a évoqué à son tour les différentes questions dominantes au moment où s'ouvre la révision du concept stratégique de l'OTAN, en soulignant qu'elles étaient en grande partie liées entre elles.
La première porte sur la poursuite de la politique d'élargissement, qui a été engagée dès la fin de la guerre froide et a contribué à stabiliser l'Europe centrale et orientale. L'article 10 du traité de Washington limite l'adhésion de nouveaux membres aux Etats européens, mais on peut se demander si les difficultés suscitées par les candidatures de la Géorgie et de l'Ukraine ne conduiront pas à rechercher une formule plus souple d'élargissement, au travers du développement des partenariats. Ces partenariats associent actuellement des acteurs aussi divers que les pays neutres européens, les pays d'Asie centrale, de la rive sud de la Méditerranée ou du Golfe, ou encore le Japon, la Corée ou la Nouvelle-Zélande. Ils contribuent utilement à promouvoir l'interopérabilité et des coopérations concrètes, par exemple pour la facilitation du transit aérien. Il faudra cependant veiller à ce que la multiplication des partenariats n'encourage pas la dérive vers une « Alliance globale » qui se poserait en « Communauté des démocraties » et risquerait d'accentuer les clivages avec les pays du sud ou la Chine, tout en affaiblissant la spécificité de la politique européenne de sécurité et de défense.
Le rétablissement d'une relation confiante avec la Russie constituera un second enjeu. L'Alliance dispose à cet effet, avec le Conseil OTAN-Russie, d'un instrument qui a relativement bien fonctionné jusqu'à la crise géorgienne.
En ce qui concerne l'organisation interne de l'Alliance, dont la réforme devrait conduire à un allégement et à un aménagement de structures aujourd'hui reconnues comme obèses, l'assouplissement de la règle du consensus avait été évoqué par certains à Washington. Le Shape souhaiterait notamment être en mesure de contourner certains blocages dans le processus de décision. Il est toutefois peu probable qu'un accord se dégage au sein de l'Alliance pour remettre en cause les règles actuelles. En tout état de cause, il paraît essentiel de garantir le contrôle des nations sur les décisions, y compris celles relatives aux dépenses communes, ayant un impact sur leur contribution financière.
Le débat sur la relation OTAN-Union européenne porte moins sur l'existence d'une politique européenne de sécurité et de défense, qui est aujourd'hui pleinement acceptée et peut s'appuyer sur les accords « Berlin plus », que sur la coordination, dans les opérations de stabilisation, entre l'action militaire de l'Alliance et les éventuelles contributions de l'Union européenne, notamment en matière de stabilisation, de reconstruction et de développement. Il s'agit d'assurer cette coordination au niveau et de la manière appropriés pour éviter que l'Union européenne, à travers les fonds de la Commission, soit reléguée au rôle de simple agence civile au service de l'OTAN.
S'agissant de la doctrine nucléaire de l'OTAN, M. Benoît d'Aboville a estimé qu'il n'existait guère d'appétence au sein de l'OTAN pour ouvrir le débat sur cette question, en dehors de la question d'un possible retrait de celles des armes nucléaires américaines encore stationnées chez quelques alliés. Le problème ne concerne pas directement la France. Le rôle de sa force de dissuasion indépendante à l'égard de la sécurité de l'Alliance a été reconnu par la déclaration d'Ottawa en 1974 et dans le concept stratégique de 1999. Toutefois, les débats sur le nucléaire militaire en général pourraient être influencés par la préparation de la prochaine conférence d'examen du traité de non prolifération, en 2010. Certains alliés entendent s'y montrer actifs, notamment l'Allemagne.
a ensuite abordé les interrogations concernant l'article 5 du traité de Washington et la place de la défense collective au sein de l'Alliance. Il a rappelé que l'article 5 n'induisait aucune automaticité, qu'il avait été invoqué pour la première fois par les alliés européens au lendemain des attaques du 11 septembre 2001 et que les Etats-Unis n'avaient donné suite à ce qui fut essentiellement un geste de solidarité politique que quelques jours plus tard seulement. Il a estimé que la crise géorgienne avait toutefois soulevé la question du niveau de garantie susceptible d'être apporté par l'Alliance par une extension de nature politique du concept de l'article 5, certains semblant considérer qu'il pourrait implicitement s'étendre aux pays partenaires, comme on l'avait vu au moment de la crise de Géorgie. De même, il convient de se demander s'il est possible et souhaitable d'inclure dans la garantie de défense collective des menaces telles que celles intéressant la protection civile, les catastrophes climatiques, les cyber attaques ou la rupture des approvisionnements énergétiques. Une telle extension du champ de compétences de l'OTAN, actuellement dépourvue de capacités dans ces domaines, ne manquerait pas de provoquer des chevauchements avec d'autres organisations, notamment l'Union européenne.
D'une manière générale il existait un risque, par extension du champ des débats de l'Alliance, de transformer celle-ci en un forum politique sans prolongements concrets, voire une « Alliance à deux vitesses » dans laquelle seuls quelques Etats assumeraient un rôle militaire.
En conclusion, M. Benoît d'Aboville a estimé qu'une implication pleine et entière de la France dans l'OTAN y renforcerait son poids politique, même si elle dispose déjà des moyens de peser sur l'orientation du futur concept stratégique.