Intervention de Jean François-Poncet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 12 avril 2006 : 1ère réunion
Audition de Mme Hind Khoury déléguée générale de palestine en france

Photo de Jean François-PoncetJean François-Poncet :

a apporté les éléments suivants :

- le général Musharraf a peu de marge de manoeuvre à l'égard des madrasas, puisqu'elles scolarisent et nourrissent la majorité des enfants du pays : elles assurent ainsi le rôle d'école des pauvres. Les plus subversives ont été fermées, et seul un petit nombre d'entre elles, situées dans le Nord-Ouest du pays, ont formé des futurs taliban. Par ailleurs, leur enseignement s'est diversifié et porte désormais sur d'autres disciplines que la seule religion. Il est cependant indéniable qu'elles ont une influence « islamisante » sur l'ensemble de la société, alors que l'Islam du Sud-Est asiatique, qui prévalait jusqu'ici au Pakistan, était traditionnellement syncrétique et assez tolérant. Cette période semble désormais révolue, et l'ensemble de la société, notamment les élites étudiantes, sont touchées par une profonde islamisation qui peut produire des résultats inquiétants et compromettre l'aspiration du général Musharraf à voir le Pakistan être le vecteur d'un islam modéré. Cette évolution conduit aussi à un fossé croissant entre l'Occident et l'Orient, qui a le sentiment que tout est toujours pardonné à Israël, alors que l'Islam est l'objet d'humiliations répétées ;

- le Pakistan pratique indéniablement un double langage s'agissant de la prolifération nucléaire opérée par le Dr Khan. Le discours officiel le présente en effet comme un scientifique de haut niveau ayant agi de façon individuelle pour maintenir le secret sur ses travaux. Cette version est peu crédible, mais il faut relever que les Etats-Unis ont semblé l'accepter, soucieux qu'ils étaient d'obtenir l'appui du Pakistan dans leur lutte contre le terrorisme. En réalité, cette prolifération est au coeur d'un système d'échanges entre l'Iran, le Pakistan et la Chine, qui permet à chacun de ces pays de retirer des avantages spécifiques ;

- les services secrets ont été, après 2001, largement remaniés par le général Musharraf, et ils ne semblent plus constituer, comme auparavant, un « Etat dans l'Etat » ;

- en matière de répression du terrorisme dans les zones tribales, les Pakistanais déploient des efforts réels, mais se heurtent à la solidarité entre Pachtounes ;

- l'image politique de la France au Pakistan est positive, du fait de sa politique d'équilibre au Moyen-Orient et de son opposition à l'intervention américaine en Irak. Il semble cependant que les acteurs économiques français négligent le marché pakistanais, pourtant plus que jamais ouvert aux Européens après le désenchantement ressenti par Islamabad envers les Etats-Unis. La diplomatie française semble craindre qu'une relation plus suivie avec le Pakistan ne heurte l'Inde, alors que des opportunités raisonnables existent dans le domaine militaire, notamment pour la fourniture de sous-marins classiques de nouvelle génération, au moment où une vive concurrence allemande se fait jour ;

- le port de Gwadar, situé à l'ouest de Karachi et construit sur capitaux chinois, dispose d'un site naturel bien situé en face d'Oman et à l'entrée du Golfe persique. Le Pakistan est aujourd'hui à la recherche de capitaux privés qui permettraient de développer ces infrastructures de base réalisées par les Chinois. Ces derniers ont en effet des relations de qualité avec le Pakistan et fournissent des équipements à son armée de terre. Cependant, à l'occasion de la crise de Kargil, la Chine a clairement fait comprendre qu'elle ne soutiendrait pas le Pakistan contre l'Inde au-delà de certaines limites.

Puis la commission a autorisé la publication de la communication sous la forme d'un rapport d'information.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion