Intervention de Bariza Khiari

Commission des affaires économiques — Réunion du 25 mars 2009 : 2ème réunion
Développement et modernisation des services touristiques — Examen du rapport

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari, rapporteure :

Rappelant le poids considérable du tourisme dans l'économie française (1,4 milliard de nuitées touristiques, 81,9 millions d'arrivées de touristes étrangers en 2008), qui représente 6,2 % du PIB, mais aussi le renforcement de l'intensité concurrentielle, tant en Europe que dans les pays émergents, Mme Bariza Khiari, rapporteure, a salué le dépôt du projet de loi sur le développement et la modernisation des services touristiques, construit autour de trois axes :

- la modernisation de certains métiers du tourisme ;

- la rénovation de l'offre touristique ;

- l'amélioration de l'accès aux services touristiques, notamment celui des personnes les plus modestes.

Le titre Ier du texte substitue une régulation sectorielle, par un nouvel acteur qui sera l'Agence de développement touristique, à la réglementation jusqu'ici définie par la direction du tourisme et appliquée par les services déconcentrés au niveau local.

S'agissant de la profession d'agent de voyage, qui ne pouvait jusqu'ici s'exercer que sur autorisation et de manière exclusive, les articles Premier et 2 adaptent le droit français à la directive communautaire « services » en supprimant l'exclusivité et en fusionnant les régimes d'autorisation en un système unique d'immatriculation, un peu plus souple s'agissant des aptitudes dont les professionnels devront disposer, tout en conservant les garanties financières et assurantielles actuelles, de même que le principe de responsabilité de plein droit des opérateurs, qui assurent la protection du consommateur. Quant à l'article 3, il facilite la déspécialisation partielle des baux des agents de voyage afin d'élargir les possibilités de reconversion.

Tout en estimant, à l'instar des acteurs du secteur, satisfaisant l'équilibre ainsi défini, Mme Bariza Khiari, rapporteure, a indiqué qu'elle proposerait trois amendements ayant pour objet de soutenir des offres innovantes par :

- la clarification du régime de responsabilité des agences de voyage en ligne ;

- la sécurisation de la situation des offreurs de bons cadeaux pour les voyages, du type Smartbox, qui connaissent un important succès commercial, afin de protéger le consommateur et d'assurer la pérennité de ces produits touristiques ;

- l'amélioration du dispositif de déspécialisation partielle des baux commerciaux des agents de voyage.

L'article 4 modernise le régime de l'activité de « grande remise », qui consiste à fournir au client un véhicule haut de gamme avec chauffeur. Ces voitures seront désormais dénommées « voitures de tourisme avec chauffeur ». Si les conditions de confort spécifique et de chauffeurs qualifiés ne sont pas modifiées, l'article autorise les entreprises à ne plus posséder elles-mêmes de licence et le Gouvernement s'est engagé à supprimer les limites quantitatives jusqu'ici imposées par voie réglementaire. Mme Bariza Khiari, rapporteure, a annoncé qu'un amendement viserait, d'une part, à améliorer la formation de ces chauffeurs et, d'autre part, à imposer l'immatriculation des exploitants.

Puis, après avoir observé que l'article 5, qui tend à assouplir les règles relatives aux offices de tourisme intercommunautaires, devrait satisfaire les élus locaux, elle a présenté l'article 6 qui crée, sous forme de groupement d'intérêt économique et par la fusion d'ODIT France et de Maison de la France, une Agence de développement touristique (ADT) destinée à devenir, non seulement l'opérateur national unique en matière de politique touristique mais aussi, de plus en plus, le régulateur du secteur. Tout en indiquant s'être interrogée sur l'opportunité de confier à une structure privée des pouvoirs réglementaires, notamment sur la définition du classement hôtelier et l'immatriculation des agents de voyage, elle a considéré que la séparation assez claire entre les missions d'intérêt général de l'ADT et ses tâches para-administratives, qui seront exercées par une commission indépendante en son sein, permettait d'accueillir favorablement ce nouvel organisme, sous réserve de deux amendements tendant, pour en conforter l'action, à :

- préciser les missions d'intérêt général de l'Agence, telles que l'évaluation des politiques publiques, la mise en place de données chiffrées ou l'expertise en matière de formation et la diffusion d'information ;

- étendre la mission de l'ADT à l'immatriculation des exploitants de voitures de tourisme.

Elle a ajouté que, l'un des enjeux majeurs du succès de cette nouvelle organisation étant d'ordre financier, elle souhaitait que le ministre s'engage à ce que l'ADT dispose des moyens de ses ambitions et que les parlementaires soient attentifs à ses dotations lors de la discussion des projets de loi de finances.

Puis Mme Bariza Khiari, rapporteure, a souligné l'importance du titre II du projet de loi, relatif à la modernisation de l'offre française d'hébergement, au regard des attentes des touristes, notamment étrangers.

Ainsi, l'article 8 entérine la réforme du classement hôtelier réalisée par un arrêté du 22 décembre 2008. Les critères précédents du classement, qui dataient de 1986, accordaient en effet une place décisive aux équipements de l'hôtel mais ignoraient largement les services, et portaient essentiellement sur des normes quantitatives sans examiner leur dimension qualitative. De plus, les catégories du classement elles-mêmes étaient devenues peu lisibles, en particulier la catégorie « zéro étoile » et la catégorie « 4 étoiles luxe », distincte du « 4 étoiles » classique. Aussi le nouveau classement modernise-t-il les critères en introduisant plus de souplesse dans l'appréciation des exigences, en intégrant les évolutions technologiques, comme l'accès à Internet, et en établissant une nouvelle échelle allant de « 1 étoile » à « 5 étoiles ». En outre, afin de permettre la modernisation de l'offre hôtelière, le nouveau classement est adossé à deux prêts spéciaux créés à l'attention des professionnels par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et OSEO.

Tout en saluant cette réforme, qui permettra à la France d'afficher autant d'hôtels de luxe capables d'accueillir de grands congrès internationaux que les pays voisins, Mme Bariza Khiari, rapporteure, a suggéré d'ouvrir au ministre chargé du tourisme la faculté de créer, pour quelques palaces tels Le Ritz, le Meurice ou le Crillon, un label spécial indépendant du classement et reconnaissant le caractère exceptionnel de ces établissements au regard de leur histoire, de leur architecture ou de la richesse des services qu'ils proposent.

Elle a par ailleurs indiqué que les articles 8 et 9 réformaient en profondeur la procédure d'attribution du classement hôtelier. Jusqu'à présent décidée par le préfet après instruction de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et avis de la commission départementale de l'aménagement touristique (CDAT), cette attribution va désormais suivre une procédure similaire à celle en vigueur pour le classement des meublés de tourisme : les visites préalables, dont le coût sera supporté par les hébergeurs, seront accomplies par des organismes évaluateurs accrédités par le Comité français d'accréditation (COFRAC) et le certificat de visite qu'ils délivreront servira de base à la décision préfectorale. Par souci de cohérence, cette procédure est en outre étendue au classement de tous les autres hébergements touristiques. A cet égard, Mme Bariza Khiari, rapporteure, a annoncé qu'elle proposerait de permettre au ministre chargé du tourisme d'instituer un classement des chambres d'hôtes, seule catégorie d'hébergement qui ne connaît pas de classement, tout en soulignant que l'unanimité n'existait pas actuellement sur l'opportunité de cette mesure.

Enfin, elle a indiqué que les derniers articles du titre II simplifiaient ou clarifiaient diverses procédures :

- l'article 11 allège les contraintes de déclaration des loueurs de chambres d'hôtes autoentrepreneurs sans priver la mairie de l'information nécessaire ;

- l'article 12 dispense les chambres d'hôtes et les hôtels sans restaurant de licence I pour servir du café ou des jus de fruits au petit déjeuner ;

- quant à l'article 13, outre des coordinations et rectifications formelles du code du tourisme, il reporte au 1er avril 2012 l'entrée en vigueur du nouveau classement des communes touristiques et des stations classées pour tenir compte du retard pris pour adopter les dispositions réglementaire d'application de la réforme.

Elle a conclu la présentation de ce titre II en précisant qu'elle suggérerait deux amendements visant, respectivement, à conforter le rôle des opérateurs intervenant dans le classement des meublés et à alléger la formation des exploitants d'une table d'hôtes servant de l'alcool.

S'agissant de l'élargissement de l'accès aux vacances, objet du titre III, Mme Bariza Khiari, rapporteure, a rappelé que, aujourd'hui, 40 % des Français ne partaient pas en vacances, malgré l'activité de l'Agence nationale pour les chèques vacances (ANCV) dont elle a souligné le succès et les vertus. En effet, depuis 1982, cet organisme émet des chèques-vacances partiellement ou totalement financés par les employeurs et utilise les ressources dégagées par cette activité pour financer des actions de tourisme social à destination des plus défavorisés. Aussi la rapporteure s'est-elle félicitée du dispositif prévu par l'article 14 qui lève certains des obstacles à la diffusion des chèques-vacances à tous les salariés des PME, tout en indiquant qu'elle proposerait de le compléter par un amendement en ouvrant aussi le bénéfice aux chefs d'entreprises de moins de 50 salariés.

Soulignant que le règlement des situations critiques qu'ont pu entraîner des régimes juridiques inadaptés participait également d'un renforcement de l'accès aux vacances, elle a ensuite présenté l'article 15 qui améliore le régime du temps partagé (« timeshare »), par lequel la détention de parts d'une société adossée à un immeuble ouvre le droit de jouir d'un appartement pendant une certaine période. Si, lorsqu'il fonctionne correctement, ce dispositif est remarquable, il est cependant pénalisé par les multiples escroqueries qui ont eu lieu à l'étranger et par des difficultés relatives aux charges qui affectent le marché de la revente et placent des associés dans une situation intenable. Aussi le projet de loi autorise-t-il un associé à sortir de la société par décision de justice pour « justes motifs », formule empruntée au code civil qui permettra de répondre aux situations dont l'injustice est la plus criante. Mme Bariza Khiari, rapporteure, a indiqué que, dans le même esprit d'assouplissement, elle proposera de permettre aux héritiers des parts d'une société de temps partagé de se retirer de droit.

En conclusion, elle a proposé à la commission d'adopter, en le complétant, ce texte qu'elle a qualifié d'ambitieux et pragmatique : ambitieux par l'amplitude des sujets abordés et par la volonté de modernisation qui sous-tend chacune de ses dispositions, et pragmatique puisqu'il lève de manière ciblée de multiples obstacles au développement des services touristiques, dans un ensemble cohérent visant tant à relancer l'offre et développement de l'activité touristique qu'à stimuler la demande et l'essor du tourisme social.

Un large débat s'est engagé à l'issue de cette présentation.

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