrons son avis. C'est bien de nous avoir présenté les questions d'installation du Défenseur des droits. Nous avons voté contre la révision constitutionnelle en 2008 et donc contre le Défenseur des droits. Aujourd'hui, je constate que celui-ci n'a pas les moyens de fonctionner convenablement !
Je souscris à la proposition de notre rapporteur. Elle a bien décrit le problème de l'hébergement du Défenseur. Je voudrais souligner qu'en matière de gestion immobilière et d'installation de ses services, l'Etat a une politique erratique. Je me souviens de problèmes identiques pour l'agence internationale de la francophonie dont les bureaux étaient éparpillés sur plusieurs sites avant d'être regroupés. Je trouve utile de signaler à l'État qu'il devrait avoir une gestion prévisionnelle de l'implantation de ses services. Au final, le regroupement en plusieurs étapes a un coût. Comme pour la justice, cette méthode trouble le fonctionnement de cette institution.
Je partage les conclusions du rapport. Du point de vue de la prévision du gouvernement, c'est catastrophique. En dépit de notre opposition, le Défenseur des droits a été créé en 2008 dans la Constitution. Le Gouvernement aurait dû se préoccuper de sa localisation dès cet instant.
Sur le fond, malheureusement, la visibilité du Défenseur des droits est pour l'instant nulle, ce qui pose le problème de sa création. On ne peut pour l'instant rien en dire de positif.
Nous voterons contre l'adoption des crédits de ce programme
Loi de finances pour 2012 - Mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Programme Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de Mlle Sophie Joissains sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »).
Je suis chargée de rapporter les crédits du programme, « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État », qui s'intègre à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Ce programme a été rapporté pendant trois ans, de 2008 à 2010, par notre collègue Mme Eliane Assassi, à laquelle je tiens à rendre hommage.
Le présent avis permet d'examiner la conduite de la modernisation de l'État engagée par le Gouvernement. En effet, le programme regroupe, en particulier, les moyens de la Direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME), direction d'état-major en charge de la modernisation de la gestion de l'Etat.
Le périmètre du présent programme n'a pas été modifié par rapport à l'année précédente. Il recouvre six actions auxquelles sont associés sept objectifs avec leurs indicateurs. J'émets quelques réserves sur la lisibilité, la précision et la méthodologie d'élaboration de ces objectifs et indicateurs. Par ailleurs, je m'interroge sur la compatibilité du périmètre du présent programme avec l'article 7 de la LOLF, aux termes duquel un programme est défini comme un regroupement cohérent de crédits. Les actions n°s 7 et 8, respectivement « Politique de la fonction publique et modernisation de la gestion des ressources humaines » et « Régulation des jeux en ligne » ne brouillent-elles pas la lisibilité du programme ?
L'action n° 7 regroupe les dépenses de personnel de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). En revanche, ses dépenses d'intervention (action sociale interministérielle et formation) sont, elles, inscrites au programme 148 « Fonction publique », que rapporte, pour la commission des lois, notre collègue, Mme Jacqueline Gourault. Autrement dit, le rattachement budgétaire de la DGAFP est éclaté. Cette situation a fait l'objet de critiques tant du Parlement que de la Cour des comptes.
J'ai souhaité examiner de manière approfondie les différentes options qui s'offrent au Gouvernement pour y répondre. Tout d'abord, il pourrait être envisagé de rattacher l'action n° 7 du présent programme au programme « Fonction publique », d'autant que l'une des finalités de ce dernier est, précisément, la modernisation de la gestion des ressources humaines. Toutefois, cette solution ne serait pas sans inconvénient car les trois quarts des agents de la DGAFP se consacrent à des actions qui relèvent de la modernisation de l'État, au sens du programme « modernisation de l'État ». Il serait donc a priori plus logique de faire absorber la totalité du programme « Fonction publique » par le programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État ». Cette seconde option présente, elle aussi, des inconvénients. En effet, si on peut considérer que l'action « formation » relève bien d'une logique de modernisation de l'État, celle portant sur l'action sociale interministérielle y est totalement étrangère. En outre, son importance symbolique mérite une visibilité propre.
En conséquence, si la nomenclature budgétaire actuelle n'est pas parfaite, il n'en demeure pas moins qu'aucune des deux options présentées plus haut n'est pleinement satisfaisante, ce qui explique que le Gouvernement n'ait pas, jusqu'à présent, apporté des modifications sur la présentation des crédits.
Toutefois, la négociation du budget triennal 2013-2015, qui s'ouvre dès 2012, doit permettre d'aborder ces questions de manière approfondie afin d'aboutir à une solution qui garantisse la cohérence et la lisibilité des documents budgétaires.
L'action n° 8 regroupe les crédits de l'ARJEL (autorité de régulation des jeux en ligne). Ses missions principales sont la délivrance des agréments, le contrôle du respect, par les opérateurs agréés, de leurs obligations légales et la prévention de la fraude sur le déroulement des compétitions sportives. Le lien de l'ARJEL avec le programme « stratégie des finances publiques et modernisation l'État » peut s'expliquer par le fait que le ministère des finances exerce une tutelle sur « La Française des Jeux ».
La création de cette autorité répondait à un objectif de sécurité économique et de lutte contre la délinquance financière sur Internet, délinquance qui peut prendre la forme d'opérations de blanchiment d'argent. Cet objectif donne du sens au rattachement de l'ARJEL au ministère des finances.
Toutefois, je suis également consciente que l'ARJEL, en tant qu'autorité administrative indépendante (AAI), n'est soumise à aucune tutelle et pourrait faire partie d'un programme dédié aux AAI en charge d'une mission de régulation économique, de la même façon qu'a été créé, fin 2008, un programme « Défense des droits et libertés ».
Nous constatons aussi une diminution des crédits. Le programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État » représente, pour les autorisations d'engagement, une enveloppe de 256 millions d'euros, en diminution de 17 % par rapport aux crédits ouverts en 2011 et, pour les crédits de paiement, une enveloppe de 285 millions d'euros, en baisse de 12 %. Ces diminutions proviennent, pour l'essentiel, de l'achèvement en 2012 du déploiement de Chorus, outil budgétaro-comptable en passe de devenir l'application unique des comptabilités de l'État.
Cinq conseils de modernisation des politiques publiques (CMPP) se sont tenus depuis 2007 avec trois objectifs principaux : l'amélioration de la qualité de service rendu aux usagers, la réduction des dépenses publiques et la poursuite de la modernisation de la fonction publique. Le Gouvernement a annoncé un objectif de 7 milliards d'euros d'économies dans le cadre du premier budget triennal 2009-2011, ce chiffre ayant vocation à progresser jusqu'à 15 milliards d'ici 2013. En matière d'effectifs, l'ensemble des mesures vise à permettre de ne pas renouveler un fonctionnaire de l'État sur deux partant à la retraite. J'insiste sur le fait que cette politique va conduire, sur la période 2009-2013, a une économie de 4,6 milliards d'euros sur la masse salariale de l'État, ce qui, dans le contexte budgétaire actuel, est loin d'être négligeable ; en outre, je rappelle que la suppression de postes de fonctionnaires s'est accompagnée en retour d'une redistribution à ces derniers de la moitié des crédits ainsi économisés, ce qui conduit à revaloriser le statut de la fonction publique. Le système français apparaît donc, à mes yeux, comme « gagnant-gagnant ». Certains pays européens, tels que la Grèce ou l'Italie ont été obligés de diminuer les traitements des fonctionnaires.
L'État s'assure, à échéances régulières, que les mesures décidées lors des CMPP suivent le rythme d'avancement fixé.
Lors de son audition, M. François-Daniel Migeon, directeur général de la modernisation de l'État, a indiqué que la collecte des éléments qui permettent de mesurer l'état d'avancement des mesures se fait auprès des ministères en charge de la mise en oeuvre des réformes.
La DGME s'assure de l'exactitude et de la pertinence des informations fournies afin d'éviter les propos exagérément optimistes sur l'avancement des réformes. Elle procède de la manière suivante : lors de la définition des objectifs à réaliser sont établis des objectifs intermédiaires concrets dont la DGME vérifie la bonne réalisation.
J'insiste également sur la nécessité de s'assurer que les mesures de modernisation ne conduisent pas à une dégradation du climat social. Or, aucun indicateur de performance n'a été mis en place pour l'évaluer, ce qu'il serait sans doute opportun de corriger dans les années à venir. En effet, la modernisation de l'État ne doit entraîner ni démotivation ni souffrance des fonctionnaires, faute de quoi la qualité du service public peut difficilement être maintenue.
La DGME a aussi un rôle essentiel d'action et d'accompagnement. C'est une structure de taille modeste, qui fonctionne comme un cabinet conseil. Elle a également un rôle de conduite de projets, comme le souligne l'exemple du recensement citoyen obligatoire et de l'inscription sur les listes électorales par téléservice.
Sur le rôle d'accompagnement du changement, je me suis interrogée : comment une aussi petite structure (140 ETPT) peut-elle accompagner le changement dans l'ensemble des ministères et services déconcentrés ?
Selon M. François-Daniel Migeon, la DGME s'appuie en premier lieu, depuis 2007, sur une très forte volonté politique qui légitime et crédibilise son action. En second lieu, elle s'emploie à accompagner le processus de changement, à l'appuyer, à l'encourager, mais pas à l'imposer autoritairement. Elle fait oeuvre de pédagogie et de diplomatie pour que les administrations s'approprient les réformes. Son objectif est d'aboutir à une « démarche participative » et à un « transfert de technologie ». Comme l'a résumé de manière imagée M. François-Daniel Migeon, lors de son audition, « mieux vaut apprendre aux administrations à pêcher que de leur donner du poisson ».
C'est d'ailleurs cette philosophie qui a présidé à la création, en 2010, de l'école de la modernisation de l'État. Cette école, qui a déjà accueilli plus de 500 « stagiaires », a permis de mieux accompagner la réforme de l'État via un dispositif interministériel de formation continue.
La DGME souligne que cette démarche d'accompagnement est très appréciée des cadres de l'administration. En effet, elle réalise, chaque année, une enquête anonyme auprès de ses réseaux de correspondants sur les chantiers interministériels de la modernisation de l'État. Un questionnaire est ainsi adressé à environ un millier de cadres en charge de projets de modernisation. Il en ressort que plus de 80 % du personnel d'encadrement de l'État estime que la DGME apporte un appui efficace à la modernisation de l'État à travers ses actions.
La modernisation de l'État suppose un « réglage fin » et ne doit pas s'appliquer de manière aveugle et uniforme : il est donc impératif que la DGME tienne compte en toutes circonstances des spécificités et des cultures propres aux différentes administrations partenaires.
Au regard des efforts accomplis, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » figurant dans le projet de loi de finances pour 2012.
Vous nous avez indiqué que la philosophie de cette modernisation de l'Etat repose sur la collégialité, la convivialité. Je me demande si le Président de la République en a été informé !
Quand on regarde aujourd'hui le résultat de la révision générale des politiques publiques, on constate que les personnels sont démobilisés car ils se voient imposer cette règle brutale et idiote du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux. On a réformé les directions de l'Etat au sein du département, et désormais, on ne comprend plus rien aux directions qui ont été mises en place ! On est complètement à l'opposé de l'objectif recherché... De plus, l'Etat est incapable de remplir ses propres engagements. On en voit l'exemple en matière de travaux sur les parties de voirie qui appartiennent à l'État et pour lesquels les collectivités locales sont systématiquement mises à contribution.
Au final, cette modernisation de l'Etat ne vise qu'à limiter le périmètre de l'action publique.
Vous avez mentionné, Madame le rapporteur, la RGPP et la LOLF, dont l'articulation n'est pas toujours cohérente. La RGPP n'est pas en soi mauvaise, mais si l'objectif principal est dès le départ de faire des économies, cela dévoie tout le processus. On suscite alors la méfiance.
Dans beaucoup d'activités où il y a un besoin de personnels, on est conduit à externaliser. De cette façon, on ne fait pas d'économies et on démotive les personnels ! Il n'y a, de surcroît, aucune concertation entre ceux qui décident les mesures de la RGPP et ceux qui doivent ensuite faire fonctionner les services avec ces contraintes.
La RGPP est donc un échec et CHORUS, qui est une aberration absolue, l'illustre. Par exemple, à l'étranger, la récupération de la TVA par les ambassades est devenue impossible en raison de CHORUS. C'est le symbole de la RGPP brutale et aveugle.
Je tiens à rappeler qu'on avait rencontré un certain nombre de difficultés lors des débuts de la déclaration de revenus en ligne. Désormais, le système fonctionne : il y a toujours un temps d'adaptation pour ce type d'innovation ! C'est d'ailleurs la même chose avec le nouveau progiciel de gestion des comptabilités des collectivités locales, Hélios. Une fois que ce type de logiciel fonctionne, c'est quand même une modernisation appréciable. D'ailleurs, les ministères les plus réticents à l'informatisation sont ceux qui ne progressent pas sur cette voie : le ministère de la Justice en est l'exemple. On continue à faire des grandes quantités de photocopies dans les greffes des tribunaux, alors que l'on devrait aller vers une dématérialisation de nombreuses procédures.
Je m'interroge cependant sur la sécurisation de l'administration en ligne. Par exemple, lorsque quelqu'un s'inscrit sur les listes électorales en ligne, comment peut-on s'assurer qu'il n'y a pas d'usurpation d'identité ?
Sans pouvoir vous donner les détails techniques, je peux vous répondre que la CNIL s'est assurée que le système est étanche et que des procédures d'authentification de l'identité de la personne qui s'inscrit existent.
Les sénateurs constatent dans leurs départements les dégâts de la RGPP. Il n'y a par exemple plus de services de sous-préfecture, même s'il subsiste un sous-préfet. Désormais, ce sont les mairies qui s'occupent des cartes nationales d'identité, et bientôt les garagistes pour les cartes grises ! Ceci est inacceptable, et notre groupe votera donc contre l'adoption des crédits de ce programme.
Je tiens à rappeler à M. Gorce que lorsque le Président de la République a lancé la RGPP, il a parlé de l'État comme meilleur employeur de France. Cela prend du temps. De plus, la moitié des 4,6 milliards d'euros d'économies réalisées grâce à la RGPP a été reversée aux fonctionnaires eux-mêmes.
Je pense qu'il est nécessaire de relativiser les critiques en ces temps de crise. Il est en effet urgent de trouver des procédures et des méthodes de travail pour que les fonctionnaires ne subissent pas les conséquences de ces difficultés budgétaires. CHORUS est sans doute perfectible, mais les quelques problèmes rencontrés n'impliquent pas qu'on renonce à toute la réforme !
Présidence de M. Jean-Pierre Michel, vice-président -
La commission examine le rapport pour avis de M. Jean-Pierre Sueur sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Immigration, asile et intégration », « Asile »).
Pour la première fois cette année, nous avons choisi d'émettre un avis spécifique sur les crédits consacrés par le projet de loi de finances à la politique de l'asile, car celle-ci repose sur des principes distincts de ceux qui fondent une politique d'immigration. Il est certes légitime et nécessaire de définir une politique d'immigration. Mais la politique de l'asile, qui est fondée sur des droits garantis par une convention internationale et par des lois, relève d'une logique différente.
A première vue, les crédits consacrés à l'asile paraissent pouvoir être présentés de façon positive : en 2012, les crédits consacrés à l'exercice du droit d'asile par le programme n°303 : « immigration et asile » augmenteront de 25 % par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 2011, passant de 327,75 millions d'euros à 408,91 millions d'euros. Dans le même temps, les crédits consacrés à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par le programme n°165 : « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » augmenteront également de façon significative, passant de 20,52 millions à 25,21 millions d'euros en crédits de paiement (+22,86 %). Au total, l'effort consenti en faveur de la politique de l'asile s'élèverait en 2012 à 434,12 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 24,65 % par rapport aux crédits ouverts en 2011.
Néanmoins, si l'on y regarde de plus près, cette présentation est trompeuse. Ces crédits sont en effet très inférieurs à l'activité réellement constatée en 2010 : 477,36 millions d'euros. Aussi la forte augmentation prévue par le PLF 2012 reflète-t-elle moins un effort particulier de la Nation en faveur de cette politique qu'une sous-dotation de ce programme depuis plusieurs années.
Pourtant le nombre de demandeurs d'asile ne cesse d'augmenter depuis 2008 : +14,4 % en 2008 par rapport à 2007, +13,3 % en 2009 par rapport à 2008, +7,3 % en 2010 par rapport à 2009. Au total, en 2010, 52 762 étrangers (dont 11 143 mineurs accompagnants) ont sollicité la protection de la France au titre de l'asile. Notre pays est en deuxième position, après les États-Unis, en ce qui concerne le nombre de demandes d'asile formulées chaque année. Si l'on tient donc compte à la fois de l'activité réellement exécutée en 2010, de la prévision d'activité exécutée en 2011 (plus de 520 millions d'euros, alors que la loi de finances initiale pour 2011 n'avait prévu que 327,50 millions d'euros) ainsi que de la persistance d'une demande d'asile en augmentation, il paraît d'ores et déjà possible de constater que les crédits prévus par le programme n°303 : « immigration et asile » pour la mise en oeuvre du droit d'asile - 408,91 millions d'euros - seront très insuffisants pour permettre à notre pays d'honorer ses engagements en 2012 et que des abondements de crédits seront nécessaires. Dans ces conditions, il y a lieu de s'interroger sur la sincérité de ces crédits, au regard notamment de l'article 32 de la LOLF.
Le Gouvernement mobilise depuis quelques années des moyens importants pour diminuer le délai moyen d'instruction des demandes d'asile devant l'OFPRA et la CNDA. Devant l'OFPRA, ces efforts n'ont pas encore porté leurs fruits : le délai moyen de traitement d'une demande d'asile est passé de 100 jours en 2008 à 118 jours en 2009 puis à 145 jours en 2010. Au début de l'année 2011, il était de 159 jours. Les résultats sont plus positifs devant la CNDA. Je vous rappelle que celle-ci joue un rôle très important car il en émane la plupart des décisions reconnaissant la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire. Environ 85% des décisions de rejet de l'OFPRA font à l'heure actuelle l'objet d'un recours devant la CNDA. En 2009 et 2010, le délai moyen de jugement des recours atteignait 15 mois. Afin d'enrayer ce mouvement, le Gouvernement a mis en oeuvre un plan d'action ambitieux : le nombre de rapporteurs est passé de 70 fin 2009 à 135 fin 2011. Quinze recrutements supplémentaires sont prévus pour l'année 2012. Le délai prévisible moyen de jugement a ainsi significativement diminué, permettant d'envisager un délai moyen de neuf mois dès la fin de l'année 2011 et de six mois à la fin de l'année 2012. Je tiens à souligner cette efficacité de la CNDA.
Un autre moyen permet au Gouvernement de réduire le délai d'instruction des demandes : il s'agit du recours à la procédure prioritaire. Celle-ci a des conséquences très importantes pour les droits des demandeurs d'asile :
- ceux-ci ne sont pas admis au séjour, c'est-à-dire qu'ils demeurent en situation irrégulière pendant l'instruction de leur demande ;
- l'OFPRA est tenu de statuer dans un délai de quinze jours - ou 96 heures lorsque le demandeur d'asile est placé en centre de rétention administrative ;
- enfin, et j'insiste sur ce point, le recours devant la CNDA n'a pas d'effet suspensif, ce qui signifie que l'étranger peut être reconduit à la frontière dès la notification de la décision de rejet de l'OFPRA.
A l'heure actuelle, un demandeur d'asile peut faire l'objet d'une procédure prioritaire dans trois hypothèses :
- soit il a la nationalité d'un « pays d'origine sûr ». Or cette notion fait débat. Je vous rappelle nos discussions lors de l'examen de la loi de 2003 sur l'asile : nous nous étions alors opposés à la notion de « pays partiellement sûrs »... Mes inquiétudes s'agissant des critères permettant au conseil d'administration de l'OFPRA de considérer un pays comme « sûr » semblent confirmées par plusieurs décisions du Conseil d'Etat ;
- le demandeur d'asile peut également être placé en procédure prioritaire si sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ;
- soit, enfin, il peut l'être si le préfet estime que sa demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile. J'attire votre attention sur le fait que le placement en procédure prioritaire est décidé par le préfet, préalablement de l'examen de la demande par l'OFPRA et la CNDA. Or seule l'instruction permet de dire qu'une demande est abusive !
Aujourd'hui, les préfectures recourent massivement à la procédure prioritaire, qui a concerné 24% des demandes d'asile en 2010 et 25,93 % de celles déposées au cours des neuf premiers mois de l'année 2011.
Cette procédure a des conséquences très importantes sur la situation des demandeurs d'asile : non admis au séjour, ils ne peuvent être accueillis en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) et ils ne sont pas éligibles à la couverture maladie universelle de base (CMU). Par ailleurs, ils ne peuvent bénéficier d'un hébergement d'urgence ni de l'allocation temporaire d'attente (ATA) après le rejet de leur demande d'asile par l'OFPRA, y compris s'ils ont saisi la CNDA d'un recours contre ce refus, en raison du caractère non suspensif de ce dernier. Les demandeurs d'asile en procédure prioritaire se trouvent donc dans une situation de grande précarité et d'abandon. A mon sens, il y a lieu de s'interroger sur la conformité de cet état du droit avec la Convention européenne des droits de l'homme ; la Cour de Strasbourg se prononcera d'ailleurs prochainement sur ce point.
L'exercice du droit d'asile est par ailleurs confronté à de graves difficultés. Tout d'abord, les CADA sont saturés et les crédits qui leur sont accordés diminuent : le prix moyen de journée d'une place de CADA passe ainsi de 26,20 euros en 2010 à 24,44 euros en 2012. Il est permis de se demander comme il apparaît possible de diminuer ce prix de journée de 6,7 % en deux ans et quelles sont les prestations qui sont affectées - ou en quoi la qualité de certaines prestations est affectée par cette diminution.
L'hébergement d'urgence est également confronté à de graves difficultés. Or comme l'ont souligné les associations que j'ai entendues, l'ensemble des crédits consacrés à l'allocation temporaire d'attente (ATA) et à l'hébergement d'urgence permettraient, s'ils étaient redéployés à cette fin, de financer plus de 20 000 places en CADA.
S'agissant de l'ATA, dans deux arrêts datés respectivement du 16 juin 2008 puis du 7 avril 2011, le Conseil d'Etat a considéré que l'ensemble des demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire devaient avoir accès à l'ATA jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA. Nous avons interrogé le ministre sur les conséquences financières de cette dernière décision du Conseil d'Etat : ses services l'évaluent à environ neuf millions d'euros. Il me semble que notre commission ne peut qu'inviter le Gouvernement à clarifier très rapidement le droit applicable et à donner les instructions nécessaires pour que ces décisions du Conseil d'État, qui s'appuient sur les prescriptions du droit communautaire, soient pleinement mises en oeuvre.
Je dirai également un mot des difficultés d'accès à l'aide juridictionnelle devant la CNDA. La mise en oeuvre de l'aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile est aujourd'hui confrontée à une pénurie d'avocats volontaires pour exercer cette mission. Le nombre d'avocats inscrits sur les listes est nettement insuffisant au regard des demandes, en raison, essentiellement, de la faiblesse de la rétribution de l'aide juridictionnelle dans le contentieux de l'asile (8 UV, soit environ 185 euros seulement par dossier). Par ailleurs, les missions foraines que la Cour doit pouvoir organiser à Mayotte se heurtent à l'impossibilité de désigner sur place des avocats au titre de l'aide juridictionnelle, faute de texte le prévoyant. Cela est particulièrement regrettable. Il me paraît important d'insister dans le rapport pour qu'une revalorisation du taux de l'aide juridictionnelle dans le contentieux de l'asile ainsi qu'un élargissement des conditions permettant de désigner des avocats à ce titre soient envisagés dans les plus brefs délais.
Je terminerai en vous rappelant que le droit d'asile s'exerce désormais dans un cadre européen. Le fonctionnement du mécanisme « Dublin II » s'appuie sur la base de données EURODAC, qui recense les empreintes digitales des demandeurs d'asile aux fins d'identification. En 2009, la Commission européenne avait proposé que cette base pût être accessible aux services de police et de gendarmerie ; cette proposition, considérée comme inacceptable par une majorité d'États membres, avait été abandonnée dans un premier temps. Toutefois, la Commission européenne et la présidence hongroise de l'Union européenne ont présenté au Conseil JAI des 8-9 juin 2011 une lettre conjointe reprenant notamment cette idée. Notre commission des lois devra être vigilante face à ce risque de détournement des finalités de ce fichier.
La mise en oeuvre du mécanisme « Dublin II » est par ailleurs aujourd'hui confrontée aux insuffisances du système d'asile grec. Comme nous l'a indiqué M. Ilkka Laitinen, directeur exécutif de FRONTEX, lors de notre récent déplacement à Bruxelles, à l'heure actuelle, environ 90% des migrants illégaux pénétrant dans l'espace Schengen entrent par la frontière gréco-turque. Or dans un arrêt du 21 janvier 2011, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que le fonctionnement actuel du système d'asile grec était contraire aux articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme. A la suite de cette décision, la France a suspendu temporairement les transferts de demandeurs d'asile vers la Grèce. On peut certes saluer cette décision, mais il est souhaitable qu'une évolution de la situation ait lieu rapidement.
En conclusion, il me semble que les moyens mis en oeuvre par le Gouvernement en matière d'asile soulèvent des difficultés majeures :
- d'une part, en dépit d'un effort notable, les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2012, inférieurs à l'activité exécutée en 2010 alors même que le nombre de demandeurs d'asile n'a cessé de croître depuis, seront insuffisants pour permettre à notre pays d'honorer ses engagements internationaux ;
- d'autre part, le recours excessif aux procédures prioritaires et la gestion erratique des dispositifs d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile compromet leur faculté d'exercer leurs droits dans des conditions satisfaisantes.
Pour ces raisons, je vous propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'asile par le projet de loi de finances pour 2012.
Merci, Monsieur le Président. On ne peut que souscrire à ce rapport. Je voudrais simplement faire quelques commentaires. En premier lieu, je voudrais souligner que le demandeur d'asile est de moins en moins pris en compte en tant que personne, du fait de la notion de pays sûrs et des procédures d'urgence. C'est contraire à l'idée de droit d'asile telle que la France l'a appliqué pendant très longtemps. D'autre part, les procédures qu'on applique sont de plus en plus contraires au droit international. Des familles entières à Paris dorment dans la rue, faute d'avoir un hébergement. Avec l'hiver, cette pénurie de places d'hébergement va accroitre le nombre de demandeurs d'asile en situation de grande précarité. Pour toutes ces raisons, il faut revoir non seulement les crédits alloués à cette mission, mais aussi les textes et les procédures en vigueur. Nous suivrons donc évidemment l'avis du rapporteur.
Vous avez dressé, Monsieur le Président, un tableau apocalyptique de la situation d'asile que je ne partage pas, loin s'en faut. La France est le deuxième pays au monde, au regard du nombre de demandeurs d'asile. Au niveau de l'acceptation d'asile, nous avons également des chiffres tout à fait importants. Notre pays y consacre des moyens considérables. Je voudrais souligner un certain nombre de points. D'abord, on constate devant la CNDA un nombre considérable d'annulations de décisions de l'OFPRA. Je signale que ces annulations vont toujours dans le sens d'une reconnaissance du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, puisque les recours devant la CNDA sont uniquement des recours contre des décisions de refus de l'OFPRA. Il serait souhaitable qu'il y ait un alignement de la « jurisprudence » de l'organisme « de 1ère instance », car il ne s'agit pas d'une juridiction, sur la CNDA. On pourrait penser que le recours en cassation devant le Conseil d'État devrait y pourvoir, mais ce n'est pas le cas. Cette divergence demeure de façon importante. Évidemment, cela fait perdre un temps considérable. On le sait, si 85 % des décisions de rejet de l'OFPRA donnent lieu à des recours devant la CNDA, c'est aussi parfois pour gagner du temps et profiter de l'effet suspensif de ce recours. Compte tenu des délais nécessaires à l'OFPRA pour statuer et des délais de jugement - beaucoup plus longs - de la CNDA, une fois la personne restée en France pendant la durée de toute la procédure, il est ensuite très difficile de l'éloigner du territoire. Un nombre important de places de CADA sont aujourd'hui occupées par des déboutés du droit d'asile.
Sur les procédures prioritaires, je serai plus nuancé. Il serait intéressant d'avoir une étude sur les décisions de la CNDA s'agissant des demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire. Cela permettrait de vérifier que les notions de fraude délibérée et de recours abusif n'ont pas été utilisées d'une manière critiquable. Je serai plus nuancé que notre rapporteur sur la notion de pays d'origine sûr. Le Sénat, à l'occasion des débats sur la dernière loi sur l'asile, a fait en sorte que nous transformions la notion de pays qui respecte les droits de l'Homme, en pays qui veille au respect de ceux-ci. Pour affirmer un respect, il faut être capable de l'imposer. Il faut être capable d'imposer les droits de l'Homme pour être un pays d'origine sûr. Le problème, c'est que cette notion relève de l'appréciation du conseil d'administration de l'OFPRA. Or, au sein de cette instance, les représentants du Gouvernement sont largement majoritaires. Leur volonté emporte bien souvent la décision du conseil d'administration. Je représentais encore récemment le Sénat dans cette instance. Nous étions, avec mon collègue Etienne Pinte de l'Assemblée nationale, souvent battus par la majorité du conseil d'administration sur cette notion de pays d'origine sûr... Il est donc sans doute nécessaire de revoir la composition de ce conseil d'administration, ou alors de faire en sorte que la décision d'inclure un pays dans cette liste dépende d'une autre autorité que ce conseil d'administration.
Je souhaite juste exprimer une inquiétude. Lorsque M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, a reçu en juin des élus de mon département concernant la situation des demandeurs d'asile en France, il a évoqué comme possibilité de régulation, l'augmentation du nombre de pays sûrs. Je voudrais dire mon inquiétude à ce sujet, en espérant que cette hypothèse de travail en restera là. Deuxièmement, je voudrais insister sur le grand aléa de la jurisprudence concernant les demandeurs d'asile ressortissants de pays considérés comme sûrs et qui invoquent des persécutions en raison de leur orientation sexuelle. Il y a là un sujet sur lequel nous devons être vigilants.
Ce sujet du droit d'asile est particulièrement difficile à traiter, tant il y a de contradictions entre les exigences du droit et la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Le droit d'asile est évidemment un droit fondamental. Il ne faut pas pour autant nier qu'il peut y avoir un détournement de ce droit pour entrer sur le territoire et y rester. C'est une réalité à laquelle tous les gouvernements ont été, sont et seront confrontés. Cette réalité peut se traduire par des politiques différentes. La conséquence pernicieuse de cela, c'est que pour réduire « l'attractivité » du statut de demandeur d'asile, on en vient à durcir les conditions d'accueil de l'ensemble des personnes concernées. Les conséquences humaines sont choquantes. De plus, on ne peut pas se satisfaire d'une situation dans laquelle les demandeurs de bonne foi sont victimes de ce détournement des procédures. Il faut, en amont, favoriser l'action contre les filières clandestines, sur lesquelles je déplore de ne pas entendre une volonté politique plus ferme. A terme, nous devrons avoir une réflexion apaisée sur la conciliation entre la politique du droit d'asile et la lutte contre le détournement de la notion.
Je voudrais en premier lieu remercier l'ensemble des intervenants.
Pour répondre en premier lieu à notre collègue Jean-René Lecerf, je n'ai pas eu le sentiment de présenter un rapport apocalyptique sur la situation, et si c'est le cas, ce n'était pas mon objectif. Je veux juste montrer les problèmes qui se posent. Il y a un problème entre les décisions de l'OFPRA et la jurisprudence de la CNDA. Il faut dire que la CNDA est mieux armée juridiquement, et qu'elle dispose de moyens plus importants. Il y a donc un effort de cohérence à faire avec l'OFPRA.
Sur la question des moyens, le budget programmé pour 2012 est de 408 millions d'euros, alors que l'exécution prévisible pour 2011 est déjà évaluée à 522 millions d'euros. On voit donc bien qu'il va y avoir un problème : les crédits prévus pour 2012 ne seront pas suffisants.
La procédure prioritaire représente 25 % des demandeurs d'asile. Sans doute, la notion de fraude est propre à chaque situation personnelle. Mais ce n'est pas le cas des demandeurs qui viennent de pays considérés comme sûrs ! Devant la CNDA, un sur cinq d'entre eux obtient le statut de réfugié ou une protection subsidiaire. Or le placement en procédure prioritaire les prive du droit au séjour et à un hébergement.
Sur ces deux points - les crédits et la procédure prioritaire - il y a donc un réel problème.
Enfin, je suis d'accord avec M. Gorce pour constater que trop peu de moyens sont mobilisés pour lutter contre les filières d'immigration clandestine, qui exploitent la misère humaine.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.