A titre liminaire, je tiens à rendre hommage à notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet, qui a rapporté, pendant trois ans, de 2008 à 2010, les crédits relatifs au présent programme. Il s'était beaucoup investi sur le dossier et nous nous sommes rencontrés utilement pour procéder au « passage de témoin ».
J'ai souhaité cette année concentrer mon analyse sur les crédits accordés au Défenseur des droits, eu égard aux contraintes de temps et au rôle essentiel qu'est amenée à jouer cette jeune institution en matière de droits et libertés.
Je me pencherai également l'année prochaine sur d'autres autorités.
En particulier, j'ai certaines interrogations concernant les attributions consultatives de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH). Il semble qu'elle soit trop rarement - et en tout état de cause de moins en moins - consultée par le Gouvernement sur les projets de loi qui relèvent de sa compétence.
J'entends également examiner le rôle et les modalités de contrôle du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Par ailleurs, je suivrai de près l'évolution des crédits de la CNIL. Je relève, dès à présent, la très nette insuffisance des moyens budgétaires et humains alloués à cette institution au regard de l'élargissement continu de ses compétences.
En effet, le législateur a confié à la CNIL en 2011 deux nouveaux champs d'action :
- un contrôle général de la vidéoprotection : la CNIL est désormais compétente non seulement pour les dispositifs de vidéoprotection installés dans les entreprises et dans l'ensemble des locaux n'accueillant pas du public, mais également, depuis la loi dite « LOPPSI 2 », pour les systèmes de vidéoprotection installés sur la voie publique. Cette évolution législative conduit la CNIL à exercer un contrôle sur un nombre de caméras 20 fois supérieur à la situation antérieure, puisque le nombre de dispositifs de vidéoprotection relevant de la CNIL est passé de 30.000 à 600.000 ; en 2011, la CNIL a diligenté 150 contrôles de vidéoprotection. Les objectifs pour l'année 2012, dans ce domaine, ne sont pas encore définis mais ne devraient guère dépasser 450. Il est donc évident que cette activité de contrôle ne peut être considérée comme suffisante ;
- la réception des notifications des failles de sécurité : une ordonnance d'août 2011 rend désormais obligatoire, pour les responsables de traitements de données à caractère personnel, l'information de la CNIL « en cas de violation » de l'intégrité ou de la confidentialité de ces données. La CNIL pourra ensuite, en cas d'atteinte portée aux données, d'une part, exiger que les responsables de traitement avertissent les intéressés, d'autre part, diligenter des contrôles, mettre en demeure ces responsables de prendre les mesures correctrices, voire engager des procédures de sanction en cas de manquement aux obligations de sécurité qui leur incombent.
S'il est difficile de mesurer précisément l'impact de la seconde mission (failles de sécurité), il est indéniable que la première (vidéoprotection) aura nécessairement un impact important sur le volume d'activité de l'institution en 2012. Or, les moyens progressent trop faiblement. Comment la CNIL pourrait-elle avec 11 ETPT supplémentaires fonctionner efficacement quand l'une de ses compétences est multipliée par 20 ?
Ces observations ponctuelles étant faites, je souhaiterais vous présenter mon analyse sur la mise en place du Défenseur des droits, qui s'est substitué en juin 2011 au Médiateur de la République, à la HALDE, au Défenseur des enfants et à la CNDS.
Je rappelle d'abord qu'au moment de la révision constitutionnelle de 2008, nombre de parlementaires s'étaient opposés à la création de cette nouvelle autorité, au motif que son périmètre d'action apparaissait particulièrement flou.
Je déplore un manque d'anticipation préjudiciable à la mise en place et au fonctionnement de l'institution, pourtant présentée comme issue d'une forte volonté politique.
Je regrette que la visibilité du Défenseur des enfants soit quelque peu brouillée, conséquence du passage en force du Gouvernement. En effet, le législateur organique a intégré le Défenseur des enfants au sein du Défenseur des droits. Afin de répondre aux nombreuses inquiétudes exprimées lors des débats parlementaires quant à la disparition du Défenseur des enfants, il a été décidé de qualifier expressément de « Défenseur des enfants » l'adjoint du Défenseur des droits en charge de la protection de l'enfance, alors que les autres adjoints n'ont pas reçu de titre particulier. Difficile de s'y retrouver !
Par ailleurs, je note que le Défenseur des droits bénéficie du concours d'un « délégué général à la Médiation avec les services publics », qui n'est pas à proprement parler un adjoint et qui n'a donc pas de collège.
S'agissant des crédits, l'autorité a un budget d'environ 30 millions d'euros et compte 220 ETPT, ce qui correspond à l'addition des moyens des quatre autorités fusionnées.
Toutefois, ces crédits ne sont pas en adéquation avec les exigences de communication du Défenseur des droits, l'étendue de ses pouvoirs, la hausse de ses saisines ainsi que sa politique salariale.
Certes, des mutualisations devraient conduire à dégager certaines marges de manoeuvre budgétaires ; elles ne seront toutefois pas suffisantes pour permettre à l'institution, à budget de personnel constant, de faire face à d'inévitables nouvelles dépenses.
Sur la communication, il est indispensable que la nouvelle institution engage d'importantes dépenses pour asseoir son existence dans le paysage institutionnel français, dire ce qu'elle fait et ce qu'elle ne fait pas, réaliser des études de notoriété, effectuer des déplacements, améliorer sa visibilité sur Internet...
Sur ses pouvoirs, il faut rappeler que le Défenseur des droits jouit de prérogatives plus étendues que celles dont disposaient les autorités intégrées (interventions devant les juridictions, injonctions, saisines d'office...). L'exercice de ces prérogatives a un coût.
Sur les saisines, leur nombre devrait progresser, en raison notamment de la possibilité, désormais ouverte, d'une saisine directe (suppression du filtre parlementaire) dans le domaine des manquements à la déontologie de la sécurité et dans celui des dysfonctionnements administratifs.
Enfin, s'agissant de la politique salariale de l'institution, elle est fondée - ce qui est logique - sur un alignement vers le haut des rémunérations et avantages sociaux du personnel.
Je voudrais à présent aborder la question de la localisation du Défenseur de droits. Si elle peut paraître anodine, cette question est absolument essentielle dans l'optique de créer, au sein du personnel, une « culture commune » et un sentiment d'appartenance à une même institution. Rien n'a avancé depuis l'année dernière et le rapport de notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet : le Gouvernement se résigne toujours à ce qu'une autorité constitutionnelle de défense des droits et libertés soit éclatée sur plusieurs sites, dans l'attente d'une localisation unique, avenue de Ségur à Paris, en 2015-2016.
Lors de son audition, le Secrétaire général du Gouvernement a indiqué que l'efficacité d'une institution n'impliquait pas nécessairement un regroupement de l'ensemble de ses services sur un même site.
Je relève d'abord une incohérence : il est en effet étonnant de déclarer que l'efficacité du Défenseur des droits n'est en rien affectée par son éclatement géographique et, dans le même temps, de louer le mérite d'un vaste programme de regroupement avenue de Ségur, étant précisé que ce projet concerne tant le Défenseur des droits que les services du Premier ministre. Sauf exceptions, ces derniers ont en effet vocation à rejoindre le bâtiment Ségur alors même que ce sont des structures beaucoup plus hétérogènes que les différents services d'une même institution... Il n'y en effet pas grand-chose de commun entre, par exemple, la MIVILUDES, la MILDT, le SGG, le SIG, comme l'a souligné notre collègue Alain Anziani, rapporteur des crédits du programme « coordination du travail gouvernemental ».
En outre, il est probable - sinon certain - que le calendrier espéré par le Gouvernement pour le projet « Ségur » ne sera pas tenu, eu égard aux retards systématiques que connaissent les opérations de rénovation de grande ampleur. J'ajoute que la période d'austérité budgétaire que connaît la France générera inéluctablement des recherches d'économies qui allongeront les délais de réalisation des travaux.
Je souligne enfin que la période qui s'étale de la fin des baux de l'ex-Médiateur et de l'ex-Halde, c'est-à-dire en 2014, à l'installation prévisionnelle avenue de Ségur, en 2016-2017, va être particulièrement difficile à gérer pour le Défenseur des droits. En effet, ce dernier devra, en 2014, se rapprocher des propriétaires des locaux situés rue Saint-Florentin et rue Saint-Georges afin de renouveler les baux, par avenants, dans l'attente du déménagement de l'institution avenue de Ségur. Or, l'impossibilité où il sera d'envisager toute solution de déménagement provisoire et de fixer une date certaine de déménagement le mettra en position de faiblesse dans les négociations avec les bailleurs : on ne peut donc que redouter des augmentations conséquentes des loyers - déjà exorbitants - pendant cette période transitoire qui pourrait durer plusieurs années compte tenu des retards - très probables, je l'ai dit - du « projet Ségur ».
Dernier point : la nomenclature budgétaire. Le Gouvernement a fait le choix de rattacher le Défenseur des droits au programme « Défense des droits et libertés ». Pourtant, l'article 10 de la loi ordinaire relative au Défenseur des droits prévoit que « l'autonomie budgétaire du Défenseur des droits est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances. ». L'objectif était d'assurer au Défenseur des droits un budget sanctuarisé dans un programme budgétaire spécifique, ce qui n'a pas été respecté.