Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 3 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Examen des principaux éléments de l'équilibre

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Je vous présenterai d'abord les éléments de cadrage. Les aléas sont connus : le taux de change de l'euro, l'impact récessif des politiques de consolidation budgétaire, les risques liés à la sphère financière. Sur l'évolution du solde public, je tente une comparaison avec la situation que connaissent nos voisins britanniques : le plan britannique est plus drastique, mais il porte comparativement moins sur ce qui correspond en France aux dépenses de l'État, puisque dans les deux pays celles-ci sont gelées en volume, que sur les dépenses sociales et celles des collectivités locales. Il faut tenir compte cependant du fait que le déficit britannique dépasse 10 % du produit intérieur brut (PIB), quand il s'élève à 7,7 % dans notre pays.

Les recettes fiscales nettes stagnent, paradoxalement : elles passent de 254,7 milliards d'euros à 254,4 milliards d'euros. De fait, les modifications apportées à l'impôt sur le revenu ne produiront généralement pas leurs effets avant 2012 et il faut tenir compte de l'arrêt des mesures du plan de relance, pour 3,2 milliards d'euros, aussi bien que de la conséquence de la réforme de la taxe professionnelle, pour 17,5 milliards d'euros : autant dire que la comparaison n'est pas facile d'une année sur l'autre.

L'impôt sur les sociétés a connu de fortes variations ces dernières années : il est passé de 50 milliards d'euros en 2007 à 20 milliards en 2009, par le recul des bénéfices mais aussi par les allègements liés au plan de relance ; nous devrions être à 35 milliards d'euros cette année, grâce à l'amélioration des bénéfices mais aussi par la suppression de la moitié des allègements ; le Gouvernement table sur 45 milliards d'euros l'an prochain, en incorporant notamment la cessation des allègements du plan de relance.

La plupart des mesures de la loi de finances et de la loi de financement, cependant, n'ont pas un effet immédiatement visible sur le solde budgétaire. C'est le cas des mesures fléchées vers les régimes de retraite ou vers le remboursement de la dette sociale, ou encore les mesures qui n'auront un impact qu'à compter de 2012. La non-prorogation du remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche, sauf pour les petites et moyennes entreprises (PME), représente 3 milliards d'euros. Quant à la réforme de la taxe professionnelle, ses effets sont complexes et l'on estime son coût net, en rythme de croisière, à 5 milliards d'euros.

La « compensation relais », conséquente à la création de la contribution économique territoriale, représentait 32,4 milliards d'euros pour 2010. L'an prochain, elle est remplacée par des ressources de nature essentiellement - à plus de 80 % - fiscale, principalement par les nouvelles impositions - contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), cotisation foncière des entreprises (CFE), imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER). Le solde provient des dotations de garanties de ressources, dont 2,5 milliards d'euros au titre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle. Il faut noter que les dégrèvements sont regardés comme une ressource fiscale, puisqu'ils évoluent avec l'assiette des impôts : ils représentent 5,2 milliards d'euros.

Si les réductions de niches fiscales ont un effet limité sur le budget 2011, de l'ordre de 500 millions d'euros, l'impact devrait s'élever à plus de 2 milliards d'euros en 2012. Nous reprenons ici la définition que le Gouvernement donne des dépenses fiscales. Or, cela ne va pas de soi. Le taux réduit de TVA sur l'offre composite audiovisuelle, le triple play, est supprimé : cela représente un milliard d'euros, mais le Gouvernement regarde cette suppression comme un changement dans le mode de calcul de l'impôt, plutôt que comme une moindre dépense fiscale. Le même raisonnement s'applique à la réduction de moitié de l'avantage accordé aux contrats d'assurance solidaires et responsables : l'avantage fiscal s'est réduit de moitié et son produit n'est plus affecté à l'Etat. De cette façon, on évite de considérer le 1,1 milliard d'euros restants comme une niche, ce qui est une marque signalée de bienveillance.

Nous avons été tentés de dresser la liste de toutes les réductions de dépenses fiscales, en les définissant comme il nous semblait plus exact, mais l'exercice est particulièrement complexe et suppose des consultations approfondies : nous nous sommes donc ralliés à la définition que le Gouvernement donne des dépenses fiscales. Ces questions de définition sont importantes en particulier pour la règle du « gel en valeur » adoptée en loi de programmation, car les périmètres sont instables et nous ne disposons pas d'une expertise extérieure, neutre.

Les dépenses, de leur côté, sont sous tension. Sur un total de 286,4 milliards d'euros, en augmentation de 0,4 % en volume pour les crédits du budget général, trois postes se distinguent par leur plus forte progression : la charge de la dette, avec une augmentation de 6,9 %, les dépenses de fonctionnement, à 3,1 %, les dépenses d'intervention, à 2,5 %. A l'inverse, les dépenses de personnel n'augmentent que de 0,2 % et les investissements reculent de 5,7 %. La règle, pour cette année, tient dans la formule « zéro valeur et zéro volume » : la variation des dépenses de l'État ne doit pas dépasser celle des prix à la consommation. Cette règle empêchera le recyclage d'économies de constatation en dépenses nouvelles, comme cela a pu être observé sur la charge de la dette en 2009.

Cependant, la charte de budgétisation est-elle crédible ? Nous déplorons des variations trop fréquentes de la pratique, par exemple l'exclusion des 140 millions d'Oseo-innovation de la norme de dépenses, au prétexte que cette dépense budgétaire se substitue à une dotation en capital, ou encore les financements extrabudgétaires en matière de logement. Cela concerne des enveloppes certes modestes, rapportées à l'ensemble du budget, mais elles ne sont pas sans signification quand on les additionne. Les dépenses de fonctionnement ne baissent pas de 5 % comme annoncé, mais de 0,47 % si l'on prend pour assiette l'ensemble du titre 3 ; les dépenses d'intervention, qui sont souvent des « dépenses de guichet », fonction des droits ouverts, sont en recul net de 1 %, au lieu des 5 % annoncés. Nous l'avions dit dès le débat des finances publiques : l'objectif de 5 %, appliqué à l'ensemble des interventions, n'était pas tenable.

S'agissant des effectifs dans la fonction publique, nous sommes loin de la disette décrite par certains.

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