Intervention de André Vantomme

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 25 novembre 2009 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2010 — Mission aide publique au développement - examen du rapport pour avis

Photo de André VantommeAndré Vantomme, co-rapporteur pour avis :

a indiqué qu'il analyserait, pour sa part, l'effort global de la France en faveur du développement, retracé par l'agrégat « Aide publique au développement », déclaré chaque année à l'OCDE. Il a précisé que son collègue Christian Cambon exposerait ensuite l'évolution des crédits des programmes 110, 209 et 301 de cette mission.

En préambule, il a souligné que, avec la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, l'extension du marché à l'échelle planétaire qui rend le monde plus interdépendant, la croissance démographique des pays en développement, les changements climatiques et les mouvements migratoires, la politique d'aide au développement était devenue un axe majeur de la politique étrangère de la France, observant que cette politique était devenue bien plus diverse et plus complexe que ne l'était la politique de coopération dans les années 1960.

La politique d'aide au développement recouvre un certain nombre d'enjeux :

- réduction des inégalités Nord/Sud ;

- paix et stabilité internationale, que ce soit dans la corne de l'Afrique ou en Afghanistan où le sous-développement constitue un terreau fertile pour la piraterie, le fondamentalisme et le terrorisme ;

- lutte contre la pauvreté ;

- sauvegarde des biens communs à l'humanité, comme l'illustre la lutte contre les changements climatiques et pour le maintien de la biodiversité ;

- influence culturelle et politique comme l'atteste le rôle des Etats-Unis d'Amérique et de la Chine en Afrique dont la croissance, ces dix dernières années, permet de mesurer l'intensité de la compétition entre les nations.

a indiqué que, dans un contexte marqué par les conséquences de la crise financière sur un grand nombre de pays en voie de développement, et par la diminution des marges de manoeuvre budgétaires, la politique de coopération de la France était, plus que jamais, appelée à faire preuve d'efficacité.

La crise financière a eu un impact considérable sur les pays en voie de développement. Elle risque de réduire les progrès réalisés, non sans mal, depuis dix ans. En Afrique, en 2009, le taux de croissance est tombé à 1,6 % contre une moyenne de 8,1 % auparavant. Les flux de capitaux privés vers les pays en voie de développement ont diminué en 2008 de plus de 700 milliards de dollars par rapport à 2007. Pour la Banque mondiale, la crise a fait basculer 53 millions de personnes supplémentaires sous le seuil des 1,25 dollar par jour.

Après avoir rappelé que l'effort de la France en faveur du développement était comptabilisé par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE en pourcentage du revenu national brut, M. André Vantomme a indiqué que cet agrégat dépassait largement les crédits de la mission Aide publique au développement puisqu'il comprenait des crédits répartis dans dix missions et dix-huit programmes. Cet effort est de 0,39 % en 2008. Il sera de 0,44 % en 2009 ; il devrait se situer entre 0,44 et 0,48 % en 2010 et devrait diminuer à 0,42 % en 2011.

Il a souligné que ces chiffres conduisaient à penser que la France n'atteindrait pas l'objectif, réaffirmé par le Président de la République, à savoir consacrer 0,7 % du revenu national à l'aide au développement en 2015. La réalisation de cet objectif supposerait une croissance annuelle de 17 % des crédits, alors qu'elle n'a été que de 2,1 % entre 2008 et 2009. Cette croissance est à comparer à celle des crédits de l'Allemagne dont l'APD progresse pendant la même période de 5,7 %, de l'Espagne (19,4 %) ou du Royaume-Uni (24,1 %).

a fait remarquer que, lors du prochain sommet de l'ONU sur les objectifs du millénaire, la France devrait faire profil bas. Quoique restant le quatrième donateur de l'OCDE en volume, la France n'atteindra pas en 2010 l'objectif de 0,51 % sur lequel elle s'était engagée en 2009 dans le cadre de l'Union européenne. Il a ajouté que toutes les tentatives pour essayer de modifier au sein du CAD la définition de cet effort pour y faire entrer de nouvelles dépenses avaient pour objectif de pallier l'insuffisance de l'effort français par rapport aux objectifs affichés.

Il a précisé que, pour tenir compte des recommandations de l'OCDE, le Gouvernement avait minoré les crédits d'écolage et d'accueil des réfugiés qu'il déclare comme APD, mais que, en revanche, il inclut désormais le produit de la taxe sur les billets d'avions. Il a rappelé que, en son temps, le Président Chirac s'était engagé à ce que ces sommes viennent en plus de l'APD et qu'elles ne soient jamais déclarées au CAD.

Evoquant la composition de l'effort global de la France en faveur du développement, il a indiqué que, si l'on retirait de l'aide publique au développement les annulations de dettes, la prise en charge des réfugiés, les dépenses dans les DOM-TOM, et que l'on ne considérait que l'aide dite « programmable », alors, 55 % de cette aide était désormais une aide multilatérale, contre 30 % il y a dix ans. Il a souligné que l'aide multilatérale, composée à près de 60 % des engagements européens de la France et à 80 % de contributions obligatoires, s'était développée au détriment de l'aide bilatérale. Il a fait observer que plus l'aide était multilatérale, plus elle était contrainte. Cette évolution pose quatre types de questions que les rapporteurs de la mission entendent suivre en 2010 :

- quel est le bon équilibre entre aide bilatérale et aide multilatérale ?

- quelles articulations existent entre les deux types d'aides, en amont et en aval, c'est-à-dire à Paris et sur le terrain ?

- quels sont la qualité de pilotage des contributions de la France aux fonds multilatéraux, le rythme des évaluations, et le niveau de coordination dans la définition des objectifs ?

Enfin, il s'est demandé si les contributions de la France aux multiples fonds sectoriels, au FED ou à la Banque mondiale, lui garantissaient une influence sur les décisions prises et une visibilité suffisante dans les actions menées.

a approuvé le projet du Gouvernement de stabiliser la proportion entre bilatéral et multilatéral. Il a proposé de s'inspirer du principe de subsidiarité selon lequel les projets de coopération ne devraient être portés au niveau communautaire ou multilatéral que si, en raison des dimensions ou des effets des actions envisagées, ces projets devaient être mieux réalisés à ces niveaux.

Le rapporteur pour avis a fait valoir la nécessité de développer l'évaluation et le pilotage des contributions françaises aux organismes multilatéraux. Il a estimé que la définition de documents-cadres concernant les contributions de la France à la Banque mondiale ou au FED constituait un progrès. Il a jugé qu'ils permettront de mesurer la capacité de ces organisations multilatérales à atteindre les objectifs que la France s'était fixé.

Compte tenu de la multiplicité des acteurs étatiques multilatéraux, européens mais également non étatiques avec les ONG et les collectivités territoriales, il a considéré que l'articulation entre ces différents instruments était plus que jamais nécessaire. Il a jugé intéressante, à cet égard, la mise en place de fonds communs, au niveau d'un pays concerné. Dans ce cadre, tous les pays bailleurs de fonds, l'Union européenne et les bailleurs multilatéraux, contribuent à un même fonds et se mettent d'accord sur un cahier des charges qui permet d'encadrer l'action des opérateurs sur le terrain. La création au Niger d'un fonds commun de santé abondé par la Banque mondiale, la France et l'Union européenne, constitue un des exemples réussis de ce type de stratégie.

S'agissant de la visibilité des contributions françaises aux fonds multilatéraux et de l'influence de la France sur la politique menée par ces organismes, il a souligné que cette question, même si elle est secondaire par rapport à celle de l'efficacité, ne peut cependant pas être écartée, car il importe que l'effort que la France consacre au développement soit connu des Français, qui ignorent vraisemblablement que le quart du budget du FED, par exemple, est assumé par la France ou qu'elle est le deuxième contributeur du fonds Sida. En outre, il s'est demandé si l'influence de notre pays au sein du fonds Sida était à la hauteur de sa contribution, alors qu'il n'occupe qu'un demi-siège au conseil d'administration et que le fonds, qui travaille exclusivement en anglais, ne recourt naturellement qu'à des opérateurs anglo-saxons.

A propos de l'effort global de la France et de son orientation géographique et sectorielle, M. André Vantomme a indiqué que le Gouvernement, à travers le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), a décidé de renforcer la concentration des crédits sur l'Afrique subsaharienne. Il a estimé que cette priorité avait fait l'objet d'un engagement présidentiel et d'un plan d'action dit « Cap 2008 », d'autant plus nécessaire que, ces dernières années, une évolution inverse s'était produite. Si, en 2006, 57 % des crédits de l'aide bilatérale française étaient consacrés à l'Afrique subsaharienne, ce pourcentage n'était plus que de 42 % en 2008.

Cette concentration géographique se combine avec une concentration sectorielle calée sur les objectifs du millénaire pour le développement : santé, éducation et formation professionnelle, agriculture et sécurité alimentaire, développement durable et soutien à la croissance.

Il a suggéré d'effectuer en 2010, avec son collègue Christian Cambon, un suivi de l'une de ces priorités, comme la santé, où la France est très en pointe, cela afin d'éclairer la commission sur l'efficacité de l'action qu'entend mener le Gouvernement.

Concernant la part des crédits qui transitent par les ONG, le rapporteur pour avis a évoqué l'engagement repris par le Président de la République de doubler la part de l'APD transitant par les ONG. Il a fait observer que cette part, qui se situait à 1,14 % contre 5 % en moyenne dans l'OCDE, n'était pas sans rapport avec la faible taille des ONG françaises par comparaison avec leurs homologues anglo-saxonnes. Il a reconnu qu'un effort avait été consenti cette année et qu'il fallait soutenir le Gouvernement dans cette voie en raison du chemin restant encore à parcourir.

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