Intervention de Philippe Nachbar

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 21 octobre 2009 : 1ère réunion
Réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques — Examen du rapport pour avis

Photo de Philippe NachbarPhilippe Nachbar, rapporteur pour avis :

a indiqué que la commission de la culture avait décidé de se saisir pour avis de ce texte afin de contribuer à la réflexion de fond sur le marché de l'art.

Il a souhaité remercier ses collègues, MM. Philippe Marini et Yann Gaillard, pour leur initiative car, comme le précise l'exposé des motifs de leur proposition de loi, la réforme proposée répond non seulement à l'obligation de transposition de la directive dite « services » mais vise également à revitaliser le marché de l'art en France.

Il a ensuite relevé que de nombreux professionnels et spécialistes avaient mis l'accent sur la nécessité de permettre au marché de l'art français de retrouver un souffle et un rang au niveau international. Quelques chiffres, souvent mentionnés dans les différents rapports sur le sujet, sont assez frappants pour souligner l'urgence de la situation. Il a ainsi rappelé le constat alarmant fait par le Conseil économique, social et environnemental : alors qu'elle figurait au premier rang dans les années 1950, la France ne représente plus désormais que 6,5 % du marché mondial des ventes aux enchères d'art, tandis que Christie's et Sotheby's en contrôlent à elles seules plus de 70 %. Il a également indiqué que Paris réalise en un an les ventes de New-York en un mois et que, depuis 2007, la France est devancée par le marché asiatique émergent (Chine, Taïwan, Hong Kong).

Estimant que ce seul constat aurait ainsi été une raison suffisante pour réagir et proposer des réformes pour le marché de l'art en France, il a évoqué les rapports de Pierre Simon ou Martin Bethenod qui ont analysé les freins réglementaires et fiscaux à l'essor du marché français ayant favorisé une délocalisation des ventes d'oeuvres d'art vers Londres ou New-York. Ainsi, comme le soulignait le rapport d'avril 2008 du conseil économique et social, c'est le patrimoine culturel de la France qui est ainsi exporté sans générer de création de valeur sur place.

Puis M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a remercié sa collègue rapporteur de la commission des lois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour l'excellent travail qu'elle a réalisé et qui a permis à sa commission d'adopter un texte remarquable, tant pour l'ambition qu'il porte que pour l'équilibre proposé : équilibre entre libéralisation de l'activité des ventes volontaires aux enchères et garanties apportées au public, équilibre des droits et des devoirs entre les différentes professions concernées, et enfin équilibre entre les nécessaires réformes et le maintien des dispositions qui ont fait leur preuve.

Il a observé que la libéralisation de l'activité des ventes volontaires, dont le principe était affirmé à l'article premier, se concrétise à travers plusieurs dispositions, telles que la liberté de forme juridique pour les opérateurs, l'assouplissement de la mise en oeuvre de la garantie de prix et de la « vente après enchères » dite « after sale », ou encore la substitution du régime de déclaration au régime d'agrément.

a souhaité attiré l'attention de la commission sur l'autorisation de la vente de gré à gré par les opérateurs de ventes volontaires. Même si ce type de vente reste accessoire, cette réponse était très attendue car les grandes maisons de ventes ne pouvaient qu'inciter les clients désireux d'y avoir recours à délocaliser leur vente à l'étranger où cette possibilité existe déjà. Se déclarant néanmoins conscient des réticences de certains antiquaires, marchands ou galeristes à cet égard, il a affirmé ne pas douter un seul instant que leurs compétences, leur savoir-faire, leur capacité d'accompagnement des vendeurs et acquéreurs continueraient à être appréciés et recherchés. Il a noté que le professionnalisme des marchands et artisans d'art en France est mondialement reconnu et qu'il n'y a aucune raison pour qu'il en soit autrement à l'avenir.

a souligné ensuite que le texte présenté est équilibré car il propose, en contrepartie de la libéralisation de l'activité des ventes volontaires, des garanties pour le public des ventes aux enchères. Il s'agit, par exemple, des mesures de publicité de l'intervention d'un salarié, dirigeant ou associé d'un opérateur dans le cadre très restreint mais possible de l'achat pour revente. Il s'agit également de l'information relative au délai de prescription des actions relatives à des ventes volontaires, à l'intervention d'experts dans l'organisation de la vente et aux garanties souscrites par eux en matière d'assurance. Il s'agit enfin, par exemple, de l'information du public sur les prestations de courtage aux enchères par voie électronique proposées par EBay, pour ne citer que la société la plus connue. Il a souligné l'importance de ces garanties pour le bon fonctionnement du marché et a rappelé l'attachement de la commission de la culture à de telles mesures.

Puis il a expliqué que le Conseil des ventes volontaires, dont le rôle d'autorité de régulation est précisé, contribuerait en outre à garantir la moralité des acteurs du marché des ventes volontaires à travers sa mission d'identification des bonnes pratiques et de promotion de la qualité des services. Il a suggéré d'identifier clairement son rôle d'observateur économique, et pour ce faire de prévoir la présence de professionnels en activité parmi ses membres, afin d'apporter un éclairage pertinent.

a souhaité s'arrêter plus particulièrement sur la question d'EBay, notant que si l'article 5 du texte précise l'activité de courtage aux enchères et les garanties dont elle est assortie, il semble néanmoins particulièrement important d'insister sur ce point. Il convient d'éviter toute confusion dans l'esprit des consommateurs et de protéger les vendeurs et acquéreurs qui utiliseraient une telle plate-forme. Il a préconisé une attention particulière à l'application de cet article et notamment à la rédaction de l'arrêté qui devra préciser les conditions dans lesquelles le prestataire de services devra porter à la connaissance du vendeur et de l'acquéreur la réglementation relative à la circulation des biens culturels.

a également souhaité insister sur l'exclusion des biens incorporels du champ d'application de la présente loi. Ces biens, tels que les brevets, marques ou fonds de commerce - et bien évidemment aussi, les droits d'auteur - sont régis par des règles de cession bien précises définies par le code de la propriété intellectuelle ou le code de commerce. L'ouverture des ventes volontaires à de tels biens ne pourrait pas se faire sans une réflexion approfondie, dans le cadre d'un autre texte de loi.

Au-delà des mises en garde, il a expliqué qu'il s'était interrogé sur deux autres dispositions que la commission de la culture pourrait proposer d'amender.

Le premier point concerne le régime de responsabilité des experts, actuellement à deux vitesses. D'une part, l'article L. 321-17 du code de commerce prévoit un régime des actions en responsabilité dérogatoire avec un délai de prescription de cinq ans à compter d'un point fixe, celui de l'adjudication ou de la prisée, pour les experts qui procèdent à l'estimation de biens à l'occasion des ventes de meubles aux enchères publiques. D'autre part, pour tous les autres cas de figure, c'est-à-dire pour les experts exerçant leur activité hors du cadre des ventes publiques, c'est le droit commun qui s'applique avec un délai de 5 ans ayant un point de départ « glissant », identifié comme le jour où le demandeur avait, ou aurait dû avoir, connaissance de l'erreur d'expertise. M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a en outre évoqué le problème des compagnies refusant d'assurer ces professionnels pour des durées pouvant aller jusqu'à vingt ans. Il a jugé opportun de revenir sur cette situation dans la mesure où les experts pourraient être davantage enclins à émettre des réserves sur l'origine et la valeur de certaines oeuvres d'art, ce qui serait préjudiciable au marché de l'art en France. Il a toutefois fait remarquer qu'il n'était pas possible d'envisager une telle dérogation au droit commun sans un minimum de formalisme tendant à identifier clairement le point de départ du délai de prescription. Ce pourrait être la date de l'expertise figurant sur un certificat, délivré et signé par l'expert.

a ensuite présenté sa dernière proposition d'amendement relative à l'article 12 bis qui interdit la revente à perte. Il a noté que cette disposition, justifiée par l'ouverture des ventes volontaires aux biens neufs, paraissait difficilement applicable pour le marché de l'art, mais aussi pour les biens d'occasion en général. La cote d'un artiste est un élément susceptible de fluctuer dans le temps et il est difficile d'appliquer aux oeuvres d'art des considérations économiques spécifiques aux biens neufs.

Sous réserve de ces quatre amendements, M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a demandé à la commission de donner un avis favorable au texte de la commission des lois.

Il a fait remarquer qu'avec l'adoption de cette proposition de loi ainsi modifiée, le Parlement répondrait à une série de questions soulevées par le rapport Bethenod qui avait envisagé une approche équilibrée entre les différents acteurs du marché de l'art. Il a ajouté que d'autres recommandations de ce rapport, notamment fiscales, avaient déjà été prises en compte. Il a notamment évoqué la suppression, pour les objets d'occasion, de la taxe applicable aux ventes des produits de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l'orfèvrerie et des arts de la table. Il a aussi mentionné l'élargissement de l'application du taux réduit de TVA à l'importation (soit 5,5 % au lieu du taux normal de 19,6 %), notamment aux meubles « Arts déco » et « Art nouveau », qui a permis leur assimilation à des « objets de collection » dans une instruction fiscale du 10 décembre 2008. Cette définition élargie de l'objet de collection a en outre permis la déductibilité de ces biens de l'assiette de l'ISF.

Mais M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a rappelé que ces réformes ne devaient pas cacher deux enjeux majeurs, pour le dynamisme du marché de l'art, que sont le droit de suite et la TVA à l'importation. Il a néanmoins proposé de ne pas développer ces points afin de circonscrire son intervention à la proposition de loi.

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