Intervention de Sophie Joissains

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 novembre 2011 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission gestion des finances publiques et des ressources humaines - programme stratégie des finances publiques et modernisation de l'etat - examen du rapport pour avis

Photo de Sophie JoissainsSophie Joissains, rapporteur pour avis :

Je suis chargée de rapporter les crédits du programme, « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État », qui s'intègre à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Ce programme a été rapporté pendant trois ans, de 2008 à 2010, par notre collègue Mme Eliane Assassi, à laquelle je tiens à rendre hommage.

Le présent avis permet d'examiner la conduite de la modernisation de l'État engagée par le Gouvernement. En effet, le programme regroupe, en particulier, les moyens de la Direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME), direction d'état-major en charge de la modernisation de la gestion de l'Etat.

Le périmètre du présent programme n'a pas été modifié par rapport à l'année précédente. Il recouvre six actions auxquelles sont associés sept objectifs avec leurs indicateurs. J'émets quelques réserves sur la lisibilité, la précision et la méthodologie d'élaboration de ces objectifs et indicateurs. Par ailleurs, je m'interroge sur la compatibilité du périmètre du présent programme avec l'article 7 de la LOLF, aux termes duquel un programme est défini comme un regroupement cohérent de crédits. Les actions n°s 7 et 8, respectivement « Politique de la fonction publique et modernisation de la gestion des ressources humaines » et « Régulation des jeux en ligne » ne brouillent-elles pas la lisibilité du programme ?

L'action n° 7 regroupe les dépenses de personnel de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). En revanche, ses dépenses d'intervention (action sociale interministérielle et formation) sont, elles, inscrites au programme 148 « Fonction publique », que rapporte, pour la commission des lois, notre collègue, Mme Jacqueline Gourault. Autrement dit, le rattachement budgétaire de la DGAFP est éclaté. Cette situation a fait l'objet de critiques tant du Parlement que de la Cour des comptes.

J'ai souhaité examiner de manière approfondie les différentes options qui s'offrent au Gouvernement pour y répondre. Tout d'abord, il pourrait être envisagé de rattacher l'action n° 7 du présent programme au programme « Fonction publique », d'autant que l'une des finalités de ce dernier est, précisément, la modernisation de la gestion des ressources humaines. Toutefois, cette solution ne serait pas sans inconvénient car les trois quarts des agents de la DGAFP se consacrent à des actions qui relèvent de la modernisation de l'État, au sens du programme « modernisation de l'État ». Il serait donc a priori plus logique de faire absorber la totalité du programme « Fonction publique » par le programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État ». Cette seconde option présente, elle aussi, des inconvénients. En effet, si on peut considérer que l'action « formation » relève bien d'une logique de modernisation de l'État, celle portant sur l'action sociale interministérielle y est totalement étrangère. En outre, son importance symbolique mérite une visibilité propre.

En conséquence, si la nomenclature budgétaire actuelle n'est pas parfaite, il n'en demeure pas moins qu'aucune des deux options présentées plus haut n'est pleinement satisfaisante, ce qui explique que le Gouvernement n'ait pas, jusqu'à présent, apporté des modifications sur la présentation des crédits.

Toutefois, la négociation du budget triennal 2013-2015, qui s'ouvre dès 2012, doit permettre d'aborder ces questions de manière approfondie afin d'aboutir à une solution qui garantisse la cohérence et la lisibilité des documents budgétaires.

L'action n° 8 regroupe les crédits de l'ARJEL (autorité de régulation des jeux en ligne). Ses missions principales sont la délivrance des agréments, le contrôle du respect, par les opérateurs agréés, de leurs obligations légales et la prévention de la fraude sur le déroulement des compétitions sportives. Le lien de l'ARJEL avec le programme « stratégie des finances publiques et modernisation l'État » peut s'expliquer par le fait que le ministère des finances exerce une tutelle sur « La Française des Jeux ».

La création de cette autorité répondait à un objectif de sécurité économique et de lutte contre la délinquance financière sur Internet, délinquance qui peut prendre la forme d'opérations de blanchiment d'argent. Cet objectif donne du sens au rattachement de l'ARJEL au ministère des finances.

Toutefois, je suis également consciente que l'ARJEL, en tant qu'autorité administrative indépendante (AAI), n'est soumise à aucune tutelle et pourrait faire partie d'un programme dédié aux AAI en charge d'une mission de régulation économique, de la même façon qu'a été créé, fin 2008, un programme « Défense des droits et libertés ».

Nous constatons aussi une diminution des crédits. Le programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État » représente, pour les autorisations d'engagement, une enveloppe de 256 millions d'euros, en diminution de 17 % par rapport aux crédits ouverts en 2011 et, pour les crédits de paiement, une enveloppe de 285 millions d'euros, en baisse de 12 %. Ces diminutions proviennent, pour l'essentiel, de l'achèvement en 2012 du déploiement de Chorus, outil budgétaro-comptable en passe de devenir l'application unique des comptabilités de l'État.

Cinq conseils de modernisation des politiques publiques (CMPP) se sont tenus depuis 2007 avec trois objectifs principaux : l'amélioration de la qualité de service rendu aux usagers, la réduction des dépenses publiques et la poursuite de la modernisation de la fonction publique. Le Gouvernement a annoncé un objectif de 7 milliards d'euros d'économies dans le cadre du premier budget triennal 2009-2011, ce chiffre ayant vocation à progresser jusqu'à 15 milliards d'ici 2013. En matière d'effectifs, l'ensemble des mesures vise à permettre de ne pas renouveler un fonctionnaire de l'État sur deux partant à la retraite. J'insiste sur le fait que cette politique va conduire, sur la période 2009-2013, a une économie de 4,6 milliards d'euros sur la masse salariale de l'État, ce qui, dans le contexte budgétaire actuel, est loin d'être négligeable ; en outre, je rappelle que la suppression de postes de fonctionnaires s'est accompagnée en retour d'une redistribution à ces derniers de la moitié des crédits ainsi économisés, ce qui conduit à revaloriser le statut de la fonction publique. Le système français apparaît donc, à mes yeux, comme « gagnant-gagnant ». Certains pays européens, tels que la Grèce ou l'Italie ont été obligés de diminuer les traitements des fonctionnaires.

L'État s'assure, à échéances régulières, que les mesures décidées lors des CMPP suivent le rythme d'avancement fixé.

Lors de son audition, M. François-Daniel Migeon, directeur général de la modernisation de l'État, a indiqué que la collecte des éléments qui permettent de mesurer l'état d'avancement des mesures se fait auprès des ministères en charge de la mise en oeuvre des réformes.

La DGME s'assure de l'exactitude et de la pertinence des informations fournies afin d'éviter les propos exagérément optimistes sur l'avancement des réformes. Elle procède de la manière suivante : lors de la définition des objectifs à réaliser sont établis des objectifs intermédiaires concrets dont la DGME vérifie la bonne réalisation.

J'insiste également sur la nécessité de s'assurer que les mesures de modernisation ne conduisent pas à une dégradation du climat social. Or, aucun indicateur de performance n'a été mis en place pour l'évaluer, ce qu'il serait sans doute opportun de corriger dans les années à venir. En effet, la modernisation de l'État ne doit entraîner ni démotivation ni souffrance des fonctionnaires, faute de quoi la qualité du service public peut difficilement être maintenue.

La DGME a aussi un rôle essentiel d'action et d'accompagnement. C'est une structure de taille modeste, qui fonctionne comme un cabinet conseil. Elle a également un rôle de conduite de projets, comme le souligne l'exemple du recensement citoyen obligatoire et de l'inscription sur les listes électorales par téléservice.

Sur le rôle d'accompagnement du changement, je me suis interrogée : comment une aussi petite structure (140 ETPT) peut-elle accompagner le changement dans l'ensemble des ministères et services déconcentrés ?

Selon M. François-Daniel Migeon, la DGME s'appuie en premier lieu, depuis 2007, sur une très forte volonté politique qui légitime et crédibilise son action. En second lieu, elle s'emploie à accompagner le processus de changement, à l'appuyer, à l'encourager, mais pas à l'imposer autoritairement. Elle fait oeuvre de pédagogie et de diplomatie pour que les administrations s'approprient les réformes. Son objectif est d'aboutir à une « démarche participative » et à un « transfert de technologie ». Comme l'a résumé de manière imagée M. François-Daniel Migeon, lors de son audition, « mieux vaut apprendre aux administrations à pêcher que de leur donner du poisson ».

C'est d'ailleurs cette philosophie qui a présidé à la création, en 2010, de l'école de la modernisation de l'État. Cette école, qui a déjà accueilli plus de 500 « stagiaires », a permis de mieux accompagner la réforme de l'État via un dispositif interministériel de formation continue.

La DGME souligne que cette démarche d'accompagnement est très appréciée des cadres de l'administration. En effet, elle réalise, chaque année, une enquête anonyme auprès de ses réseaux de correspondants sur les chantiers interministériels de la modernisation de l'État. Un questionnaire est ainsi adressé à environ un millier de cadres en charge de projets de modernisation. Il en ressort que plus de 80 % du personnel d'encadrement de l'État estime que la DGME apporte un appui efficace à la modernisation de l'État à travers ses actions.

La modernisation de l'État suppose un « réglage fin » et ne doit pas s'appliquer de manière aveugle et uniforme : il est donc impératif que la DGME tienne compte en toutes circonstances des spécificités et des cultures propres aux différentes administrations partenaires.

Au regard des efforts accomplis, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » figurant dans le projet de loi de finances pour 2012.

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