J'aborderai mon propos par l'ISF et le bouclier fiscal avant de faire un parallèle avec l'impôt sur le revenu. D'un point de vue pragmatique, il convient de constater que nos voisins ont supprimé, ou n'ont jamais mis en place, d'impôt sur la fortune. Ils représentent ainsi autant de terres d'accueil à nos portes pour nos concitoyens qui souhaitent délocaliser leur patrimoine. Si cette délocalisation est compliquée pour les « smicards de l'ISF », c'est-à-dire les personnes dont le patrimoine, essentiellement immobilier, peut être estimé entre un et deux millions d'euros, elle est relativement aisée pour les gros patrimoines constitués à 80 % par des supports financiers. La France ne peut pas rester le « dernier des Mohicans ».
S'agissant de la mise en place, en 2006, du bouclier fiscal, il convient également d'être lucide sur la signification du plafonnement de l'impôt à 50 % des revenus : de quels revenus parle-t-on ? Du revenu effectivement perçu ? Du revenu déclaré ? Du revenu imposable ? Il y a quelques années, j'ai écrit un article qui s'intitulait : « la France, nouvel eldorado fiscal ». Je prenais l'exemple d'une personne de 70 ans ayant aliéné à titre onéreux son patrimoine pour encaisser une rente : sur un revenu réel de 100, cette personne a un revenu taxé à 30 et son bouclier est à 15, soit 15 % de son revenu réel !
Dans un autre article relatif à la stratégie patrimoniale, j'ai démontré qu'un contribuable, ancien chef d'entreprise qui avait vendu son activité pouvait diminuer considérablement son taux d'imposition : schématiquement, en percevant 300 000 euros, il pouvait réduire sa base imposable à hauteur de 76 000 euros et donc payer un montant d'impôt maximal de 38 000 euros, soit 12,7 % de ses revenus réels : on est loin des 50 % ! Pas un seul pays en Europe n'offre un mécanisme aussi efficace ! De surcroît, ces stratégies sont réservées à ceux qui ont d'importants patrimoines financiers et immobiliers, et donc à ceux qui n'ont pas d'activité. In fine, le bouclier fiscal est un mauvais mécanisme qui privilégie ceux qui ne travaillent pas.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'ISF et le bouclier fiscal devraient être supprimés. Au demeurant, ne nous faisons pas d'illusions ; le détricotage du bouclier a déjà commencé. L'instabilité fiscale étant ce qu'elle est en France, les personnes qui ont su profiter du bouclier ont d'ores et déjà compris que sa pérennité était remise en cause et ont modifié leur stratégie patrimoniale.
La suppression de ces dispositifs pose la question des contreparties, même si le rendement de l'ISF n'est pas très important, à peine 3,5 milliards d'euros.