Intervention de Michel Taly

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 2 mars 2011 : 1ère réunion
Loi de finances rectificative sur la fiscalité du patrimoine — Table ronde des fiscalistes

Michel Taly :

Faut-il supprimer l'ISF ? Ou, dit autrement, est-ce que nous avons encore des finalités de politiques fiscales qui justifient que nous conservions un impôt sur la fortune ? Mon opinion a fortement évolué depuis les années 1970 :

- de 1975 à 1981, j'ai cru à cet impôt. Sa mise en place répondait aux objectifs qu'on assignait alors à un impôt sur la fortune, à savoir réduire les inégalités de patrimoine, optimiser l'allocation des actifs et corriger les imperfections de l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, à cette époque, le contexte était profondément différent, la mondialisation économique comme l'emprise de l'Union européenne étant encore faibles ;

- à la fin de 1981, l'impôt sur les grandes fortunes (IGF) a été créé, la seule exonération décidée étant alors celle portant sur l'outil professionnel, les lignes de titres n'étant pas considérées comme tel ;

- au printemps 1982, par décision ministérielle, l'IGF sur les biens professionnels, définis comme la possession de plus de 25 % des lignes de titres et l'exercice d'activités dirigeantes, a été suspendue. Mes interrogations ont commencé à naître : qu'en était-il de la réduction des inégalités souhaitée ? Qu'en était-il d'une meilleure allocation des actifs alors que l'on mettait en place une série d'exonérations ou d'abattements ? Il ne restait qu'une correction à la marge des imperfections de l'impôt sur le revenu ;

- en 1988, dès le début de la législature, la question de la restauration d'un impôt sur la fortune a été débattue. J'étais alors conseiller fiscal du Premier ministre, Michel Rocard. Nous avions fait un sondage auprès des entreprises pour connaître le taux maximal supportable sans abattement ou exonération - en particulier des biens professionnels. Il est apparu que ce taux était de 0,3 % mais le Premier ministre n'a pas souhaité le retenir car, du fait même de sa faiblesse, il aurait vite été majoré. Compte tenu du caractère pluriel de la majorité à l'époque, le Gouvernement a concédé à la fois des taux élevés et un plafonnement de l'impôt en fonction des revenus - afin que personne ne paie les taux affichés. Ceci était un compromis pour le moins insatisfaisant car un impôt sur le stock plafonné en fonction du flux n'a pas de sens. Ce jour là, j'ai cessé de croire à l'utilité de l'ISF.

Quelle contrepartie faudrait-il trouver à une éventuelle suppression de cet impôt ? Ma première remarque est que cette compensation doit concerner les seuls contribuables auparavant soumis à cet impôt. Ma seconde remarque rejoint les débats actuels sur la création ou non d'une tranche marginale d'impôt sur le revenu. Le problème de l'impôt sur la fortune pour les plus riches n'est pas tant le taux que l'assiette. Par exemple, comment prendre en compte l'inflation s'agissant des coupons obligataires, ou, s'agissant des dividendes, le montant payé d'impôt sur les sociétés ?

Le vrai problème d'assiette concerne les revenus non distribués : contrairement à ceux qui militent pour une moindre taxation des revenus non distribués, je crois que le régime d'imposition de ces derniers devrait être revu à la hausse. Les patrimoines les plus importants comportent de nombreux dividendes qui ne sont pas versés à leurs détenteurs - qui n'en ont pas besoin - et qui sont laissés dans des structures intermédiaires. Il me semble qu'il devrait y avoir une taxation sur ce stock de capital financier, soit de manière forfaitaire comme le font les Néerlandais, soit au réel en fonction de l'accroissement de la valeur annuelle de ce stock. Dans cette hypothèse, l'imposition des plus riches serait effective.

Thomas Piketty pense avoir résolu le problème car il taxe des contribuables virtuels...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion