Lors de notre réunion du 16 février dernier, nous avons entendu une communication de notre collègue Nicole Bricq, qui a ainsi rendu compte du contrôle qu'elle a mené, sur pièces et sur place, en sa qualité de rapporteure spéciale de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », sur la cession par l'Etat de l'hippodrome de Compiègne. Je rappelle que cette vente est intervenue en mars 2010, suivant une procédure de gré à gré avec la Société des courses de Compiègne, au prix de 2,5 millions d'euros.
En synthèse, la rapporteure spéciale a retenu trois séries de constatations.
Première constatation : la relative célérité avec laquelle cette opération a été conduite par l'administration, entre mai 2009 et mars 2010, soit un délai de neuf mois et demi, malgré le retard causé par un dialogue difficile entre le ministère du budget et celui de l'agriculture. Notre collègue a détaillé la chronologie du traitement de ce dossier par les services.
Deuxième constatation : le caractère empirique de la procédure suivie pour cette cession, que la rapporteure spéciale a qualifié de « bricolage », élaborée au « fil de l'eau » par le ministère du budget. Cette procédure prête en effet à la critique, faute, notamment, que l'administration ait qualifié avec une pleine rigueur, au plan juridique, l'hippodrome de Compiègne. Une autorisation législative était sans doute nécessaire pour réaliser cette vente, visant un immeuble qui a été considéré comme un bien forestier ce qui est douteux et qui, en tout cas, présentait les caractères d'une dépendance du domaine public de l'Etat.
Le recours à une procédure de gré à gré, quant à lui, était fondé en droit. Il l'était peut-être aussi en opportunité, car, comme l'a fait observer le Rapporteur général lors de notre précédente réunion, un appel d'offres aurait pu s'avérer moins protecteur, en l'occurrence, des intérêts patrimoniaux de l'Etat. Néanmoins, la rapporteure spéciale estime qu'une mise en concurrence aurait mieux assuré l'incontestabilité de la vente.
Par ailleurs, l'affectation des produits de cette vente à l'acquisition de terrains forestiers constitue un équivalent économique de la procédure d'échange, habituellement suivie par l'Office national des forêts (ONF), et l'insertion dans l'acte de vente d'une clause d'affectation exclusive, à l'usage d'hippodrome et accessoirement de golf, pendant cinquante ans, garantit un retour du terrain à l'Etat, pour le cas où cet usage ne serait pas respecté par l'acquéreur.
Troisième constatation de la rapporteure spéciale : le caractère discutable de la méthode d'évaluation mise en oeuvre par le service France Domaine, pour déterminer la valeur de l'hippodrome de Compiègne, notamment du fait de l'absence d'éléments de comparaison directs. En effet, il n'existe pas de marché immobilier pour les hippodromes. Cependant, cette évaluation, malgré les limites de sa qualité, a été étayée en se référant au marché des golfs, et les intérêts de l'Etat ne semblent pas avoir été lésés.
Pour « tirer les leçons » de ce dossier, notre collègue a formulé trois préconisations principales.
En premier lieu, elle a recommandé d'améliorer la qualité juridique du régime de certaines cessions de l'Etat. Il s'agit notamment de clarifier les conditions qui permettent une cession des forêts domaniales sans recourir à la loi, dans la mesure où la rédaction actuelle du code général de la propriété des personnes publiques s'avère ambiguë sur ce point, et de définir de manière plus stricte qu'aujourd'hui les cas dans lesquels il peut être procédé à une cession de biens domaniaux de gré à gré, donc sans mise en concurrence, par dérogation à la règle de l'appel d'offres.
En deuxième lieu, la rapporteure spéciale a souhaité qu'une expertise juridique spécifique soit menée sur certains biens domaniaux à céder. Elle a proposé que France Domaine identifie les cas potentiellement difficiles ou délicats, eu égard à la nature ou à la situation particulière des biens, de sorte que le Gouvernement, au besoin, demande l'avis du Conseil d'Etat sur le régime applicable pour leur cession.
En dernier lieu, notre collègue a préconisé que la clause d'affectation d'un bien cédé ou loué par l'Etat soit systématisée dans les conventions, en tant que de besoin, suivant une analyse du contexte de chaque vente ou location et de la nature du bien à céder ou louer. Elle a suggéré, ainsi, que l'hôtel de la Marine bénéficie d'une telle garantie.
Madame Bricq, ai-je bien résumé vos propos ?