Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. François Trucy, rapporteur pour avis, a souligné que les lois de programmation militaire s'inscrivent dans le cadre d'orientations à plus long terme définies par des « livres blancs ». Il y a eu, à ce jour, trois livres blancs, publiés en 1972, 1994 et 2008, et rédigés par des commissions présidées, respectivement, par MM. Michel Debré, Marceau Long et Jean-Claude Mallet. Les lois de programmation militaire ont un champ désormais très large : alors qu'initialement elles se contentaient de prévoir les crédits d'équipement, elles définissent désormais l'ensemble de la politique de défense, grâce en particulier à un rapport annexé fixant des objectifs opérationnels. En revanche, leur rôle normatif est faible : les autorisations d'engagement et les crédits de paiement qu'elles prévoient sont du domaine exclusif des lois de finances. Compte tenu de la durée des grands programmes d'armement, elles se contentent, pour l'essentiel, de tirer les conséquences de décisions prises antérieurement. Si leur intitulé se réfère habituellement à une période de quatre ou six ans, cet horizon ne correspond qu'à celui des crédits de paiement : elles prévoient en effet des acquisitions de matériels à bien plus long terme, parfois à l'horizon d'une quinzaine d'années. Ce sont ces prévisions d'acquisitions à long terme, plus que les crédits de paiement prévus à moyen terme, qui constituent le véritable apport d'une loi de programmation militaire.
Le présent projet de loi retient une durée de six ans pour la programmation des crédits de paiement, mais il prévoit également que la présente programmation sera révisée au bout de quatre ans, c'est-à-dire en principe en 2012. Une nouvelle loi de programmation, de six ans, mais elle aussi révisable au bout de quatre ans, doit alors couvrir la période 2013-2018. Il s'agit de prendre compte l'évolution du contexte stratégique, mais aussi la situation des finances publiques, qui ne permettra peut-être pas la croissance de 1 % des dépenses en volume prévue à compter de 2012. Une autre innovation du présent projet de loi, celle-ci non prévue, consiste en son examen particulièrement tardif. Si, sur les huit lois de programmation précédentes, trois ont été promulguées au cours de leur première année d'application, cette promulgation n'a jamais été postérieure au mois de mai.
Le présent projet de loi prévoit une croissance des dépenses (avant prise en compte du plan de relance de l'économie) de 0 % en volume jusqu'en 2011 puis de 1 % en volume ensuite. Les dépenses passeraient de 30 milliards d'euros en 2008 à 33 milliards en 2020 (en euros de 2008) et les dépenses d'équipement de 15,5 milliards d'euros en 2008 à 20 milliards en 2020 (en euros de 2008). Le financement doit être en partie assuré par des ressources exceptionnelles, pour un montant de 3,7 milliards d'euros.
Le présent projet de loi fait preuve de réalisme, en abandonnant le « modèle d'armée 2015 », qui coûterait 35 milliards d'euros de plus jusqu'en 2015. La part dans le produit intérieur brut (PIB) des dépenses de défense passerait de 1,6 à 1,4 point jusqu'en 2020. Les marges de manoeuvre sont faibles : il est urgent de renouveler certains matériels, et le mode d'indexation des contrats d'armement entraîne une augmentation du coût supérieure d'un point à l'inflation.
Les sommes en jeu ont considérablement varié depuis le Livre blanc. Sur la période 2009-2014, le texte initial du présent projet de loi prévoyait 1,66 milliard d'euros (de 2008) de plus que le Livre blanc. Après prise en compte du plan de relance de l'économie, ce montant est passé à 2,73 milliards d'euros. En sens inverse, la combinaison d'une faible inflation et de la décision du Gouvernement de ne pas respecter la loi de programmation des finances publiques devrait réduire les crédits de paiement de la mission « Défense » de 5 milliards d'euros (courants) jusqu'en 2014, et son « pouvoir d'achat » d'environ 2 milliards d'euros.
En raison d'une modification de la prévision d'inflation en cours de discussion budgétaire, la loi de finances initiale pour 2009 prévoit 150 millions d'euros de plus que ce qui découlerait du projet de loi. Le Gouvernement a par ailleurs fait part, dans son rapport relatif au débat d'orientation des finances publiques pour 2010, de son intention d'utiliser la réserve de budgétisation pour majorer les crédits de paiement pour 2010 de 30 millions d'euros par rapport à ce que prévoit le projet de loi.