a rappelé le contexte dans lequel avait été élaboré le concept stratégique de 1999. L'Alliance venait de s'engager dans le conflit yougoslave. Elle avait en grande partie démantelé les structures mises en place durant la guerre froide, notamment les grandes unités permanentes positionnées sur le théâtre européen, et voyait son nouveau rôle comme celui d'une « boîte à outils » militaire pour des opérations de stabilisation. Elle s'apprêtait à accueillir les pays d'Europe centrale et orientale qui, de manière quelque peu paradoxale, étaient quant à eux essentiellement motivés par leur expérience de la guerre froide et la garantie de défense collective. Les esprits étaient fortement préoccupés par les risques de découplage et de « gap » technologique avec les Etats-Unis. Ces derniers n'acceptaient que du bout des lèvres une identité européenne de défense et de sécurité au sein de l'OTAN.
La situation est aujourd'hui très différente. Les événements du 11 septembre 2001 ont changé les perceptions de la menace. L'Alliance s'est élargie et le conflit russo-géorgien ravive les préoccupations liées à la défense territoriale. L'affaiblissement relatif des Etats-Unis sur la scène internationale les encourage à un plus grand réalisme stratégique sur le plan militaire et à une approche plus multilatérale sur le plan politique. La politique européenne de sécurité et de défense est aujourd'hui pleinement acceptée à Washington. Une véritable opportunité se présente pour redéfinir le concept stratégique de l'OTAN.
a considéré que le futur concept stratégique ne devrait pas remettre en cause la double nature, politique et militaire, de l'Alliance. S'agissant de son périmètre géographique, il lui a paru opportun de continuer de le limiter à la seule zone euro-atlantique, faute de quoi la garantie de sécurité représentée par l'article 5 perdrait en crédibilité. Toutefois, cette garantie concerne les attaques contre un Etat membre, d'où qu'elles viennent, sans se limiter à l'hypothèse « historique » d'une invasion armée. De fait, pour rester utile aux yeux des Etats-Unis, l'OTAN ne peut se limiter à la seule défense territoriale de ses membres, et le principe de l'intervention hors zone a déjà été largement avalisé au cours de la dernière décennie, avec les opérations en Bosnie, au Kosovo et surtout en Afghanistan.
En ce qui concerne l'élargissement de l'Alliance, M. Etienne de Durand a estimé que sa poursuite en direction de l'Ukraine et de la Géorgie paraissait, en l'état actuel de la situation de ces pays, inopportune et risquée. Ce sujet divise les Alliés et il convient d'éviter que l'incorporation de nouveaux membres ne s'opère au détriment de la crédibilité de l'engagement de défense collective.
S'agissant du périmètre fonctionnel de l'Alliance, M. Etienne de Durand a estimé que celle-ci ne pouvait se limiter aux seules opérations militaires. Sans aller jusqu'à conduire des activités civiles, elle devra sans doute accentuer son implication dans les activités de formation des forces armées, à l'image des OMLT (Operational Mentor and Liaison Team) en Afghanistan, et réfléchir au recours à des forces de sécurité à statut militaire comme la gendarmerie. La tentation de développer des capacités civiles sera d'autant moins forte que l'Union européenne parviendra à optimiser ses interventions en la matière. Actuellement, l'Union européenne dépense fort mal son argent sur les théâtres d'opération, car ses instruments sont conçus pour des pays pacifiés. Se pose en outre la question des « niveaux d'ambition » (Levels of Ambition). Selon les documents actuels, l'OTAN devrait être théoriquement capable de conduire simultanément deux opérations majeures et six opérations de moindre importance, ce qui semble très au-delà de ses capacités réelles. Le futur concept stratégique devra préserver la valeur ajoutée de l'OTAN sur le plan militaire, tout en fixant des objectifs transparents et plus réalistes.
a ensuite indiqué que la réforme de l'Alliance constituerait également un enjeu important pour les années à venir. Beaucoup a déjà été fait dans l'adaptation des structures. Le nombre d'états-majors a été ramené de 65 à 11. Toutefois, aucun d'entre eux n'est déployable en opération et l'organisation reste marquée par une certaine obésité, nombre d'Etats membres étant réticents à remettre en cause une logique de répartition des postes inspirée par la gestion de carrière de leurs officiers. La poursuite de ces réformes amènera à s'interroger sur le développement de capacités collectives et sur l'avenir de la NRF (Nato Response Force) qui paraît étroitement corrélé avec le maintien de la crédibilité de l'article 5. Une refonte doctrinale semble également s'imposer, l'OTAN s'étant largement contentée jusqu'ici de retranscrire, souvent avec plusieurs années de décalage, les conceptions venues de l'armée américaine. De ce point de vue, l'attribution à un officier français du commandement pour la transformation (Allied Command Transformation - ACT) de Norfolk, évoquée dans la presse, représenterait une réelle opportunité.
En conclusion, M. Etienne de Durand a considéré qu'aucune révision ambitieuse du concept stratégique de l'Alliance n'était envisageable sans une implication forte des Etats-Unis. Ceux-ci pourraient cependant être tentés de privilégier leur préoccupation immédiate qui est l'Afghanistan. Il appartient donc aux autres pays, et en premier lieu à la France, de se mobiliser dans le sens de la réforme.
Il a également souligné que tous les pays européens avaient fait le choix du multilatéralisme en matière militaire, un clivage de plus en plus net apparaissant toutefois entre contributeurs actifs aux opérations et non-contributeurs passifs. L'Alliance comme la politique européenne de sécurité et de défense étaient, de ce point de vue, confrontées aux mêmes difficultés résultant du sous-investissement européen en matière de défense au cours des dernières années.