La situation financière de la branche vieillesse est, cette année encore, très préoccupante. Elle connaît une détérioration continue de ses comptes depuis six ans, au point d'être devenue en 2008 la plus déficitaire de toutes. Seule satisfaction, si je puis dire : elle est repassée en 2009 derrière la branche maladie dans l'ordre des découverts. Au plus fort de la crise, elle a subi une dégradation moins forte que les autres branches, en raison des transferts en provenance du fonds de solidarité vieillesse (FSV) au titre de la prise en charge des cotisations des chômeurs. Le déficit s'aggrave néanmoins : il s'est accru de 3 milliards d'euros entre 2008 et 2010 pour atteindre 8,6 milliards en 2010, et il aurait dépassé 10,5 milliards en 2011 sans la réforme des retraites.
Je ne reviendrai pas sur les causes démographiques de ce déséquilibre financier ni sur l'ampleur des besoins à législation inchangée : entre 38 et 40 milliards d'euros dès 2015, entre 72 et 115 milliards à l'horizon 2050. La réforme adoptée il y a quelques jours par le Parlement répond à l'urgence de la situation.
Son plan de financement, qui repose sur le rétablissement de l'équilibre général des régimes de retraite à l'horizon 2018, figure dans le présent projet de loi de financement et dans le projet de loi de finances pour 2011. Tous régimes confondus, les mesures d'âge et de convergence entre les régimes devraient permettre de couvrir d'ici à 2018 un peu plus de la moitié des besoins : 40,9 % pour les premières après prise en compte de l'impact des mesures de solidarité et celles liées à la pénibilité, 9,5 % pour les secondes. L'incidence des mesures d'âge résulterait pour environ les deux tiers d'une réduction des dépenses, et pour le tiers restant d'une croissance du produit des cotisations sociales liée au maintien de salariés en activité au-delà des seuils de soixante et soixante-cinq ans. L'effet des mesures de convergence correspondrait pour moitié à des hausses de recettes, du fait de l'augmentation des cotisations salariales des fonctionnaires, et pour moitié à des économies sur les dépenses, notamment dues à la fin du départ anticipé des parents de trois enfants. Parmi les autres éléments du bouclage financier je citerai l'engagement de l'Etat employeur de maintenir son effort financier annuel à l'égard du régime des fonctionnaires de l'Etat, la perspective d'un basculement progressif des cotisations d'assurance chômage vers l'assurance vieillesse à compter de 2015, la mobilisation de recettes nouvelles dès 2011 - hausse d'un point de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, taxation supplémentaire des stock-options et des retraites chapeau, majoration des prélèvements sur les revenus du capital et du patrimoine, annualisation du calcul des allégements généraux de charges patronales, etc. - et le traitement des déficits cumulés de 2011 à 2018.
Lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, un nouveau bouclage financier a été réalisé afin de garantir le retour à l'équilibre envisagé pour 2018. Il repose sur une mobilisation légèrement supérieure du produit des cotisations Unedic - 600 millions au lieu de 400 millions en 2015, 2,4 milliards au lieu de 1 milliard en 2018 et 3,3 milliards au lieu de 1,4 milliard en 2020 -, un effort accru de l'Etat dont la participation nette devait être de 15,9 milliards par an à compter de 2013, un transfert entre régimes, notamment au profit de la Cnav qui afficherait encore un déficit de 2,3 milliards en 2018. Il faut rappeler que le rééquilibrage financier du système de retraite à cette date s'appréhendera de manière globale : certains régimes seront revenus progressivement à une situation excédentaire tandis que d'autres resteront confrontés au déficit, mais dans des proportions moindres qu'aujourd'hui.
Dans cette perspective, je vous rappelle que l'Assemblée nationale avait souhaité la remise d'un rapport sur d'éventuels transferts de recettes ou de charges entre régimes à l'horizon 2014. Hostile à ce mécanisme susceptible d'ouvrir la voie à un « siphonage » des ressources de certains régimes, en particulier des régimes complémentaires Agirc-Arrco, vous aviez, sur ma proposition, supprimé cette disposition, ce que la CMP a confirmé.
Vous vous rappelez aussi que les mesures de solidarité « retraites » votées au Sénat ont également bouleversé l'équilibre financier du texte. Le Gouvernement a donc présenté de nouvelles recettes à l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du PLF et du PLFSS pour 2011. Ainsi le maintien à soixante-cinq ans de l'âge d'annulation de la décote pour les parents de trois enfants ou d'enfant handicapé sera-t-il financé par deux nouvelles mesures : une majoration de 0,2 point du prélèvement social sur le capital et un alignement du taux du prélèvement sur les plus-values de cessions immobilières hors résidence principale sur le taux applicable aux plus-values de cessions mobilières.
J'en viens aux effets financiers attendus de la réforme, qui ont fait l'objet d'une simulation par la Cnav. Compte tenu de la progressivité du relèvement des bornes d'âge, les économies escomptées en termes de prestations pour le régime général vont augmenter au fil du temps entre 2011 et 2020 : elles s'élèveraient à 2,7 milliards en 2014 et à 6,6 milliards en 2020. Quant aux ressources du régime, elles progresseraient grâce aux cotisations supplémentaires engendrées par le maintien en activité des assurés : on table sur 0,5 milliard en 2014 et 1,4 milliard en 2020. Comme l'a expliqué le ministre, la réforme commencera néanmoins à produire ses fruits dès 2011 : le déficit de la Cnav serait ramené de 10,5 milliards à 6,9 milliards.
Quelques mots enfin sur le fonds de solidarité vieillesse et le fonds de réserve pour les retraites. A compter de 2011, la structure de recettes et de dépenses du FSV sera profondément modifiée : 3,5 milliards d'euros de moyens supplémentaires, inscrits en PLF ou en PLFSS, lui seront octroyés l'an prochain. En contrepartie, le fonds prendra en charge une partie des dépenses engagées par le régime général et les régimes alignés au titre du minimum contributif.
Dans le cadre de la réforme des retraites, le Gouvernement a également fait le choix de recourir dès à présent au FRR, opération qui s'articule autour de deux mesures : le transfert à la Cades, à compter de 2011, de l'une de ses principales ressources et la mobilisation partielle de ses actifs. Certes, la date d'entrée en jeu du FRR est anticipée de neuf ans, mais en contribuant au financement du système de retraite entre 2011 et 2024, il conserve sa finalité initiale et cela à double titre : il permettra de refinancer les déficits de la Cnav et du FSV jusqu'en 2018 grâce au transfert de sa ressource à la Cades et à la liquidation progressive de ses actifs ; ce faisant, il allègera la contrainte financière qui pèsera sur la Cnav pendant la période de montée en charge de la réforme des retraites.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments financiers que je souhaitais porter à votre connaissance pour la partie « retraites » de ce PLFSS que je vous propose d'adopter.