Intervention de Jean-Jacques Lasserre

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 28 octobre 2009 : 1ère réunion
Audition de M. Bruno Lasserre président de l'autorité de la concurrence sur l'avis de l'autorité relatif au fonctionnement du secteur laitier

Photo de Jean-Jacques LasserreJean-Jacques Lasserre :

a souligné que, dans son avis, l'Autorité de la concurrence s'était attachée à analyser en profondeur le fonctionnement de la filière laitière. Il a salué l'initiative prise par le président de la commission de l'économie du Sénat, estimant utile que le Gouvernement et le Parlement associent davantage l'Autorité de la concurrence à leurs activités.

Il a tout d'abord rappelé l'importance du secteur laitier en France : deuxième pays producteur de lait en Europe, derrière l'Allemagne, la France compte 97 000 exploitations laitières, 3,8 millions de bêtes dans le cheptel laitier et une production de 23 milliards de litres de lait par an. Depuis 1983, la filière a été profondément restructurée avec une division par 4,5 du nombre des exploitations.

a ensuite évoqué les manifestations de la crise actuelle. Entre avril 2008 et avril 2009, le prix du lait collecté a chuté de 30 %. Plus généralement, depuis la fin 2007, les prix à la production ont été marqués par une très forte volatilité. Cette chute a coïncidé avec le courrier adressé en avril 2008 par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) au Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL), indiquant que la pratique des recommandations de prix n'était pas conforme au droit de la concurrence.

L'Autorité de la concurrence a considéré dans son avis que la crise du lait ne trouvait pas son origine dans les marges de la grande distribution mais constituait plutôt la conséquence d'un dysfonctionnement structurel : l'assouplissement de la régulation communautaire, qui a longtemps protégé le marché, a induit une forte volatilité des prix, conséquence des spécificités du marché du lait alliant une forte inélasticité de la demande à la rigidité de l'offre. L'exposition plus directe à la concurrence internationale a amplifié ce phénomène.

a souligné que l'Autorité a mis en exergue un autre dysfonctionnement : le déséquilibre des relations commerciales entre producteurs et collecteurs de lait. Le pouvoir de négociation des éleveurs vis-à-vis des transformateurs est particulièrement réduit, du fait notamment de la concentration du secteur de la transformation.

Par ailleurs, l'Autorité a considéré que le système de recommandation de prix par l'interprofession ne pouvait plus constituer une solution car il était économiquement inefficace. De plus, d'un point de vue juridique, de telles recommandations constituent des pratiques concertées, enfreignant vraisemblablement le droit communautaire de la concurrence.

L'Autorité de la concurrence a donc formulé plusieurs recommandations :

- elle prône le renforcement du pouvoir de marché des producteurs qui pourrait passer par le développement des coopératives, y compris au stade de la transformation, et par des organisations de producteurs chargées de la vente ;

- afin de limiter la volatilité des prix, l'Autorité estime que les mécanismes d'assurance classique, trop coûteux, ne constituent pas une solution opérationnelle. La création de marchés à terme, qui pourraient permettre aux acteurs de se prémunir contre la volatilité des prix, pourrait figurer parmi les solutions. L'Autorité estime également que producteurs et transformateurs pourraient s'engager dans une stratégie de différenciation de leurs productions pour s'orienter sur des produits à plus forte valeur ajoutée et donc plus rémunérateurs, comme le lait bio ;

- l'Autorité de la concurrence appelle enfin de ses voeux la contractualisation, nouveau système de régulation rendu nécessaire notamment par la suppression des quotas qui jusqu'à présent garantissaient la stabilité des marchés. La contractualisation doit constituer une protection pour le producteur face au risque de volatilité des prix. Lissant ceux-ci sur la durée du contrat, ce nouveau système doit permettre au producteur de prévoir ses recettes et de mieux ajuster ses investissements. Il convient de mettre en place un mécanisme distinguant un volume pour lequel un prix fixe serait proposé et un volume d'ajustement pour lequel s'appliquerait un prix variable, aux conditions du marché international.

S'agissant du cadre de cette contractualisation, M. Bruno Lasserre a estimé qu'il ne fallait pas revenir à des mécanismes interprofessionnels, mais maintenir l'autonomie des producteurs, notamment regroupés en coopératives, dans la négociation de leurs contrats.

En conclusion, il a estimé que l'instauration d'un mécanisme de contractualisation, compatible avec les règles de la concurrence, est aujourd'hui possible, permettant à la fois de lutter contre la volatilité des prix et de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs. Il a souhaité que cette opportunité soit saisie par les éleveurs.

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