Intervention de Alain Marleix

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 novembre 2009 : 1ère réunion
Délimitation des circonscriptions des députés — Audition de M. Alain Marleix secrétaire d'etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales :

a indiqué que le projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés constituait l'ultime étape de la réforme de la carte électorale entamée il y a un an et demi. Il a rappelé que le Conseil constitutionnel avait demandé à plusieurs reprises aux gouvernements qui se sont succédé depuis 1999 de réviser, comme la loi l'impose, la carte des circonscriptions adoptée en 1986 sur la base d'un recensement général de population effectué en 1982. Il a observé que cette révision de la carte électorale avait pour but de remédier aux écarts démographiques les plus importants apparus entre les 577 circonscriptions législatives. Il a comparé la seconde circonscription de la Lozère, qui compte 35 794 habitants, et la sixième circonscription du Var, qui en compte 213 421, et a considéré qu'un tel écart de population (de un à six) portait atteinte au principe de l'égalité du suffrage énoncé à l'article 3 de la Constitution.

a rappelé que le Conseil constitutionnel avait enjoint au Gouvernement de procéder à cet ajustement au lendemain des élections législatives de 2007. Il a indiqué que le projet de ratification de l'ordonnance avait pour fondement la loi d'habilitation du 13 janvier 2009, faisant valoir que, en raison de la complexité des questions à résoudre, le recours à la procédure des ordonnances avait été considéré, comme en 1986, comme un moyen privilégié pour réviser la carte électorale législative. Il a indiqué que le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 29 juillet 2009 avait été adopté par l'Assemblée nationale le 20 octobre 2009 et que son adoption par le Sénat permettrait de donner force de loi à ce texte qui demeure pour l'instant un acte administratif. Il a précisé que les dispositions de cette ordonnance prendraient effet au prochain renouvellement général de l'Assemblée nationale.

a relevé que le Gouvernement avait procédé à l'ajustement de la carte des circonscriptions législatives en respectant les critères définis dans la loi d'habilitation ainsi que les observations formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier 2009. Il a affirmé que cette réforme avait été opérée dans la plus grande transparence, conformément à la volonté exprimée par le Premier ministre le 16 septembre 2008 devant les responsables des groupes et des formations politiques représentés dans les deux assemblées. Il a indiqué qu'il avait lui-même reçu un grand nombre de parlementaires, lesquels ont par ailleurs pu accéder librement aux locaux du ministère de l'intérieur dans lesquels se trouvaient les cartes et les chiffres du recensement.

a relevé qu'il avait été nécessaire de prendre en compte des éléments démographiques aussi homogènes que possibles. Ainsi, il a fait valoir que les chiffres du recensement de la population municipale, pour les départements de métropole et les départements d'outre-mer ainsi que pour Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, avaient été calculés en application de la méthode de recensement définie dans le cadre de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, ces chiffres étant réputés être ceux constatés au 1er janvier 2006. En revanche, en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie et les collectivités d'outre-mer, il a observé que les chiffres authentifiés étaient issus du dernier recensement global, rappelant que la loi du 27 février 2002 avait maintenu pour ces territoires un recensement général de population tous les cinq ans. Il a indiqué que la Polynésie française, dont la population a été recensée en 2007, pouvait prétendre à trois sièges de député, contrairement à la Nouvelle-Calédonie, dont la population a fait l'objet d'un recensement très récent, qui ne pourra prétendre qu'à deux circonscriptions. Il a relevé que la population recensée comprenait à la fois les ressortissants français et la population étrangère, alors que les députés sont censés représenter la Nation. Il a rappelé à cet égard que le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition adoptée par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. René Dosière tendant à prendre en compte la situation particulière de territoires où la population étrangère est quantitativement importante. Il a expliqué que, sans condamner a priori une méthode fondée sur la comptabilisation de la seule population française, le Conseil constitutionnel avait refusé qu'un tel procédé soit mis en oeuvre dans les seuls territoires de Mayotte et de la Guyane. Il a remarqué que, dans ces conditions, Mayotte, qui compte 186 452 habitants selon le recensement effectué en 2007 mais où plus du tiers de la population est étrangère, pourrait désormais prétendre à deux sièges de députés.

a indiqué que, conformément aux observations formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 janvier 2009, la totalité des personnes immatriculées au 1er janvier 2006 dans les consulats français constituerait la référence pour l'établissement des circonscriptions et le calcul du nombre des députés représentant les Français établis hors de France. Il a relevé que le nombre de sièges ainsi attribué avait été porté à onze, alors qu'il n'avait été initialement prévu que d'en créer sept ou huit.

Il a ensuite observé que, sur la base des éléments démographiques qu'il venait de préciser, le Gouvernement avait dû modifier la répartition des sièges de députés entre les départements et les collectivités d'outre-mer. Il a tout d'abord fait valoir que la population française globale avait fortement crû depuis 1982 pour atteindre en 2006 65 195 877 habitants. Dans ces conditions, il a indiqué que les 577 sièges de députés, nombre résultant de la réforme de 1985 et qui constitue depuis la révision constitutionnelle de 2008 un plafond, avaient été répartis globalement au prorata de la population des départements (63 185 925 habitants), de celle de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités d'outre-mer (741 424 habitants) et du nombre de ressortissants immatriculés à l'étranger (1 268 528 personnes). Il a également précisé que, conformément à la décision du Conseil constitutionnel précitée, qui ne permet d'attribuer un siège à une collectivité d'outre-mer de faible population que si elle est très éloignée de tout autre département ou collectivité, Saint-Pierre-et-Miquelon (6 125 habitants) et Wallis-et-Futuna (13 484 habitants) conserveraient le siège de député dont elles avaient constamment bénéficié depuis 1958. En revanche, il a observé que les nouvelles collectivités de Saint-Barthélémy (8 255 habitants) et de Saint-Martin (35 263 habitants), créées par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, ne pouvaient pas prétendre, du fait de leur proximité, à être représentées chacune par un député : de ce fait, il a indiqué que ces deux collectivités, qui sont représentées au Sénat chacune par un sénateur, seraient en revanche représentées à l'Assemblée nationale par un député commun. Ces trois sièges étant attribués, il a fait valoir que les 574 autres sièges de députés avaient été répartis de la façon suivante : 556 pour les départements (ce qui représente 14 sièges de moins qu'en 1986), 7 pour les collectivités d'outre-mer et 11 pour les Français de l'étranger.

a ensuite affirmé que les 556 sièges attribués aux départements avaient été répartis en fonction de la population respective de ces derniers, en utilisant la méthode dite « de la tranche », adoptée en 1958 et conservée lors de l'introduction du scrutin proportionnel en 1985 puis du retour au scrutin majoritaire en 1986, le montant de la « tranche » étant porté de 108 000 à 125 000 habitants. Il a attiré l'attention sur le fait que cette méthode, qui régit la répartition actuelle des sièges de sénateurs entre les départements, permettait de limiter les effets de la réforme sur la représentation des petits départements, rappelant que la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier 2009 avait interdit d'attribuer deux sièges de député si la méthode de calcul n'y conduisait pas au vu de leur population. Il a ainsi expliqué que, avec la méthode de la tranche, deux départements seulement (la Creuse et la Lozère) se trouvaient au-dessous du seuil donnant droit à deux députés, alors qu'ils auraient été quatorze en cas d'application de la méthode de la répartition proportionnelle. Il a affirmé que ces calculs et cette méthode de répartition conduisaient à une diminution du nombre de sièges de député dans 27 départements (qui perdront ensemble 33 circonscriptions) et à leur augmentation dans 15 départements (qui gagneront ensemble 19 circonscriptions), ainsi qu'en Polynésie française et à Mayotte. Il a indiqué que l'ensemble de ces chiffres avait donné lieu à un avis favorable de la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution et présidée par M. Yves Guéna.

a ensuite expliqué qu'il avait été nécessaire de procéder à une nouvelle délimitation de circonscriptions dans les départements et collectivités affectés par une variation du nombre de sièges attribués, dans ceux dont des circonscriptions ont une population trop éloignée de la population moyenne départementale, ainsi que pour assurer la représentation des Français établis hors de France. Il a ainsi indiqué que les 42 départements et les quatre collectivités d'outre-mer qui perdaient ou gagnaient une, deux ou trois circonscriptions avaient fait l'objet d'un « redécoupage », tandis que 25 autres départements de métropole et d'outre-mer, dont certaines circonscriptions présentent des écarts de population devant être réduits, avaient pour leur part fait l'objet d'un simple « remodelage ». A cet égard, il a observé que la version initiale de l'ordonnance soumise à la commission n'avait procédé à un tel « remodelage » que dans 12 départements, en raison de l'engagement pris au départ par le Gouvernement de ne pas modifier la carte des circonscriptions dans les départements conservant le même nombre de sièges lorsque la population de ces circonscriptions ne s'était pas écartée de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne départementale. Il a indiqué que, néanmoins, la commission présidée par M. Yves Guéna puis le Conseil d'Etat avaient considéré que les inégalités les plus flagrantes devaient être réduites également dans ces départements et que, suivant cet avis, dans une seconde version de l'ordonnance, le Gouvernement avait procédé au « remodelage » des circonscriptions de 13 autres départements. Au total, il a affirmé que 238 circonscriptions, sur un total de 577, demeuraient inchangées.

Il s'est félicité de l'amélioration par l'ordonnance de l'équilibre démographique entre les circonscriptions. Il a ainsi précisé que, à condition d'exclure la situation spécifique des petites collectivités d'outre-mer, les écarts de population passaient d'un rapport de 1 à 6 à un rapport de 1 à 2,4 sur l'ensemble du territoire. Il a noté qu'il s'agissait là d'un progrès notable par rapport au redécoupage électoral de 1986, où les populations des circonscriptions variaient dans un rapport de 1 à 3,6. Il a par ailleurs indiqué que la marge d'écart au sein d'un même département avait été le plus souvent limitée à plus ou moins 15% par rapport à la moyenne départementale et a observé qu'alors que, en 1986, le nombre de circonscriptions dans lesquelles cet écart était supérieur à 17,5% était de 7, ce nombre était aujourd'hui de zéro.

a affirmé que les autres critères de délimitation fixés dans la loi d'habilitation, repris des critères utilisés en 1986 et complétés par l'interprétation du Conseil constitutionnel, avaient été scrupuleusement respectés, qu'il s'agisse de la continuité des circonscriptions (à quelques exceptions près en raison de l'existence d'enclaves), de l'unité des communes de moins de 5 000 habitants ou de celle des cantons de moins de 40 000 habitants. Il a indiqué que 42 des cantons de plus de 40 000 habitants (soit moins d'un quart d'entre eux) avaient été partagés afin de réduire les écarts démographiques entre des circonscriptions voisines. Il a relevé que ce respect des limites cantonales avait conduit le Gouvernement à prévoir, dans le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, que les futurs cantons devraient être délimités à l'intérieur des nouvelles circonscriptions législatives. Il a également observé que la réforme opérée par l'ordonnance n'avait pas pu respecter systématiquement la carte de l'intercommunalité, car celle-ci résulte d'arrêtés préfectoraux, qu'elle a un caractère fluctuant et qu'elle n'a pas de lien évident avec la carte électorale.

a également fait valoir que les onze circonscriptions destinées à l'élection des futurs députés représentant les Français établis hors de France avaient été délimitées après consultation des sénateurs qui les représentent et des associations et ainsi qu'après avis du ministère des affaires étrangères. Il a indiqué que l'établissement de ces circonscriptions avait été opéré en privilégiant la cohérence géographique sur l'application stricte du principe d'égalité démographique et que, de ce fait, trois des onze nouveaux secteurs électoraux (les deux d'Amérique et celui d'Asie-Océanie) présentaient un écart de plus de 20% par rapport à la moyenne, ajoutant qu'un tel écart était néanmoins conforme à la position du Conseil constitutionnel. Il a ajouté qu'une seconde ordonnance, prise en application de l'article 3 de la loi d'habilitation, avait été adoptée le 29 juillet 2009 afin de prévoir des dispositions spécifiques à l'élection de ces onze députés et a indiqué qu'un décret d'application serait prochainement publié afin d'en mettre en oeuvre les dispositions.

a marqué que les projets de « redécoupage » et de « remodelage » avaient été soumis à la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution. Il a noté que celle-ci avait consacré 24 séances à la mission qui lui était confiée et qu'elle avait rendu à deux reprises un avis, publié au Journal officiel, sur les projets qui lui étaient soumis. Il a indiqué que, pour l'essentiel, la commission avait validé les projets du Gouvernement et que ce dernier avait tenu compte, en tout ou partie, des propositions formulées par la commission pour 23 départements. Il a précisé que le Gouvernement ne s'était écarté des préconisations de la commission que dans 23 circonscriptions et a indiqué que les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'avait pas suivi dans ces 23 cas l'avis de la commission étaient exposées dans le rapport établi par M. Charles de La Verpillière, rapporteur du projet de loi pour l'Assemblée nationale.

a conclu en rappelant que l'ordonnance du 29 juillet 2009 avait fait l'objet d'un contrôle approfondi tout au long de son élaboration et que l'étude exhaustive à laquelle s'était livrée la commission indépendante, suivie par un examen complet du texte par le Conseil d'Etat, avait conduit le Gouvernement à modifier son texte initial. Il a salué ce double examen sans précédent en matière de découpage électoral, estimant que cette méthode avait permis d'assurer que l'ordonnance respecte les exigences posées par la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle l'Assemblée nationale doit être élue « sur des bases essentiellement démographiques, selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l'égalité devant le suffrage ».

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