Malgré l'excellent travail du rapporteur, nous ne voterons pas ce texte. L'audition des ministres de la justice et du budget, organisée conjointement par les commissions des finances, des affaires sociales et des lois la semaine dernière nous a éclairés : aucune réponse à nos interrogations. Quand on n'a plus de principes, on se fixe des règles... Voilà le sentiment que nous donne ce projet de loi.
Le rapporteur fait oeuvre de salubrité publique en supprimant les articles 2 bis et 9 bis, d'une remarquable stupidité. De fait, ils reviennent à écrire, dans une Constitution devenue bavarde : « le Conseil constitutionnel doit déclarer inconstitutionnels les articles contraires à la Constitution »... Quelle innovation intellectuelle !
Gigantesque aveu d'impuissance que le fétichisme de la règle d'or ! Le déficit a atteint un tel niveau depuis ces dix dernières années qu'il faudrait prendre des règles. Point n'est besoin de recourir à cet expédient ; l'essentiel est la volonté politique. Certes, la maximation du déficit n'est pas l'alpha et l'oméga de la politique budgétaire. En revanche, il faudrait aborder différemment loi de financement de la sécurité sociale et loi de finances : dans le premier cas, s'impose la logique d'équilibre, dans le second, des déséquilibres peuvent apparaître, à condition qu'ils ne soient pas continus.
Autre point, je refuse que le constituant se dessaisisse de ses pouvoirs : le renvoi à la loi organique consiste à renoncer à la règle des trois cinquièmes pour celle de la majorité simple ; le contrôle par le Conseil constitutionnel, systématique pour les lois organiques, pourrait emporter des conséquences fâcheuses. Souvenez-vous de son interprétation du droit d'amendement ; elle n'est pas conforme à la volonté du constituant. Autre exemple, l'autonomie financière des collectivités territoriales lors de la révision constitutionnelle de 2003 n'est plus qu'un lointain souvenir ; celles-ci ont le seul pouvoir de disposer librement de leurs recettes.
Enfin, à l'instar du président de la commission, j'estime indispensable la suppression du monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires. A défaut, il faudrait créer un seul type de loi -les lois financières- et une seule commission -celle des finances- dans laquelle nous siégerions tous ! Le système proposé s'impose d'autant moins que la plupart des baisses d'impôts et niches sont décidées par le Gouvernement ; seulement 11 milliards d'euros sur 68 ont été votés en loi ordinaire entre 2000 et 2009. L'article 40 s'impose au seul Parlement. J'ai d'ailleurs soutenu, une fois n'est pas coutume, le président de la commission des finances dans la bataille constitutionnelle qu'il a menée pour sa suppression. Ce projet de loi verse dans un fétichisme de la règle d'or auquel nous ne croyons pas !