Vous avez dressé, Monsieur le Président, un tableau apocalyptique de la situation d'asile que je ne partage pas, loin s'en faut. La France est le deuxième pays au monde, au regard du nombre de demandeurs d'asile. Au niveau de l'acceptation d'asile, nous avons également des chiffres tout à fait importants. Notre pays y consacre des moyens considérables. Je voudrais souligner un certain nombre de points. D'abord, on constate devant la CNDA un nombre considérable d'annulations de décisions de l'OFPRA. Je signale que ces annulations vont toujours dans le sens d'une reconnaissance du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, puisque les recours devant la CNDA sont uniquement des recours contre des décisions de refus de l'OFPRA. Il serait souhaitable qu'il y ait un alignement de la « jurisprudence » de l'organisme « de 1ère instance », car il ne s'agit pas d'une juridiction, sur la CNDA. On pourrait penser que le recours en cassation devant le Conseil d'État devrait y pourvoir, mais ce n'est pas le cas. Cette divergence demeure de façon importante. Évidemment, cela fait perdre un temps considérable. On le sait, si 85 % des décisions de rejet de l'OFPRA donnent lieu à des recours devant la CNDA, c'est aussi parfois pour gagner du temps et profiter de l'effet suspensif de ce recours. Compte tenu des délais nécessaires à l'OFPRA pour statuer et des délais de jugement - beaucoup plus longs - de la CNDA, une fois la personne restée en France pendant la durée de toute la procédure, il est ensuite très difficile de l'éloigner du territoire. Un nombre important de places de CADA sont aujourd'hui occupées par des déboutés du droit d'asile.
Sur les procédures prioritaires, je serai plus nuancé. Il serait intéressant d'avoir une étude sur les décisions de la CNDA s'agissant des demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire. Cela permettrait de vérifier que les notions de fraude délibérée et de recours abusif n'ont pas été utilisées d'une manière critiquable. Je serai plus nuancé que notre rapporteur sur la notion de pays d'origine sûr. Le Sénat, à l'occasion des débats sur la dernière loi sur l'asile, a fait en sorte que nous transformions la notion de pays qui respecte les droits de l'Homme, en pays qui veille au respect de ceux-ci. Pour affirmer un respect, il faut être capable de l'imposer. Il faut être capable d'imposer les droits de l'Homme pour être un pays d'origine sûr. Le problème, c'est que cette notion relève de l'appréciation du conseil d'administration de l'OFPRA. Or, au sein de cette instance, les représentants du Gouvernement sont largement majoritaires. Leur volonté emporte bien souvent la décision du conseil d'administration. Je représentais encore récemment le Sénat dans cette instance. Nous étions, avec mon collègue Etienne Pinte de l'Assemblée nationale, souvent battus par la majorité du conseil d'administration sur cette notion de pays d'origine sûr... Il est donc sans doute nécessaire de revoir la composition de ce conseil d'administration, ou alors de faire en sorte que la décision d'inclure un pays dans cette liste dépende d'une autre autorité que ce conseil d'administration.