Intervention de Jean-Louis Lorrain

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 juin 2011 : 1ère réunion
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture

Photo de Jean-Louis LorrainJean-Louis Lorrain, rapporteur :

Ce texte depuis longtemps attendu, qui nous revient en deuxième lecture, apporte des modifications essentielles aux règles actuelles de l'hospitalisation sous contrainte.

Il tend à dissocier l'obligation de soin et les modalités des soins en prévoyant la possibilité pour des patients de faire l'objet de soins sans leur consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète. Après une période d'observation d'une durée maximale de soixante-douze heures, le directeur de l'établissement ou le préfet, selon le régime sous lequel la personne a été admise en soins sans consentement, décidera de la forme de la prise en charge.

Les soins revêtant une autre forme que l'hospitalisation complète incluront des soins ambulatoires et pourront comporter des soins à domicile et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement habilité à recevoir des personnes hospitalisées sans leur consentement.

Pour répondre aux exigences formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 novembre 2010, le projet de loi introduit une saisine obligatoire du juge des libertés et de la détention sur toutes les mesures d'hospitalisation sans consentement. Le juge devra se prononcer dans les quinze jours de l'admission puis tous les six mois.

Le texte prévoit en outre une procédure renforcée pour la levée des soins sans consentement lorsqu'elle concerne des personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles (UMD) ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale. Le préfet et le juge, lorsqu'ils statueront sur le sort de ces personnes, devront recueillir l'avis d'un collège composé de deux psychiatres et d'un membre de l'équipe pluridisciplinaire, ainsi que deux expertises psychiatriques.

Pour prendre en compte la situation des personnes isolées, le projet de loi crée une nouvelle procédure d'admission en soins sans consentement en cas de péril imminent. Cette procédure permettra une hospitalisation en l'absence de tiers demandeur sur la base d'un seul certificat médical.

Les travaux parlementaires ont permis de préciser de nombreux points et d'apporter des compléments utiles au projet de loi. Ainsi, en première lecture, l'Assemblée nationale a prévu un « droit à l'oubli » pour les personnes ayant séjourné en UMD ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale, afin que la procédure renforcée ne leur soit plus applicable après une certaine durée. Elle a aussi prévu une saisine du juge des libertés et de la détention en cas de désaccord entre le médecin et le préfet sur la levée d'une mesure d'hospitalisation complète.

De son côté, le Sénat a souhaité apporter des précisions à la notion de soins hors de l'hôpital sans le consentement du patient. Il a notamment remplacé la notion de « protocole » de soins par celle de « programme » de soins. Il a en outre prévu de faire référence à des lieux de soins plutôt qu'à des formes de soins. Il a précisé les conditions d'élaboration et de modification du programme de soins en prévoyant un entretien entre le psychiatre et le patient.

Notre assemblée a par ailleurs substantiellement amélioré les règles relatives à l'audience du juge des libertés et de la détention, en prévoyant la faculté de tenir l'audience au sein de l'établissement d'accueil, en encadrant le recours à la visioconférence et en permettant la tenue d'une audience non publique pour protéger le malade. Elle a également donné faculté au juge, en cas de levée d'une mesure d'hospitalisation complète, d'ordonner que cette mainlevée prenne effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures pour permettre, éventuellement, l'élaboration d'un programme de soins.

Enfin, le Sénat a fixé à dix ans la durée de la période à l'issue de laquelle s'appliquera le « doit à l'oubli ».

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue sur certaines modifications apportées par le Sénat sur les soins hors de l'hôpital mais a conservé les précisions sur le programme de soins et son élaboration. Elle a aussi prévu que les personnes susceptibles d'être admises en soins psychiatriques sans consentement et prises en charge en urgence devront être transférées vers un établissement psychiatrique dans un délai maximal de quarante-huit heures, mais que la période initiale d'observation et de soins commence dès le début de la prise en charge. Elle a enfin adopté un amendement réécrivant l'article du code de la santé publique sur l'organisation territoriale de la mission de service public de prise en charge des personnes en soins psychiatriques sans consentement.

Compte tenu des clarifications et des améliorations qu'a apportées la navette sur ce texte, qui doit impérativement entrer en vigueur dès le 1er août prochain, et dont certaines dispositions, comme le contrôle du juge des libertés sur les mesures d'hospitalisation, sont particulièrement attendues, je vous propose de l'adopter dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Au cours des prochains mois, nous devrons être très vigilants sur les conditions de mise en oeuvre de la loi, afin de vérifier qu'elle s'applique dans de bonnes conditions.

J'estime également que notre commission devra examiner avec grande attention le contenu du plan de santé mentale que présentera le Gouvernement à l'automne prochain, lequel devra être véritablement ambitieux pour que les nouvelles procédures prévues par la loi soient réellement applicables. Peut-être sera-t-il bon, dans ce cadre, d'entendre la ministre, dès la rentrée.

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