Intervention de Gérard Dériot

Commission des affaires sociales — Réunion du 3 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 — Examen du rapport

Photo de Gérard DériotGérard Dériot, rapporteur pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles :

Avec un objectif de dépenses de 13 milliards d'euros pour 2011, la branche AT-MP représente toujours moins de 5 % du budget de la sécurité sociale. Son impact sur l'équilibre général est donc faible. Elle témoigne cependant des vertus d'un régime assurantiel : l'augmentation de 0,1 point de la cotisation due par les entreprises doit permettre dès l'année prochaine de couvrir les charges et même d'espérer dégager un excédent de l'ordre de 100 millions d'euros. Cette augmentation avait été retardée de deux ans pour ne pas faire peser sur les entreprises une charge supplémentaire en période de crise ; ce souci était compréhensible mais la situation ne pouvait durer. Réjouissons-nous que le Gouvernement et les partenaires sociaux se soient mis d'accord pour revenir à un équilibre.

Cette perspective est d'autant plus importante que la réforme des retraites a mis à la charge de la branche le financement de la prise en compte de la pénibilité du travail. Or, l'ambiguïté de certains des critères retenus pour bénéficier d'un départ anticipé lié à la pénibilité rend difficile l'évaluation exacte de l'impact financier qu'auront sur la branche les mesures votées : on l'estime au moins à 200 millions d'euros par an. Il nous faudra donc prêter une attention particulière à la mise en oeuvre des dispositions relatives à la pénibilité, sans doute appelées à évoluer qui plus est.

La discussion de la réforme des retraites a également été l'occasion d'un débat essentiel pour la branche AT-MP. A l'unanimité, nous avons décidé que les victimes de l'amiante éligibles au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) ne seront pas touchées par le report de l'âge de la retraite. Le Gouvernement proposait que le financement de cette mesure soit assuré par la branche AT-MP ; nous ne l'avons pas suivi, car ce transfert n'aurait pas été conforme à la vocation de la branche : le mode de financement spécifique du risque AT-MP implique que les cotisations soient affectées à la protection de la santé des travailleurs, et à rien d'autre.

C'est la même logique qui me conduit à considérer que c'est la branche, et elle seule, qui doit assumer ses dettes. Ce n'est donc pas à la Cades de prendre en charge, comme le propose le projet de loi de financement, la dette d'1,3 milliard constituée en 2009 et 2010, qui sera résorbée rapidement si les excédents de la branche se maintiennent. Alain Vasselle et moi présentons un amendement en ce sens.

Au-delà de ces considérations financières, nous pouvons nous réjouir de voir les accidents du travail continuer à régresser dans notre pays, avec un recul particulièrement important en 2009 de 7,8 %. Ces accidents, moins nombreux, sont aussi moins graves, avec une diminution du nombre de décès mais aussi des incapacités permanentes. Hélas, c'est toujours dans les mêmes secteurs que l'on rencontre le plus de victimes : voici plusieurs années que la manutention manuelle provoque plus du tiers des accidents avec arrêt de travail. Un effort particulier de prévention est donc nécessaire. Plus préoccupant, le nombre de maladies professionnelles continue de croître, en partie grâce à une meilleure reconnaissance des pathologies liées au travail, mais aussi en raison de l'apparition de nouvelles pathologies liées notamment à l'usage des produits chimiques, et plus encore du développement des troubles musculo-squelettiques. Surtout, le nombre de maladies mortelles s'est accru d'un tiers en 2009, effaçant la baisse enregistrée au cours des cinq années précédentes. Si le nombre de décès reste faible, cet accroissement tragique s'explique à mon sens par le drame de l'amiante, responsable de 90 % des cancers d'origine professionnelle. Il est d'autant plus important que le système d'indemnisation des victimes de l'amiante soit efficace : j'y reviendrai.

La mesure la plus importante de ce PLFSS porte à dix ans le délai de prescription des demandes des victimes de l'amiante, actuellement de quatre ans. Cet allongement permettra de traiter les demandes des quelque 650 victimes déjà forcloses ainsi que les 350 dossiers en attente qui risqueraient de connaître le même sort. Après avoir étudié les aspects techniques de cette question, cette solution me paraît être la meilleure. Les autres dispositions sont plus mineures : extension aux entreprises agricoles du régime de majoration de cotisation sans notification préalable que nous avons adopté l'an dernier pour les autres entreprises lorsqu'aucune mesure de prévention n'est prise après un accident ; instauration d'un système de subventions simplifié pour accompagner les mesures de prévention ; versement traditionnel à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles, soit 710 millions d'euros, montant inchangé depuis trois ans - le prochain rapport sur la sous-déclaration devant être remis en 2011, nous pourrions alors auditionner M. Diricq, le président de la commission qui va l'établir - ; dotations de 800 millions d'euros au Fcaata et de 340 millions au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), ce qui correspond à leurs besoins ; fixation de l'objectif de dépense de la branche pour 2011.

J'en viens aux trois amendements portant articles additionnels que je vous propose d'adopter. Le premier répond à une demande du Médiateur de la République formulée en 2005, pour laquelle une disposition a été votée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, mais qui est restée sans effet : il s'agit d'harmoniser les modalités de prise en charge de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (Acaata), car des inégalités persistantes peuvent aboutir à priver purement et simplement les travailleurs de leur indemnisation, comme notre collègue Jean-Pierre Godefroy l'a rappelé. Le deuxième renforce la lutte contre la fraude en matière de déclaration des accidents du travail par les employeurs. Le troisième est également un amendement d'harmonisation, cette fois pour garantir que les pensions servies pour cause d'invalidité seront calculées sur des bases identiques pour l'ensemble des régimes.

Sous réserve de ces amendements, je vous propose d'adopter les dispositions du PLFSS relative à la branche AT-MP.

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