Intervention de Jean-Jacques Jégou

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 novembre 2009 : 1ère réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 — Examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis :

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Jacques Jégou sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (82, 2009-2010).

A titre liminaire, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, a insisté sur l'ampleur des déficits de la sécurité sociale et les projections très inquiétantes d'évolution de ceux-ci dans les années à venir.

La sécurité sociale subit, en effet, de plein fouet la dégradation de la conjoncture. En 2009, le déficit du régime général devrait s'élever à 22,7 milliards d'euros, soit un doublement par rapport à 2008. En tendance, il devrait encore croître de 10,9 milliards d'euros en 2010 pour atteindre 33,6 milliards d'euros, soit un triplement par rapport à 2008. La sécurité sociale enregistrera ainsi en 2009 et 2010 des déficits jamais atteints. Toutes les branches repasseront « dans le rouge » et l'assurance maladie deviendra à nouveau la branche la plus déficitaire, interrompant le redressement progressif engagé depuis 2004.

Ces déficits historiques sont en majeure partie la conséquence du ralentissement brutal des recettes. Ainsi le déficit lié à la crise représentera près de 65 % du déficit du régime général en 2009 et deux tiers de ce déficit en 2010, hors impact des mesures du projet loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2010.

Mais la crise ne doit pas faire perdre de vue les causes structurelles du déficit du régime général qui préexistait à la dégradation du contexte économique observée depuis 2008. C'est en effet avec un handicap structurel de près de 9,5 milliards d'euros que notre système de protection sociale a dû affronter la crise. Ce déficit structurel devrait passer à 11,4 milliards d'euros en 2011.

Compte tenu de ces éléments, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, a indiqué que la perspective d'un retour à l'équilibre des comptes sociaux s'est durablement éloignée. Les mesures proposées dans le cadre du PLFSS pour 2010 ne devraient en effet permettre que de stabiliser, au mieux, le déficit du régime général autour de 30 milliards d'euros par an. Les mesures prévues s'articulent ainsi autour de deux axes :

- en matière de recettes, elles visent principalement la réduction des « niches sociales » et la mise en place d'une contribution exceptionnelle des complémentaires santé dans le cadre de la grippe A/H1N1 ;

- en matière de dépenses, le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), qui est fixé en 2010 à 3 %, suppose la réalisation de 2,2 milliards d'euros d'économies.

Pour la première fois, les projections pluriannuelles annexées au PLFSS font durablement perdre de vue tout retour à l'équilibre. Ces projections ne seront d'ailleurs très certainement qu'un minimum, tant les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles elles reposent paraissent optimistes, voire irréalistes : une croissance du produit intérieur brut (PIB) en volume de 2,5 % par an, un taux d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 3 % et surtout une croissance de la masse salariale de 5 % par an à partir de 2011. Par ailleurs, certaines dépenses liées à la grippe A/H1N1 n'ont pas été comptabilisées.

En tout état de cause, même dans le scénario optimiste proposé par le Gouvernement, les projections pluriannuelles annexées au projet de loi de financement laissent entrevoir une accumulation de nouveaux déficits, à l'horizon de 2013, de près de 160 milliards d'euros, soit un quasi-doublement de la dette sociale entre 2009 et 2013.

a indiqué que la crise, d'une part, et le choix du Gouvernement de laisser jouer à la sécurité sociale son rôle d'amortisseur, d'autre part, entraîne deux conséquences importantes : il place l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) dans une situation de trésorerie périlleuse pour 2010 et il pose la question du financement de la dette sociale.

Compte tenu des prévisions pour 2010, et notamment des projections concernant les recettes issues des cotisations, l'article 27 du PLFSS pour 2010 propose de fixer le plafond d'avance de trésorerie de l'ACOSS pour 2010 à 65 milliards d'euros. Ce niveau d'avances est historique et correspond au double du plafond de 2009, revalorisé de 10 milliards d'euros cet été. Cette situation est d'autant plus exceptionnelle que les plafonds « record » des années précédentes avaient été atteints avant une reprise de déficits par la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

Il a ensuite énuméré les nouvelles sources de financement de l'ACOSS pour 2010 :

- 31 milliards d'euros seront mobilisés sous forme d'avances auprès de la caisse des dépôts et consignations (CDC) ;

- 10 milliards d'euros de billets de trésorerie seront émis par l'ACOSS ;

- 5 milliards d'euros de billets de trésorerie seront souscrits par l'Agence France Trésor (AFT) ;

- un milliard d'euros proviendra de la mutualisation des ressources d'organismes tiers comme la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ;

- la somme restante résultera d'émissions complémentaires sur les marchés gérées par l'AFT, qui agira comme prestataire de services de l'ACOSS.

Cependant, la solution qui consiste à faire porter à l'ACOSS le déficit du régime général ne pourra pas être reconduite : plus aucun bénéfice ne peut être espéré d'une baisse des taux d'intérêt à court terme, ceux-ci ayant atteint un plancher ; le niveau particulièrement élevé du plafond d'avances conduit l'ACOSS à diversifier son financement ou à renégocier des dispositifs existants, ce qui se révèle délicat ; cette augmentation d'activité nécessite au sein de l'agence un investissement humain important ; la multiplication des sources de financement ne signifie pas pour autant la possibilité de couvrir n'importe quel niveau de besoin de trésorerie : l'ACOSS ne pourra pas assumer une fois de plus en 2011 la couverture des déficits cumulés 2009-2010 et ceux à venir de 2011 ; en outre, le portage de la dette par l'ACOSS constitue une dérogation au partage implicite des responsabilités entre la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et l'ACOSS, qui ne doit en principe assumer la charge que des découverts infra-annuels.

a indiqué que le traitement de la nouvelle dette sociale relève de la responsabilité collective. S'il n'y a pas lieu de remettre en cause le système actuel de cantonnement de la dette sociale au sein de la CADES, qui en rembourse effectivement une partie chaque année, un transfert de dette doit néanmoins intervenir dès 2010. Deux préoccupations guident en effet ce choix : d'une part, la responsabilité vis-à-vis des générations futures et, d'autre part, le souhait que le transfert dès 2010 d'une partie de la dette sociale à la CADES réduise, à terme, le coût d'ensemble de retraitement de celle-ci. En effet, une reprise de dette par la CADES, dès 2010, permet de bénéficier d'un tarif plus faible de reprise, tout comme il permet d'amortir une partie de la dette transférée, ce qui n'est pas le cas lorsque celle-ci est supportée par l'ACOSS.

Dans ces conditions, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, a proposé une reprise de dette par la CADES de 19,5 milliards d'euros, ce qui nécessitera une augmentation de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) de 0,15 point, soit un taux global de 0,65 %. Cette augmentation, qui devrait procurer un surplus d'environ 1,8 milliard d'euros, impactera très légèrement à la hausse, de 0,1 point, le taux des prélèvements obligatoires.

Cette reprise partielle de dette en 2010 n'est cependant qu'une partie de la réponse à la question posée par la dette sociale :

- d'une part, il conviendra de poursuivre son retraitement : dans le cadre des prochains PLFSS, il sera ainsi nécessaire d'augmenter encore les recettes de la CADES et de procéder à un arbitrage entre allonger à nouveau la durée d'amortissement de sa dette, afin d'éviter un effet « boule de neige » des prélèvements qui lui sont affectés, ou maintenir cette durée en refusant tout report sur les générations futures ;

- d'autre part, il sera impératif de prendre les décisions permettant d'enrayer la dynamique structurelle de la dette. Le préalable nécessaire à toute réflexion consiste à choisir et à affirmer le modèle de sécurité sociale que l'on souhaite. Cette question est d'autant plus essentielle que notre système de protection sociale va devoir affronter un nouveau défi : le vieillissement de la population.

S'agissant des recettes, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, a insisté sur la nécessité de sécuriser ces dernières, enjeu majeur qui doit être concilié avec les impératifs de compétitivité économique et d'équité. Ceci nécessitera, d'une part, un réexamen plus global de l'ensemble des niches sociales et des facultés contributives de chacun et, d'autre part, un réexamen des allègements de charges, dont la compensation par les recettes fiscales de l'Etat avoisine 27 milliards d'euros.

Du côté des dépenses, il a insisté sur la nécessité de ne pas relâcher les efforts de maîtrise entrepris ces dernières années. Tout d'abord, il convient de ne pas se méprendre sur les résultats de 2008 et 2009. Certes les dépassements de l'ONDAM sont moins importants que ceux observés par le passé, cependant :

 - ces objectifs ont été dépassés alors même qu'ils se voulaient, au moment de leur adoption, plus réalistes que ceux fixés les années précédentes ;

- ces résultats s'expliquent, pour partie par des gels de dotations, dont les taux habituels de consommation laissaient entrevoir, dès leur adoption, qu'elles risquaient d'être surévaluées ;

- enfin, s'agissant de la rectification de la prévision de l'ONDAM pour 2009, les dépenses supplémentaires que la grippe A/H1N1 pourrait induire n'ont pas été prises en compte.

Quant à l'ONDAM 2010, fixé à 3 % contre 3,3 % en 2009, s'il paraît plus contraignant, il convient de souligner deux éléments :

- d'une part, les dépenses liées à la grippe A/H1N1 n'ont pas été prises en compte dans l'ONDAM pour 2010 ;

- d'autre part, le repli de l'inflation en 2010 atténuera mécaniquement la progression des dépenses du régime général et rendra donc d'autant plus aisé le respect de l'ONDAM pour l'année prochaine.

Il a surtout déploré deux mesures du PLFSS qui auront un impact fort sur les dépenses : la non-prise en compte des dépenses liées à la grippe A/H1N1 dans la procédure d'alerte déclenchée en cas de risque de dépassement de l'ONDAM et le report de 2012 à 2018 de l'achèvement du processus de convergence tarifaire entre les établissements de santé publics et privés, réforme pourtant centrale du mode de financement des hôpitaux.

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