La commission a procédé à l'audition de MM. Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), Benoît d'Aboville, conseiller-maître à la Cour des comptes, ancien ambassadeur et Représentant permanent à l'OTAN, et Etienne de Durand, directeur du Centre des études de sécurité de l'Institut français des relations internationales (IFRI), sur les perspectives de l'OTAN et la révision de son concept stratégique.
a rappelé que, lors du sommet de Strasbourg et Kehl, les 3 et 4 avril prochains, l'OTAN devrait lancer le processus de révision de son concept stratégique. Il a souligné la nécessité pour la France de faire valoir, dans ce débat, sa propre vision du rôle de l'Alliance, de son fonctionnement et de son avenir dans un environnement international et sécuritaire très évolutif.
Il a remercié de leur présence MM. Camille Grand, Benoît d'Aboville et Etienne de Durand qui ont participé, au cours de l'automne dernier, à un cycle de séminaires organisé à Washington par quatre « think tanks » américains et destiné à alimenter la réflexion sur les perspectives de l'OTAN. Il a souhaité qu'ils exposent devant la commission les principaux enjeux de la révision du concept stratégique de l'Alliance, notamment en ce qui concerne les missions de l'organisation, ses règles de fonctionnement interne, la politique d'élargissement, les relations OTAN-Union européenne et le partenariat avec la Russie.
a indiqué que le cycle de conférences organisé cet automne à Washington par la National Defence University, l'Université John Hopkins, l'Atlantic Council et le Center for Strategic and International Studies (CSIS), bien que se situant en amont du lancement de la révision du concept stratégique de l'OTAN, avant même la mise en place de la nouvelle administration américaine, était apparu comme un élément important dans la perspective des débats à venir. C'est pourquoi plusieurs pays européens, dont la France, avaient souhaité pouvoir y être associés, à travers la participation de certains de leurs experts.
Au cours de ces réunions, un très large consensus s'est établi sur la nécessité de réviser le concept stratégique de l'OTAN. Le document actuel, qui fixe la doctrine politico-militaire de l'Alliance, a été élaboré en 1999 avant l'intervention au Kosovo. Les événements du 11 septembre 2001, l'opération en Afghanistan et l'élargissement de l'Alliance sont autant de raisons qui militent pour son actualisation. Cela ne signifie pas pour autant qu'il sera facile d'accorder les visions parfois différentes des Etats membres. A l'approche « révisionniste », qui plaide pour une profonde refonte du concept stratégique s'oppose une approche « conservatrice » qui considère que le document actuel reste globalement d'actualité et ne mérite que des ajustements limités.
a indiqué que indépendamment des décisions qu'elle prendrait concernant sa position dans l'OTAN, la France serait appelée à participer à l'élaboration du nouveau concept stratégique, comme elle l'avait fait en 1999.
Il a estimé que les réunions de Washington avaient démontré la profondeur du débat aux Etats-Unis d'Amérique, aucune question n'étant écartée a priori, notamment sur la pertinence de l'Alliance et son utilité pour la politique américaine. Il s'est néanmoins déclaré frappé par l'expression d'une forte volonté américaine de renouer avec l'Europe et de renforcer le lien transatlantique. La nouvelle administration paraît déterminée à s'investir dans une relation structurée avec les Européens, y compris hors du strict cadre de l'OTAN, sous la forme de relations directes entre les Etats-Unis et l'Union européenne.
a estimé que les réunions de Washington avaient témoigné d'une réflexion dense et fertile quoiqu'encore largement inaboutie. Une réelle opportunité s'offre donc aux Européens pour influer sur un processus qui prendra vraisemblablement dix-huit mois à deux ans. L'ambition affichée est de parvenir à un texte de nature politique redéfinissant le message que l'Alliance entend adresser au reste du monde et à ses propres membres. Les partisans d'une révision a minima voudront éviter de rouvrir l'ensemble des sujets et se limiter à tenir compte des dernières évolutions, notamment les opérations en Afghanistan. Les tenants d'une approche plus ambitieuse soutiendront une OTAN au rôle plus global s'impliquant, par exemple, dans la prise en compte des nouvelles menaces comme la rupture des approvisionnements énergétiques ou les cyber attaques. Il importera, pour la France, d'être attentive et vigilante quant aux propositions qui seront émises, mais également d'être elle-même en mesure de peser sur l'élaboration de ce nouveau concept stratégique, ce qui suppose au préalable qu'elle se dote d'une vision claire du rôle qu'elle souhaite pour l'OTAN.
a ensuite cité les principales questions qui devraient être au centre des débats sur le futur concept stratégique.
L'OTAN devra s'interroger sur la nature et le degré de difficulté des opérations qu'elle entend être capable de conduire.
Elle devra définir ses relations avec l'Union européenne, la politique européenne de sécurité et de défense ne soulevant pratiquement plus d'objection aujourd'hui aux Etats-Unis.
Il faudra trouver un équilibre sur la question du voisinage proche, qui donne lieu à des divergences entre alliés européens, certains continuant de percevoir la Russie comme une menace alors que d'autres, comme la France et l'Allemagne, soutiennent une approche plus coopérative.
La signification de l'article 5 du traité de Washington, qui traduit la solidarité entre Etats membres en cas d'agression, pourrait faire l'objet de discussions, certains alliés souhaitant en faire préciser la portée.
La nécessité de réformer l'Alliance sera préconisée par les pays tels que le Royaume-Uni, la France, le Danemark ou les Pays-Bas, désireux d'alléger une organisation beaucoup trop bureaucratique à leurs yeux.
Enfin, la révision du concept stratégique sera l'occasion de s'interroger sur la doctrine nucléaire de l'Alliance et sur le stationnement d'armes nucléaires américaines en Europe. Ce débat pourrait avoir des incidences indirectes pour la France, bien qu'elle ne participe pas à la politique nucléaire de l'OTAN.
a évoqué à son tour les différentes questions dominantes au moment où s'ouvre la révision du concept stratégique de l'OTAN, en soulignant qu'elles étaient en grande partie liées entre elles.
La première porte sur la poursuite de la politique d'élargissement, qui a été engagée dès la fin de la guerre froide et a contribué à stabiliser l'Europe centrale et orientale. L'article 10 du traité de Washington limite l'adhésion de nouveaux membres aux Etats européens, mais on peut se demander si les difficultés suscitées par les candidatures de la Géorgie et de l'Ukraine ne conduiront pas à rechercher une formule plus souple d'élargissement, au travers du développement des partenariats. Ces partenariats associent actuellement des acteurs aussi divers que les pays neutres européens, les pays d'Asie centrale, de la rive sud de la Méditerranée ou du Golfe, ou encore le Japon, la Corée ou la Nouvelle-Zélande. Ils contribuent utilement à promouvoir l'interopérabilité et des coopérations concrètes, par exemple pour la facilitation du transit aérien. Il faudra cependant veiller à ce que la multiplication des partenariats n'encourage pas la dérive vers une « Alliance globale » qui se poserait en « Communauté des démocraties » et risquerait d'accentuer les clivages avec les pays du sud ou la Chine, tout en affaiblissant la spécificité de la politique européenne de sécurité et de défense.
Le rétablissement d'une relation confiante avec la Russie constituera un second enjeu. L'Alliance dispose à cet effet, avec le Conseil OTAN-Russie, d'un instrument qui a relativement bien fonctionné jusqu'à la crise géorgienne.
En ce qui concerne l'organisation interne de l'Alliance, dont la réforme devrait conduire à un allégement et à un aménagement de structures aujourd'hui reconnues comme obèses, l'assouplissement de la règle du consensus avait été évoqué par certains à Washington. Le Shape souhaiterait notamment être en mesure de contourner certains blocages dans le processus de décision. Il est toutefois peu probable qu'un accord se dégage au sein de l'Alliance pour remettre en cause les règles actuelles. En tout état de cause, il paraît essentiel de garantir le contrôle des nations sur les décisions, y compris celles relatives aux dépenses communes, ayant un impact sur leur contribution financière.
Le débat sur la relation OTAN-Union européenne porte moins sur l'existence d'une politique européenne de sécurité et de défense, qui est aujourd'hui pleinement acceptée et peut s'appuyer sur les accords « Berlin plus », que sur la coordination, dans les opérations de stabilisation, entre l'action militaire de l'Alliance et les éventuelles contributions de l'Union européenne, notamment en matière de stabilisation, de reconstruction et de développement. Il s'agit d'assurer cette coordination au niveau et de la manière appropriés pour éviter que l'Union européenne, à travers les fonds de la Commission, soit reléguée au rôle de simple agence civile au service de l'OTAN.
S'agissant de la doctrine nucléaire de l'OTAN, M. Benoît d'Aboville a estimé qu'il n'existait guère d'appétence au sein de l'OTAN pour ouvrir le débat sur cette question, en dehors de la question d'un possible retrait de celles des armes nucléaires américaines encore stationnées chez quelques alliés. Le problème ne concerne pas directement la France. Le rôle de sa force de dissuasion indépendante à l'égard de la sécurité de l'Alliance a été reconnu par la déclaration d'Ottawa en 1974 et dans le concept stratégique de 1999. Toutefois, les débats sur le nucléaire militaire en général pourraient être influencés par la préparation de la prochaine conférence d'examen du traité de non prolifération, en 2010. Certains alliés entendent s'y montrer actifs, notamment l'Allemagne.
a ensuite abordé les interrogations concernant l'article 5 du traité de Washington et la place de la défense collective au sein de l'Alliance. Il a rappelé que l'article 5 n'induisait aucune automaticité, qu'il avait été invoqué pour la première fois par les alliés européens au lendemain des attaques du 11 septembre 2001 et que les Etats-Unis n'avaient donné suite à ce qui fut essentiellement un geste de solidarité politique que quelques jours plus tard seulement. Il a estimé que la crise géorgienne avait toutefois soulevé la question du niveau de garantie susceptible d'être apporté par l'Alliance par une extension de nature politique du concept de l'article 5, certains semblant considérer qu'il pourrait implicitement s'étendre aux pays partenaires, comme on l'avait vu au moment de la crise de Géorgie. De même, il convient de se demander s'il est possible et souhaitable d'inclure dans la garantie de défense collective des menaces telles que celles intéressant la protection civile, les catastrophes climatiques, les cyber attaques ou la rupture des approvisionnements énergétiques. Une telle extension du champ de compétences de l'OTAN, actuellement dépourvue de capacités dans ces domaines, ne manquerait pas de provoquer des chevauchements avec d'autres organisations, notamment l'Union européenne.
D'une manière générale il existait un risque, par extension du champ des débats de l'Alliance, de transformer celle-ci en un forum politique sans prolongements concrets, voire une « Alliance à deux vitesses » dans laquelle seuls quelques Etats assumeraient un rôle militaire.
En conclusion, M. Benoît d'Aboville a estimé qu'une implication pleine et entière de la France dans l'OTAN y renforcerait son poids politique, même si elle dispose déjà des moyens de peser sur l'orientation du futur concept stratégique.
a rappelé le contexte dans lequel avait été élaboré le concept stratégique de 1999. L'Alliance venait de s'engager dans le conflit yougoslave. Elle avait en grande partie démantelé les structures mises en place durant la guerre froide, notamment les grandes unités permanentes positionnées sur le théâtre européen, et voyait son nouveau rôle comme celui d'une « boîte à outils » militaire pour des opérations de stabilisation. Elle s'apprêtait à accueillir les pays d'Europe centrale et orientale qui, de manière quelque peu paradoxale, étaient quant à eux essentiellement motivés par leur expérience de la guerre froide et la garantie de défense collective. Les esprits étaient fortement préoccupés par les risques de découplage et de « gap » technologique avec les Etats-Unis. Ces derniers n'acceptaient que du bout des lèvres une identité européenne de défense et de sécurité au sein de l'OTAN.
La situation est aujourd'hui très différente. Les événements du 11 septembre 2001 ont changé les perceptions de la menace. L'Alliance s'est élargie et le conflit russo-géorgien ravive les préoccupations liées à la défense territoriale. L'affaiblissement relatif des Etats-Unis sur la scène internationale les encourage à un plus grand réalisme stratégique sur le plan militaire et à une approche plus multilatérale sur le plan politique. La politique européenne de sécurité et de défense est aujourd'hui pleinement acceptée à Washington. Une véritable opportunité se présente pour redéfinir le concept stratégique de l'OTAN.
a considéré que le futur concept stratégique ne devrait pas remettre en cause la double nature, politique et militaire, de l'Alliance. S'agissant de son périmètre géographique, il lui a paru opportun de continuer de le limiter à la seule zone euro-atlantique, faute de quoi la garantie de sécurité représentée par l'article 5 perdrait en crédibilité. Toutefois, cette garantie concerne les attaques contre un Etat membre, d'où qu'elles viennent, sans se limiter à l'hypothèse « historique » d'une invasion armée. De fait, pour rester utile aux yeux des Etats-Unis, l'OTAN ne peut se limiter à la seule défense territoriale de ses membres, et le principe de l'intervention hors zone a déjà été largement avalisé au cours de la dernière décennie, avec les opérations en Bosnie, au Kosovo et surtout en Afghanistan.
En ce qui concerne l'élargissement de l'Alliance, M. Etienne de Durand a estimé que sa poursuite en direction de l'Ukraine et de la Géorgie paraissait, en l'état actuel de la situation de ces pays, inopportune et risquée. Ce sujet divise les Alliés et il convient d'éviter que l'incorporation de nouveaux membres ne s'opère au détriment de la crédibilité de l'engagement de défense collective.
S'agissant du périmètre fonctionnel de l'Alliance, M. Etienne de Durand a estimé que celle-ci ne pouvait se limiter aux seules opérations militaires. Sans aller jusqu'à conduire des activités civiles, elle devra sans doute accentuer son implication dans les activités de formation des forces armées, à l'image des OMLT (Operational Mentor and Liaison Team) en Afghanistan, et réfléchir au recours à des forces de sécurité à statut militaire comme la gendarmerie. La tentation de développer des capacités civiles sera d'autant moins forte que l'Union européenne parviendra à optimiser ses interventions en la matière. Actuellement, l'Union européenne dépense fort mal son argent sur les théâtres d'opération, car ses instruments sont conçus pour des pays pacifiés. Se pose en outre la question des « niveaux d'ambition » (Levels of Ambition). Selon les documents actuels, l'OTAN devrait être théoriquement capable de conduire simultanément deux opérations majeures et six opérations de moindre importance, ce qui semble très au-delà de ses capacités réelles. Le futur concept stratégique devra préserver la valeur ajoutée de l'OTAN sur le plan militaire, tout en fixant des objectifs transparents et plus réalistes.
a ensuite indiqué que la réforme de l'Alliance constituerait également un enjeu important pour les années à venir. Beaucoup a déjà été fait dans l'adaptation des structures. Le nombre d'états-majors a été ramené de 65 à 11. Toutefois, aucun d'entre eux n'est déployable en opération et l'organisation reste marquée par une certaine obésité, nombre d'Etats membres étant réticents à remettre en cause une logique de répartition des postes inspirée par la gestion de carrière de leurs officiers. La poursuite de ces réformes amènera à s'interroger sur le développement de capacités collectives et sur l'avenir de la NRF (Nato Response Force) qui paraît étroitement corrélé avec le maintien de la crédibilité de l'article 5. Une refonte doctrinale semble également s'imposer, l'OTAN s'étant largement contentée jusqu'ici de retranscrire, souvent avec plusieurs années de décalage, les conceptions venues de l'armée américaine. De ce point de vue, l'attribution à un officier français du commandement pour la transformation (Allied Command Transformation - ACT) de Norfolk, évoquée dans la presse, représenterait une réelle opportunité.
En conclusion, M. Etienne de Durand a considéré qu'aucune révision ambitieuse du concept stratégique de l'Alliance n'était envisageable sans une implication forte des Etats-Unis. Ceux-ci pourraient cependant être tentés de privilégier leur préoccupation immédiate qui est l'Afghanistan. Il appartient donc aux autres pays, et en premier lieu à la France, de se mobiliser dans le sens de la réforme.
Il a également souligné que tous les pays européens avaient fait le choix du multilatéralisme en matière militaire, un clivage de plus en plus net apparaissant toutefois entre contributeurs actifs aux opérations et non-contributeurs passifs. L'Alliance comme la politique européenne de sécurité et de défense étaient, de ce point de vue, confrontées aux mêmes difficultés résultant du sous-investissement européen en matière de défense au cours des dernières années.
A la suite de ces interventions, M. Josselin de Rohan, président, s'est interrogé sur la possibilité de concilier les progrès de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) et le rôle de l'Alliance atlantique, comme l'avait souhaité le Président de la République. Il a notamment évoqué les réticences britanniques à tout développement important de la PESD, cette tendance pouvant s'accentuer en cas de victoire des conservateurs aux prochaines élections. Par ailleurs, il a souhaité savoir dans quelle mesure la dissuasion nucléaire française pourrait être concernée par les débats à venir sur la doctrine nucléaire de l'OTAN.
a estimé que dans la perspective de la prochaine conférence d'examen du Traité de Non Prolifération (TNP), la France pourrait être confrontée à des pressions en faveur du désarmement nucléaire. Toutefois, le débat devrait se dérouler essentiellement hors de l'enceinte de l'Alliance. S'agissant de l'avenir de la PESD, le fait que la France envisage de reprendre toute sa place au sein de l'OTAN est un signal politique très important pour ses partenaires européens, en permettant de lever la suspicion dont la France a été souvent l'objet en étant accusée de faire entrer la défense européenne en concurrence avec l'OTAN. Il reste en revanche à améliorer la coopération entre l'Alliance et l'Union européenne dans les opérations de stabilisation. A cet égard, il ne serait pas acceptable pour l'Union européenne de laisser la gestion de ses moyens civils sous la responsabilité de l'OTAN. La seule option qui s'ouvre pour garantir une véritable complémentarité entre l'OTAN et l'Union européenne est de doter cette dernière de structures aptes à devenir un véritable interlocuteur pour l'OTAN. En ce sens, la mise en place d'un centre de planification et de conduite d'opérations au sein de l'Union européenne devrait finir par s'imposer, y compris aux Britanniques.
a estimé que les avancées de la PESD au cours de ces dernières années étaient significatives, d'autant qu'il fallait les apprécier au regard d'une évolution d'à peine dix années depuis la déclaration de Saint-Malo. Même si ses capacités restent inférieures à celles de l'OTAN, l'Europe est devenue un acteur dans la gestion des crises, notamment dans son voisinage immédiat et en Afrique. L'ouverture nouvelle que la France a manifestée vis-à-vis de l'OTAN a effectivement levé certaines suspicions à son encontre et favorisé une décrispation quant au développement de la PESD. On le constate notamment avec l'implication de plusieurs pays d'Europe centrale et orientale dans des opérations européennes. Un changement de majorité au Royaume-Uni pourrait certes se traduire par une attitude plus fermée à l'encontre de l'Union européenne, mais l'expérience a démontré que c'est encore dans le domaine de la défense que les tendances eurosceptiques se manifestent le moins.
S'agissant du débat sur le désarmement nucléaire, M. Camille Grand a lui aussi estimé qu'il se déroulerait très largement hors de l'OTAN. Si l'administration américaine s'engageait dans une démarche de désarmement de grande ampleur, certaines pressions pourraient s'exercer sur la France pour qu'elle modifie sa posture. Le Président de la République a toutefois déjà annoncé des mesures en ce sens, le 21 mars 2008, dans son discours de Cherbourg qui comporte un important volet sur le désarmement.
a souligné l'intérêt politique du débat sur la révision du concept stratégique de l'OTAN mais il a regretté que les autorités françaises anticipent sur sa conclusion en envisageant dès à présent une modification de la position de la France dans l'Alliance. Il a précisé qu'il n'était pas a priori hostile à une telle modification, dès lors que le rôle de l'OTAN est préalablement redéfini et que l'existence d'un pilier européen disposant d'une réelle autonomie en matière de défense est explicitement reconnue. Il a cité les propos tenus l'an passé par M. Alain Juppé qui avait insisté sur la nécessité de ne pas dissocier une réintégration du commandement intégré de l'accomplissement de progrès dans l'affirmation des capacités de défense de l'Union européenne et qui, dans l'hypothèse inverse, avait évoqué le risque de conclure un marché de dupes.
a rappelé que la notion d'intégration avait pratiquement disparu avec la fin de la guerre froide et l'existence de grandes unités militaires prépositionnées face aux forces du Pacte de Varsovie. Il ne subsistait de l'intégration militaire que des états-majors ainsi qu'une organisation de la planification de défense, à laquelle certains Etats demeurent attachés, bien que son rôle soit aujourd'hui des plus réduits. Depuis le sommet de Prague en 2002, l'OTAN a mis l'accent sur sa vocation expéditionnaire et, s'agissant donc d'interventions sur des théâtres extérieurs, les contributions militaires fournies par chaque nation sont décidées au cas par cas sur la base du volontariat et réexaminées tous les six mois. Les principales incidences concrètes d'une participation pleine et entière de la France aux structures de l'OTAN porteraient sur la contribution française à certains budgets auxquels la France avait jusqu'ici, de par son absence de participation aux structures intégrées, décidé de ne pas contribuer et sur une implication plus forte de sa part dans les postes de commandement (la France dispose actuellement de 400 officiers au sein de l'OTAN). De ce fait, la position politique de la France dans l'Alliance se trouverait également renforcée.
a souhaité savoir si les réflexions préliminaires sur la révision du concept stratégique de l'OTAN avaient porté sur l'impact des évolutions démographiques et de la crise financière sur les politiques de défense des Etats membres. Elle s'est par ailleurs demandé si l'initiative de coopération d'Istanbul (ICI) lancée par l'OTAN en direction des pays du Golfe visait à contrecarrer l'influence de l'Iran.
a précisé que l'initiative de coopération d'Istanbul avait été initiée dans le contexte des projets de l'ancienne administration américaine pour la démocratisation du « grand Moyen-Orient ». Ce partenariat reste aujourd'hui modeste, d'autant que certains Etats membres comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont établi des relations bilatérales étroites avec les pays du Golfe. S'agissant de la crise financière, elle touche bien évidemment les budgets des Etats membres mais l'impact sur les budgets de défense devrait rester limité, compte tenu de leur contribution directe au soutien de l'activité économique.
a ajouté que l'un des enjeux d'avenir les plus importants pour l'OTAN résidait dans les enseignements qu'elle voudra tirer de la difficile expérience afghane. L'Alliance sera-t-elle prête à rééditer ce type d'opération très exigeante, alors même que beaucoup de pays émergents d'Afrique ou d'Asie sont extrêmement réticents vis-à-vis d'interventions extérieures sur leur continent ? Ce constat pourrait militer pour des formes d'intervention moins directes, à travers la formation et le conseil aux armées locales ou des concepts de type « Recamp » (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix).
a souligné la nécessité d'un rééquilibrage entre la capacité à assurer la mission de défense collective et les opérations expéditionnaires. La France comme le Royaume-Uni ont donné la priorité aux forces projetables en réduisant fortement le volume de leur armée qui se trouve désormais très réduit pour faire face à d'éventuelles menaces de haute intensité comme aux besoins en matière de contrôle de zone dans le cadre d'opérations de stabilisation.
a insisté sur la nécessité du maintien de la vocation militaire de l'OTAN, qui correspondait à son coeur de métier. Une dérive vers les missions civiles de stabilisation pourrait accentuer la disparité des capacités militaires des Etats membres, seuls certains d'entre eux, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, demeurant capables de mener des opérations de haute intensité.
s'est demandé si le déploiement en Europe d'éléments du système de défense antimissile américain et l'association éventuelle de l'OTAN à ce système pouvaient entraîner un certain affaiblissement du rôle de la dissuasion nucléaire.
a rappelé que l'on avait longtemps considéré en France que la défense antimissile était antinomique avec la dissuasion nucléaire, dont elle fragilisait la crédibilité. Ce débat est aujourd'hui dépassé. D'une part, la nécessité de protéger les forces déployées contre les missiles balistiques de théâtre n'est pas contestée. D'autre part, il existe un consensus pour considérer que la défense antimissile du territoire, telle que la conçoivent les Etats-Unis, ne modifie pas le rapport de dissuasion entre les grandes puissances nucléaires et se limite à la protection vis-à-vis d'arsenaux balistiques réduits, de l'ordre de quelques unités à une ou deux dizaines. Le président Chirac en 2006 comme le président Sarkozy en 2008 ont entériné cette évolution des esprits en déclarant que la défense antimissile pouvait utilement compléter la dissuasion nucléaire sans toutefois s'y substituer. Il serait difficile à l'OTAN de ne pas prendre en compte le développement de la prolifération balistique. Une approche coopérative avec la Russie est souhaitable et pourrait se concrétiser par des développements communs en matière d'alerte avancée et certaines mesures de confiance et de transparence sur les installations en Europe.
Par ailleurs, M. Camille Grand a jugé probable que le futur concept stratégique réaffirme le rôle des armes nucléaires dans la protection du territoire européen. La position française ne pourrait que s'en trouver confortée.
a ajouté que les experts s'accordent à considérer que le déploiement d'un troisième site antimissile américain en Europe ne menacerait en rien la Russie sur un plan technique et militaire. Il paraît en revanche clair qu'à travers l'installation sur leur sol d'éléments de ce système, les pays concernés recherchent avant tout une garantie politique de sécurité américaine face à la Russie ; c'est précisément ce « couplage » politique, concrétisé par le déploiement de systèmes et de personnels américains, que la Russie refuse.
a évoqué la perspective de discussions entre les Etats-Unis et la Russie sur l'élimination des armes nucléaires tactiques. Il a souhaité connaître la position de l'Allemagne sur le stationnement d'armes nucléaires américaines en Europe et il s'est demandé si la France avait intérêt à prendre position sur cette question. Par ailleurs, il a exprimé ses doutes profonds sur l'argument selon lequel une implication renforcée de la France dans l'OTAN lèverait les suspicions de nos partenaires et favoriserait le développement de la PESD. Il a observé que certains officiers français recherchaient dans l'OTAN une reconnaissance de la part des chefs militaires américains et il a souligné le risque, à travers l'intégration, d'un relâchement de l'effort national de défense et d'affaiblissement de notre posture. Enfin, il a souhaité des précisions sur le coût d'une modification de la position de la France dans l'OTAN.
a précisé que les Etats-Unis maintenaient quelques centaines d'armes nucléaires en Europe (Allemagne, Italie, Turquie, Royaume-Uni, Pays-Bas). La mission nucléaire est aujourd'hui résiduelle pour l'OTAN mais elle conserve une certaine importance dans la perspective d'une éventuelle remontée en puissance. La recherche d'économies de la part de l'US Air Force et les revendications de certaines forces politiques outre-Rhin pourraient se conjuguer et faire pression en faveur d'un retrait des armes nucléaires américaines d'Allemagne. L'intérêt de la France est que les conséquences à long terme de toute modification du dispositif nucléaire américain en Europe soient soigneusement évaluées.
a estimé que leur participation aux opérations, y compris aux postes de commandement, et leur insertion dans les états-majors, avaient déjà permis aux officiers français de se forger une vision réaliste de l'OTAN, de ses forces et de ses faiblesses. La puissance et la technologie militaire américaines demeuraient certes une référence pour les alliés de l'OTAN, mais contrairement aux années 1960 ou 1970, les Européens étaient à même de se forger leurs propres conceptions. S'agissant de la contribution financière de la France à l'OTAN, il a indiqué qu'elle se décomposait entre la participation au budget civil (y compris celle correspondant à la construction du nouveau siège), aux dépenses d'infrastructure communes et au budget des opérations. Ce dernier ne couvre que certaines dépenses financées en commun, l'essentiel de la charge des opérations étant supporté par chaque nation participante qui finance sa propre contribution en troupes et en matériels.
a précisé que, en 2009, la contribution française à l'OTAN, répartie entre les budgets de l'action extérieure et de la défense, s'élevait à 170 millions d'euros. A terme, une participation pleine et entière aux structures de l'Alliance devrait se traduire par un surcoût annuel de l'ordre de 85 millions d'euros, dont environ 80 millions d'euros pour les charges de personnels et le restant pour la participation à des programmes d'investissement actuellement facultatifs.
a soulevé la question des frontières de l'OTAN. Elle a souligné que les pays baltes comme les pays d'Europe centrale et orientale demeuraient préoccupés par l'attitude de la Russie, tout comme d'ailleurs la Finlande, non membre de l'OTAN. Elle a estimé qu'avec la persistance des « conflits gelés » en Transnistrie et dans le Caucase, mais également avec les incertitudes sur l'avenir de la Crimée, l'Europe était confrontée à une zone d'insécurité dans son voisinage immédiat.
a rappelé que la problématique des « conflits gelés » dans le Caucase n'avait pas échappé aux pays européens qui avaient, comme la France, déployé une action diplomatique dans le cadre de l'OSCE et du « Groupe de Minsk ». S'agissant des pays baltes, certains alliés, dont la France, ont assuré des missions de surveillance de l'espace aérien au profit de ces pays, dépourvus de forces aériennes. En ce qui concerne la Géorgie, la diplomatie a joué son rôle : la Russie avait accepté, dans le cadre de négociations bilatérales avec Tbilissi, il y a quelques années, de fermer ses bases en Géorgie. En août dernier, c'est l'Union européenne, sous présidence française, qui est intervenue pour faire cesser le conflit.
D'une manière plus générale, l'Union européenne devra inévitablement s'interroger un jour sur le degré de solidarité politique et militaire dont elle est prête à faire preuve à l'égard de ses membres.
a précisé que s'il lui paraissait actuellement inopportun de hâter l'adhésion à l'OTAN de l'Ukraine et de la Géorgie, il ne considérait cependant pas qu'une telle adhésion devait être nécessairement exclue à moyen et long terme. Il a rappelé que les nouveaux Etats membres exprimaient une attente très forte à l'égard de la garantie de défense collective et de sa crédibilité. Il a estimé d'autant plus nécessaire de conserver à la Nato Response Force (NRF) sa vocation initiale d'instrument rapidement déployable au service d'opérations de haute intensité : les pays d'Europe occidentale ne pouvaient pas à la fois geler l'élargissement et ne rien proposer aux alliés d'Europe orientale pour leur sécurité.
La commission a ensuite nommé rapporteurs :
sur le projet de loi n° 175 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public à la prise de décision et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement ;
sur le projet de loi n° 190 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ;
sur le projet de loi n° 191 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements ;
sur le projet de loi n° 1293 (AN-XIIIe législature) autorisant l'approbation des amendements aux articles 25 et 26 de la convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux ;
sur le projet de loi n° 1374 (AN-XIIIe législature) autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République du Monténégro, d'autre part ;
sur le projet de loi n° 1386 (AN-XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord sur l'enseignement bilingue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie.