a précisé que son intervention serait axée autour de trois points. Tout d'abord, les progrès réalisés en Europe et en France en matière de croissance et d'emploi. Ensuite, les défis que doivent maîtriser la France et l'Europe. Enfin, les priorités du prochain cycle de la stratégie de Lisbonne.
S'agissant des résultats économiques de l'Europe, M. Günter Verheugen a rappelé que celle-ci vacillait entre l'euphorie et la crise. Soulignant que, si au début de l'année, on pouvait espérer une croissance stable et durable, les taux de croissance étant très élevés, le chômage reculant et des gains de productivité élevés étant enregistrés, il a constaté que l'économie européenne restait dépendante des évolutions dans le reste du monde et, notamment pour les marchés financiers, des États-Unis. Il a regretté que la crise des marchés financiers soit le résultat des pratiques menées par des banquiers cupides qui avaient vendu des produits douteux présentant de grands dangers pour l'économie mondiale. Il a déploré que l'incidence de ces dysfonctionnements du système financier allait maintenant se répercuter sur les économies, les perspectives de croissance pour 2007 - et surtout pour 2008 - devant être revues à la baisse.
a indiqué que, pour autant, la situation en Europe s'était nettement améliorée par rapport au passé, la croissance et l'emploi étant plus élevés, la productivité s'étant accrue, mais que l'objectif devait toujours être celui de parvenir à faire de l'Europe l'économie la plus performante au monde. Il a précisé que la recherche de la performance ne devait cependant pas être une fin en soi, le modèle social européen devant être préservé dans la mondialisation. Il a insisté sur la nécessité de créer des emplois de plus grande qualité, ces emplois devant être pérennisés.
Il s'est interrogé sur les raisons de cette amélioration de la situation économique en Europe, précisant que les économistes avançaient des causes cycliques ou conjoncturelles. Il a ajouté que la demande en provenance des marchés asiatiques en plein essor était très forte, mais que la croissance du marché intérieur avait aussi été soutenue par la demande des nouveaux États membres d'Europe centrale. La France profitant ainsi largement de ce dernier élargissement, il a estimé que ce constat devait être porté à la connaissance de l'opinion publique française, très sceptique face aux nouveaux États membres.
a souligné la forte stabilité macroéconomique de l'Europe - stabilité qu'elle n'avait jamais connue auparavant - grâce à la décision de l'Allemagne et de la France de faire l'euro. Il a affirmé que l'euro avait été très bénéfique pour l'économie européenne, même si tous les consommateurs ne partageaient pas nécessairement cet avis, insistant sur le fait que, grâce à la stabilité budgétaire, la monnaie européenne était protégée des attaques externes. Il a concédé que l'euro était une monnaie forte, même trop forte pour certains. L'Europe n'ayant pas de gouvernement économique, il a estimé que la stratégie de Lisbonne était d'autant plus nécessaire au maintien de cette stabilité. Il a regretté que l'Europe n'ait pas une politique économique commune alors qu'on aurait pu l'imaginer il y a trente-cinq ans lorsqu'on parlait de la communauté économique européenne. La seule solution pour remédier à cette situation était de coordonner le plus efficacement possible les politiques nationales.
Estimant que la stratégie de Lisbonne était un concept politique qui remplaçait le concept français de gouvernement économique, M. Günter Verheugen a indiqué que les lignes directrices intégrées étaient les instruments disponibles qui permettaient de coordonner les politiques économiques nationales, aussi bien au plan macroéconomique ou microéconomique qu'en termes d'emplois. Il a précisé que ces orientations servaient d'abord à la mise au point des plans nationaux de réforme (PNR), de plus en plus sérieux, après trois années de pratique, ajoutant qu'elles servaient aussi à définir le contenu du plan communautaire de réforme qui encadre toute l'action européenne. Précisant que le système de contrôle était basé sur le partenariat entre les États et la Commission européenne, il a indiqué que le rôle de la Commission n'était pas de fixer aux États la marche à suivre, mais plutôt d'aider les États à mettre en oeuvre les réformes qui leur étaient nécessaires.
a constaté que ces orientations étaient maintenant acceptées dans les États membres, comme le montrait l'importance des thèmes de la formation initiale ou continue, de la recherche et du développement, de l'innovation, des mesures en faveur des petites et moyennes entreprises (PME), de la protection de la propriété intellectuelle, de la politique de l'énergie ou de la lutte contre le changement climatique. Sans vouloir faire de l'autosatisfaction, il s'est félicité que le retard de compétitivité vis-à-vis des États-Unis se réduise grâce à toute une série de mesures, comme celles prises par exemple en France en vue de permettre un meilleur accès des PME aux marchés publics ou la création de pôles de compétitivité, qui avaient contribué à faire baisser le chômage d'un point en France en un an.
n'a pas pour autant éludé les mauvaises nouvelles, soulignant que le retard de productivité par rapport aux États-Unis restait très important avec une différence de 35 %. Il a observé que cela s'expliquait par une autre conception de la vie en Europe, les Européens n'étant pas prêts à sacrifier leurs vacances comme les Américains. Plus préoccupant, les Européens étaient loin de dépenser, comme les américains, trois points de leur produit intérieur brut (PIB) pour la recherche et le développement. Il a regretté que l'Union européenne n'ait toujours pas de brevet communautaire, outil incontournable pour renforcer la productivité de l'économie européenne. Enfin, il a indiqué que, s'agissant de la France, trois objectifs lui paraissaient importants, à savoir la soutenabilité des finances publiques, le renforcement de la compétitivité, notamment des services publics, et la modernisation du marché de l'emploi.
a estimé que des efforts devront être fournis dans quatre domaines dans les trois années à venir. Il a tout d'abord cité l'innovation, la mondialisation de la concurrence obligeant les européens à fournir des efforts particuliers dans ce domaine. L'Europe ne voulait et ne pourrait pas protéger ses entreprises de cette concurrence. Pour rester compétitifs dans le cadre de la concurrence internationale, il convenait non pas d'offrir des prix ou des salaires plus bas, mais des produits de meilleure qualité, une telle exigence ne pouvant être atteinte sans rester à la pointe du progrès technique et technologique, ce qui supposait d'atteindre par ailleurs une plus grande efficacité énergétique.
Il a ensuite abordé la situation des PME placées, ces dernières années, au centre de la politique européenne, question qui tient particulièrement à coeur à la France et à son Président de la République. Il a rappelé que les plus grandes réserves de croissance en Europe se trouvaient dans ses 24 millions de PME qui comptaient chacune moins de 250 employés, employaient les deux tiers de tous les salariés européens et constituaient 99 % des entreprises européennes. Plus de la moitié des PME employant moins de dix personnes, il a souligné que l'emploi moyen en Europe dépendait donc d'une PME traditionnelle et familiale, dont l'objectif principal est la garantie de ses revenus alors que, aux États-Unis, l'objectif principal des entreprises est la croissance.
Il a indiqué que la Commission européenne avait décidé aujourd'hui de mettre plus particulièrement l'accent sur les PME dans son document stratégique à la suite d'une demande du Président français. Pour la première fois, la Commission avait annoncé qu'elle était prête à discuter d'une directive pour les PME en Europe. Il a salué cette initiative, qui devrait faire l'objet de propositions d'ici la fin de l'année. Il a précisé que les PME européennes détenaient 43 % des marchés publics, bien plus que les PME américaines. Il a estimé que la démarche américaine correspondante semblait trop orientée et trop limitée. Il a ajouté que les règles destinées à faciliter le développement des PME -comme les moyens de financement- ne devraient pas être fixées au niveau européen, mais au niveau national.
a ensuite indiqué souscrire totalement aux préoccupations françaises relatives aux aspects externes de la politique économique européenne, l'intérêt de l'Europe devant prévaloir avant tout. Il s'est déclaré favorable aux marchés ouverts et à un commerce international libre, sous certaines conditions, notamment celle tendant à lier l'ouverture des marchés à l'exigence d'une concurrence équitable. Il a rappelé les deux conceptions régnant actuellement à cet égard. La première préconise l'obtention des plus bas prix possibles à la consommation, quelle que soit l'origine ou la qualité des produits, afin de favoriser l'épargne en Europe et le réinvestissement des revenus disponibles dans d'autres secteurs de l'économie. Les faits montrent que cette doctrine économique simpliste ne fonctionne pas. La seconde est favorable au maintien d'une base industrielle en Europe pour garder des emplois stables et une vie sociale apaisée. Il convient ainsi de s'interroger sur les effets de la mondialisation sur l'industrialisation et sur l'emploi en Europe.
a estimé que les conflits entre les pays européens tenaient en fait à la différence entre ceux qui n'ont plus de bases industrielles saines et ceux qui disposent encore d'une industrie, comme la France et l'Allemagne, ajoutant que les conflits entre ces deux groupes de pays ne pouvaient être surmontés qu'à partir du moment où les pays s'entendaient sur l'intérêt européen. Prenant en exemple le cas de l'industrie chimique, qui ne présente pas d'intérêt majeur pour les pays non industriels, il a insisté sur le fait qu'elle devait néanmoins être considérée par ceux-ci comme une industrie européenne, de même que l'industrie automobile ou aéronautique, quels que soient les sites d'implantation. Il a souligné la nécessité de protéger ces industries face à des pays qui ne pratiquent pas des règles commerciales équitables, car défendre ses intérêts et ses droits ne pouvait être taxé de protectionnisme. Il a jugé nécessaire d'arrêter une définition commune de l'intérêt économique.
a indiqué que dans une récente affaire de dumping commercial portant sur l'importation de lampes à économie d'énergie fabriquées en Chine par des entreprises européennes, il n'avait pas voulu céder, au sein de la Commission, à la pression exercée pour refuser le bénéfice de la protection communautaire au seul fabriquant européen qui n'avait pas suivi ses concurrents en Chine car cela aurait eu pour effet de le pénaliser. Dans cet exemple, la vie et le destin de milliers de personnes qui perdaient leur emploi étaient en cause. Il a demandé à la France de faire entendre sa voix dans cette discussion et a souhaité pouvoir compter sur son appui. M. Günter Verheugen a ajouté que la politique commerciale n'était pas un instrument de politique étrangère ou de politique de développement. La réciprocité totale doit être la règle dans les relations commerciales internationales, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Il a estimé impératif d'exiger de nos concurrents, s'ils ont accès au marché européen, des avantages réciproques, justifiant cette exigence par la défense légitime des droits des entreprises européennes et réfutant le terme de protectionnisme.
Dans ce contexte, la défense de la propriété intellectuelle est insuffisamment assurée face à la piraterie et à la contrefaçon et il convient de veiller à ce que les biens des entreprises européennes ne soient pas usurpés dans le cadre de la recherche et de l'innovation. Il faut résister à ceux qui mettent les entrepreneurs européens sous pression pour bénéficier de leur savoir-faire ou exigent le transfert de technologies comme préalable à l'ouverture de sites industriels sur leur territoire. Cette pression est très dangereuse pour les entreprises européennes.
Enfin, M. Günter Verheugen a indiqué qu'un dernier aspect de la stratégie de Lisbonne tenait à l'énergie et à la lutte contre le changement climatique. Il a souligné que pendant longtemps compétitivité, énergie et environnement avaient été séparés alors que ces trois aspects étaient imbriqués. Il s'est félicité que la Commission européenne ait fait des propositions récentes en matière d'énergie, notamment au regard du découplage des activités de production et de transport sur les marchés de l'électricité et du gaz. Il a jugé ces mesures nécessaires pour permettre à l'industrie européenne de disposer de prix de l'énergie plus avantageux et de rester ainsi en Europe, ajoutant que les préoccupations de la Commission relatives à l'efficacité énergétique correspondaient à celles de la future présidence française dont il a précisé attendre beaucoup.