Intervention de Serge Vinçon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 juin 2007 : 1ère réunion
Projet de loi portant création d'une délégation parlementaire pour le renseignement — Examen du rapport pour avis

Photo de Serge VinçonSerge Vinçon, rapporteur pour avis :

En préambule, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a rappelé que la commission avait souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi qui concerne directement les trois services de renseignement du ministère de la défense et qui reprend, sous une forme identique, le projet déposé en mars 2006 à l'Assemblée nationale par le précédent gouvernement, mais qui n'avait pu être examiné au cours de la précédente législature.

Parmi les raisons qui militent pour la création d'une instance parlementaire en charge des questions de renseignement et qui avaient justifié le dépôt de propositions de loi, le rapporteur pour avis a tout d'abord cité la situation singulière de la France en Europe et parmi la plupart des démocraties parlementaires, qui disposent toutes d'une telle structure. Il s'est référé, à ce propos, à une étude de législation comparée effectuée par le service des affaires européennes du Sénat. Il rappelé que la réforme des fonds spéciaux avait certes eu pour conséquence inattendue, en 2002, la création d'une commission de vérification des dépenses réalisées par les services de renseignement à partir des fonds spéciaux, composée de deux députés, de deux sénateurs et de deux magistrats de la Cour des comptes. Mais cet organe spécialisé ne saurait dispenser d'une instance ayant une compétence plus générale sur l'organisation et les missions des services, ainsi que sur les moyens humains et techniques dont ils disposent.

Le rapporteur pour avis a estimé que la mise en place d'une instance parlementaire chargée de suivre les questions de renseignement répond à une exigence démocratique, mais vise aussi à mieux prendre en compte, au niveau politique, les enjeux du renseignement, à un moment où celui-ci joue un rôle de plus en plus crucial pour notre sécurité, notamment dans le contexte des crises régionales, du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive. Maintenir le renseignement à l'écart du débat national présenterait le double risque d'alimenter à son encontre un sentiment de méfiance, voire de suspicion, et de ne pas lui donner la place qui lui revient dans les politiques de sécurité. Une instance parlementaire contribuerait, en revanche, à une meilleure compréhension des enjeux majeurs liés au renseignement, alors que, par ailleurs, l'instauration d'un climat de confiance à l'égard des services au sein de la représentation nationale fortifierait la communauté du renseignement dans son action. Une telle instance ne peut cependant fonctionner selon les modalités habituelles du contrôle parlementaire. Le nombre de ses membres, les conditions de leur désignation, les règles applicables à ses travaux, le type d'informations auxquelles elle aurait accès et les modalités de ses relations avec les services de renseignement devaient être déterminés en tenant compte des exigences propres à l'efficacité de l'action de renseignement.

Le rapporteur pour avis a ensuite présenté les principales dispositions du projet de loi.

La délégation parlementaire pour le renseignement, commune à l'Assemblée nationale et au Sénat, comporterait six membres, dont trois députés et trois sénateurs. Sur ces six membres, quatre seraient membres de droit, à savoir les présidents des commissions de la défense et des lois des deux assemblées. Les deux autres membres seraient désignés par chaque Président d'assemblée de manière à garantir une composition pluraliste.

Le champ de compétence de la délégation couvrirait les services de renseignement du ministère de la défense (direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), direction du renseignement militaire (DRM) et direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD)) et ceux du ministère de l'intérieur (direction de la surveillance du territoire (DST) et direction centrale des renseignements généraux (DCRG)).

Le rapporteur pour avis a précisé que la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et le service à compétence nationale Tracfin sont généralement considérés comme appartenant à la « communauté du renseignement » et agissent dans certains domaines intéressant la sécurité nationale, comme la lutte contre le financement du terrorisme, contre les organisations criminelles transnationales ou contre le trafic d'armes. Considérant cependant que leur action, en la matière, semble moins directe que celle des services des ministères de la défense et de l'intérieur, il ne lui a pas paru indispensable, à ce stade, d'élargir le champ de compétence de la délégation au-delà des services spécialisés dans le renseignement de sécurité proprement dit.

Le projet de loi encadre strictement les attributions de la délégation, dont la mission générale est d'être informée sur l'activité générale et sur les moyens des services précités. Les ministres de la défense et de l'intérieur lui adresseront des informations et des éléments d'appréciation relatifs au budget, à l'activité générale et à l'organisation de ces services.

Toutefois, trois restrictions sont imposées quant à la nature des informations transmises :

- elles ne peuvent porter sur les activités opérationnelles des services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités ;

- elles ne peuvent porter sur les relations avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement ;

- elles excluent toute donnée dont la communication pourrait mettre en péril l'anonymat, la sécurité ou la vie d'une personne relevant ou non des services intéressés, ou pourrait compromettre les modes opératoires propres à l'acquisition du renseignement.

Le projet de loi précise que, seuls, les ministres et les directeurs des services concernés, ainsi que le secrétaire général de la défense nationale peuvent être entendus par la délégation.

Le rapporteur pour avis a justifié certaines de ces restrictions, qui visent à ne pas porter atteinte à l'efficacité des actions des services ou à la sécurité de leurs agents. Il a en revanche estimé que la rédaction du texte mérite d'être améliorée afin de compléter la nature des informations qui seront transmises à la délégation et à élargir ses possibilités d'audition.

Le projet de loi impose le secret des travaux de la délégation. Les parlementaires seront habilités ès qualités à connaître des informations relevant du secret de la défense nationale, et les agents des assemblées parlementaires les assistant pourront connaître des mêmes informations après avoir satisfait à la procédure d'habilitation prévue pour la protection du secret de la défense nationale. Les uns et les autres seront astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils auront pu avoir connaissance dans le cadre de ces travaux.

Enfin, le projet de loi prévoit qu'un rapport annuel, non public, serait remis par le président de la délégation au Président de la République, au Premier ministre et au Président de chaque assemblée.

En conclusion, le rapporteur pour avis a estimé que, d'une manière générale, le projet de loi témoignait d'un souci d'équilibre entre l'exigence d'information et celle de confidentialité, ainsi qu'entre l'évaluation parlementaire du fonctionnement des services et la nécessité d'éviter les interférences avec le domaine opérationnel. Il a ajouté que les amendements qu'il proposera viseront à renforcer le rôle de la délégation sans modifier cet équilibre. Il a souligné que le succès de la démarche reposera sur l'établissement d'une relation de confiance entre la délégation et les services.

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