Puis la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le débat d'orientation des finances publiques pour 2010.
a noté que l'explosion des déficits et plus encore le gonflement des passifs publics consécutifs au sauvetage du système financier mondial ont profondément perturbé les repères traditionnels en matière de finances publiques. Il a estimé que l'on se trouve ainsi « comme en état d'apesanteur financière ».
La crise a un impact ambivalent sur les perspectives économiques françaises. D'un côté, elle fragilise encore plus des comptes publics déjà minés par trente-cinq années de déficits ; de l'autre, la France s'en sort mieux que le Royaume-Uni ou l'Espagne, en dépit des efforts vertueux menés par ces pays au cours des années récentes.
a observé que le consensus des conjoncturistes évalue à - 2,9 % l'évolution de la croissance en 2009. La prévision publiée par le Gouvernement en juin 2009 (- 3 %), d'habitude légèrement plus favorable, lui est donc désormais quasiment identique. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, la récession actuelle n'est pas la plus grave en termes de croissance trimestrielle : le profil d'évolution du produit intérieur brut (PIB) apparaît comparable à celui des récessions précédentes. Selon la moyenne des scénarios des économistes, la croissance devrait être quasiment nulle en 2010. Cette situation pourrait conduire au maintien durable du déficit public autour de 7 points de la richesse nationale et à une dette publique de près de 100 points de PIB.
a noté que, avec la même prévision de croissance, le Gouvernement prévoit un déficit supérieur d'environ un point aux prévisions réalisées par la commission des finances, la Commission européenne et le consensus des économistes, ce qui s'explique par la forte contraction du produit de l'impôt sur les sociétés. Celui-ci passerait en effet de 50 milliards d'euros en 2008 à 20 ou 25 milliards d'euros en 2009, cet effondrement semblant inéluctable.
En outre, deux phénomènes durables devraient aggraver le déficit :
- d'une part, la remontée du taux de chômage, qui devrait dépasser les 10 % fin 2009, contre 7,9 % fin 2008 : il faut habituellement une croissance supérieure à 2 % pour que celui-ci diminue, ce qui risque de ne pas se produire à court terme. Le surcoût de deux points de chômage peut être estimé à 8 milliards d'euros, soit 0,4 point de PIB, en « régime de croisière » ;
- d'autre part, une perte définitive de richesse : en effet, le PIB perdu lors des grandes crises bancaires n'est habituellement pas rattrapé, même si la croissance potentielle retrouve généralement son rythme habituel.
Dans ces conditions, le déficit structurel de la France pourrait passer de 3 % à 5,5 % du PIB. Selon les projections de la commission des finances, le déficit public atteindrait 7,4 % du PIB en 2009 et serait ramené à 6,8 % en 2012. La dette publique atteindrait 88,1 % du PIB en 2012 selon le scénario du Gouvernement et 92,2 % du PIB selon le scénario retenu par la commission des finances. Elle pourrait ainsi se stabiliser à près de 100 points de PIB.
Pour éviter une telle situation, M. Philippe Marini, rapporteur général, a mis en évidence certains principes destinés à garantir la soutenabilité du modèle économique et social français.
Le premier impératif consiste à maîtriser la dépense publique et à sauvegarder les recettes fiscales, même pendant la crise. M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté que les évolutions erratiques de l'inflation ont compliqué, en 2008 et 2009, le pilotage de la dépense de l'Etat. Il a relevé que la baisse de l'inflation constitue une « aubaine » pour le Gouvernement, qui enregistre automatiquement des économies substantielles sur les dépenses de pensions ou la charge de la dette.
Il a ensuite retracé l'évolution des effectifs du budget général de l'Etat, en notant que 45 % des départs à la retraite (soit 30 600 postes) ne seront pas remplacés dans les services de l'Etat en 2009, les suppressions de postes devant atteindre 33 493 équivalents temps plein (ETP) en 2010 pour 67 900 départs, soit un taux de non-remplacement de 50 %. La multiplication des opérateurs de l'Etat constitue toutefois un « point de fuite » à surveiller.
a estimé que la principale variable d'ajustement à la baisse des dépenses de l'Etat de 2009 à 2012 réside dans la catégorie des dépenses autres que la charge de la dette ou les dépenses de personnel, qui regroupe les investissements de l'Etat, ses dépenses de fonctionnement, les subventions aux opérateurs, les « prestations de guichet », les dotations régies par des textes et les autres interventions. Ce « gisement » d'économies représente un montant total de crédits de 111,4 milliards d'euros en 2009, soit un tiers du budget de l'Etat, mais il ne saurait être mobilisé qu'au prix de réformes de structure ambitieuses.
Dans ce contexte, il est nécessaire de préserver les recettes publiques. L'application des règles de bonne gouvernance édictées par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 en matière de recettes est cependant problématique. L'article 11 de cette loi prévoit bien que les créations ou extensions de « niches » fiscales ou sociales sont compensées par des suppressions ou diminutions d'autres « niches », au titre de chaque année de la période de programmation, mais certaines décisions récentes s'en écartent, comme la baisse du taux de TVA dans la restauration.