L'année 2010 a permis, contre toute attente, la stabilisation des comptes. Le projet de loi de financement de l'an dernier prévoyait un déficit du régime général de 30,6 milliards d'euros, un ordre de grandeur encore jamais atteint. Fort heureusement, le léger rebond de la croissance et surtout la reprise de la progression de la masse salariale, qui devrait être de 2 % cette année, laissent augurer d'une réduction significative de ce montant, qui pourrait s'élever à 23,1 milliards. La branche maladie resterait la plus déséquilibrée avec un solde négatif de 11,4 milliards, soit la moitié du déficit total. Toutefois, pour la première fois depuis 1997, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) 2010 a été respecté, ce qui traduit la volonté du Gouvernement de tenir les objectifs financiers qu'il nous demande de voter.
L'année 2011 sera la première étape du redressement durable des comptes. Le déficit du régime général devrait s'élever à 21,3 milliards. Les ressources progressent de 4,2 %, sous l'effet de l'amélioration de l'environnement économique mais aussi de mesures nouvelles. Plusieurs visent à financer la réforme des retraites et la reprise de la dette sociale ; d'autres viennent alimenter les différentes branches afin de sécuriser leurs recettes. En matière de dépenses, le projet de loi initial de cette année comprenait un nombre limité de mesures, mais l'Assemblée nationale a significativement complété cette quatrième partie. Mes collègues rapporteurs vous présenteront des éléments plus détaillés pour chacune de ces branches et je vous livrerai dans un instant mes propres réflexions sur l'assurance maladie.
Auparavant, je voudrais vous faire part de mes principales observations et propositions sur les équilibres de nos finances sociales. Première observation : le PLFSS organise la plus importante reprise de dette sociale jamais effectuée. Avec la crise, les déficits sociaux ont atteint des sommets : plus de 50 milliards en deux ans, pour le régime général et le FSV. Portés par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) dans ses comptes, alors que celle-ci n'a pas pour mission de gérer autre chose que des déficits de trésorerie, ils devaient impérativement être transférés à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Vous connaissez le schéma proposé par le Gouvernement, qui figure à l'article 9 du projet de loi : une reprise de 68 milliards d'euros en 2011 correspondant aux déficits du régime général et du FSV pour 2009 et 2010 et aux déficits des branches maladie et famille pour 2011 ; une reprise des déficits de la branche vieillesse et du FSV de 2011 à 2018, à raison de 10 milliards par an, dans la limite globale de 62 milliards. Cela revient à un quasi doublement de la dette reprise par la Cades depuis l'origine : 134,6 milliards ont été repris de 1996 à 2009, 130 milliards supplémentaires lui seront transférés dans le cadre de ce projet de loi. Pour le financement, le Gouvernement a retenu le triptyque suivant : l'allongement de quatre années de la durée de la Cades pour permettre la reprise de la « dette de crise », évaluée à 34 milliards d'euros ; l'accroissement de 3,2 milliards d'euros des recettes affectées à la Cades pour assurer la reprise des déficits structurels, qui s'élèvent eux aussi à 34 milliards d'euros ; la mobilisation de la ressource et des actifs du fonds de réserve des retraites (FRR) pour assurer le refinancement de la dette vieillesse, en attendant le retour à l'équilibre de cette branche en 2018.
Le point le plus contesté de ce dispositif concerne les 3,2 milliards à affecter à la Cades. Le plus simple aurait été d'accroître de 0,26 point la CRDS et, personnellement, je regrette que le Gouvernement n'ait pas choisi cette solution. Dans un premier temps, il a préféré affecter à la Cades un panier de recettes composé de trois taxes liées au secteur des assurances, mais celles-ci ne présentent pas toutes les garanties de pérennité nécessaires. Aussi, devant la résistance de l'Assemblée nationale qui a exigé d'affecter à la Cades de la CRDS ou de la CSG, il a finalement décidé de prélever 0,28 point sur la CSG destinée à la branche famille et d'affecter le panier « assurances » à celle-ci en compensation, mais cette compensation n'est évidemment pas parfaite, comme vous l'indiquera André Lardeux. Je vous proposerai donc un amendement pour garantir à la branche famille les recettes qui lui reviennent et qu'elle devrait perdre avec ce montage à partir de 2013.
Deuxième observation : ce PLFSS repose sur une véritable stratégie de réduction des niches sociales. Plusieurs articles reprennent des mesures que nous avons suggérées, voire votées, au cours des derniers exercices. La principale figure à l'article 12 : c'est l'annualisation du calcul des allégements généraux de cotisations sociales ; le Gouvernement, l'an dernier, s'était déclaré hostile à cette mesure, sous prétexte qu'elle ferait disparaître entre 80 000 et 100 000 emplois, mais il s'y est rallié cette année. La recette, évaluée à 2 milliards d'euros, sera affectée au FSV pour assurer une partie du financement du minimum contributif. Les autres mesures sont l'augmentation du forfait social, porté de 4 % à 6 % pour un gain de 350 millions, le renforcement de la taxation des retraites chapeau pour 110 millions, le relèvement des contributions sur les stock-options auxquelles l'Assemblée nationale a associé les attributions gratuites d'actions pour 70 millions, la taxation des gratifications versées par des tierces personnes pour 70 millions, le plafonnement de l'abattement de 3 % pour le calcul de la CSG pour 20 millions. Beaucoup de ces mesures ont fait l'objet d'amendements de nos collègues de l'opposition dans le cadre du projet de loi sur les retraites ; j'imagine donc qu'ils seront pleinement satisfaits.