Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 juin 2007 : 1ère réunion
Traités et conventions — Responsabilité parentale et mesures de protection des enfants - examen du rapport

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam, rapporteur :

a rappelé, en préambule, qu'en tant que sénateur représentant les Français de l'étranger, elle s'était préoccupée, depuis déjà de nombreuses années, des conflits autour de la garde des enfants de couples binationaux divorcés ou séparés et des cas douloureux d'enlèvements transfrontaliers d'enfants.

a ensuite présenté l'origine et le contenu de la convention. Elle a rappelé que la convention du 19 octobre 1996 avait été élaborée dans le cadre de la Conférence de La Haye sur le droit international privé, une organisation intergouvernementale ayant pour but de travailler à l'unification progressive des règles de droit privé. Cette convention représente une avancée majeure du point de vue de la protection des mineurs, en améliorant sensiblement les mécanismes prévus par une précédente convention de 1961. En particulier, la convention de 1996 introduit une importante novation dans la détermination de l'autorité compétente pour prendre des mesures de protection de l'enfant. Cette convention de 1961 stipulait une compétence concurrente de la juridiction de l'Etat de résidence de l'enfant et de celle de l'Etat de sa nationalité, permettant que les juges prononcent des décisions contradictoires au sujet de la garde des enfants de couples binationaux divorcés ou séparés, entraînant souvent le risque d'un déplacement illicite d'enfant ou le non-respect du droit de visite. Afin de remédier à ces difficultés, la convention de 1996 pose la compétence de principe de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant. Elle unifie la loi applicable en matière de responsabilité parentale et concernant les mesures de protection de l'enfant. Elle s'efforce, enfin, de résoudre les problèmes soulevés par les déplacements illicites d'enfants.

a ensuite indiqué que la ratification de cette convention par la plupart des Etats membres de l'Union européenne, dont la France, était actuellement bloquée en raison d'une difficulté portant sur son articulation avec le droit communautaire, le cadre juridique communautaire de la coopération judiciaire civile ayant considérablement évolué entre la fin des négociations et la signature de cette convention. Le traité d'Amsterdam a entraîné la « communautarisation de ces matières » et la Communauté s'est vue reconnaître une compétence pour légiférer dans ces domaines. Sur cette base, le Conseil a adopté, le 29 mai 2000, un règlement communautaire, dit « règlement de Bruxelles II », relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. Ce règlement a été remplacé par un nouveau règlement, dit « Bruxelles II bis », entré en vigueur le 1er mars 2005. Certaines dispositions de ce règlement couvrent exactement le même champ que la convention de La Haye de 1996.

Aujourd'hui, la Communauté a donc une compétence en vertu des traités en matière de coopération judiciaire civile et elle a exercé cette compétence sur le plan interne. La Commission européenne a en conséquence considéré que les Etats membres n'étaient plus libres de ratifier eux-mêmes la convention de La Haye, en application de la jurisprudence AETR de la Cour de justice de Luxembourg. Selon cette jurisprudence, seule, la Communauté est compétente pour signer ou ratifier des traités dans des domaines où elle dispose d'une compétence et où elle a légiféré.

Toutefois, étant donné que la convention de La Haye contient des stipulations qui n'affectent pas les compétences communautaires, il a été admis que les Etats membres et la Communauté ont une compétence partagée pour participer à cette convention, qui s'apparente donc à un « accord mixte ».

Le Conseil de l'Union européenne a donc adopté une décision le 19 décembre 2002 autorisant les Etats membres à signer cette convention dans l'intérêt de la Communauté. A l'exception des Pays-Bas, les Etats membres ont donc simultanément signé la convention de La Haye, le 1er avril 2003. Le Conseil et la Commission ont convenu que cette décision serait suivie d'une décision du Conseil autorisant les Etats membres à ratifier cette Convention, dans l'intérêt de la Communauté. Cette dérogation exceptionnelle à l'exercice normal de la compétence communautaire a été justifiée, dans ce cas particulier, en raison de l'utilité de la convention pour la protection des enfants et de la nécessité de s'assurer de l'entrée en vigueur rapide de ce texte.

La ratification de cette convention est soumise à deux conditions, l'une sur la forme, l'autre sur le fond. D'une part, les Etats membres doivent déposer simultanément les instruments de ratification ou d'adhésion à la convention. D'autre part, les Etats membres doivent souscrire, lors de la ratification, une déclaration selon laquelle les dispositions du règlement communautaire primeront sur les stipulations de la convention dans les relations entre les Etats membres de l'Union européenne. La convention de La Haye a, en effet, vocation à s'appliquer dans les rapports avec les Etats tiers, tandis que le règlement communautaire devrait régir, pour l'essentiel, les relations entre les Etats membres de l'Union européenne, à l'exception du Danemark, auquel le règlement communautaire ne s'applique pas.

La Commission européenne a présenté un projet de décision autorisant les Etats membres à ratifier la convention de La Haye dans l'intérêt de la Communauté. Toutefois, l'adoption de cette décision est bloquée depuis plusieurs années, en raison d'un différend entre le Royaume-Uni et l'Espagne sur l'application de ces dispositions à Gibraltar.

En définitive, pour Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, la situation actuelle est paradoxale, puisque, d'un côté, la ratification et l'application de la convention de La Haye font partie des engagements communautaires de la France et, de l'autre côté, la France ne pourra pas déposer ses instruments de ratification auprès du dépositaire de la convention tant que n'aura pas été réglé le différend qui oppose le Royaume-Uni et l'Espagne au sujet de Gibraltar.

En conclusion, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a fait part de sa profonde préoccupation à l'égard du fait qu'un instrument d'une importance majeure pour la protection des enfants reste bloqué pour une question sans rapport avec son objet.

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