Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a rappelé, à titre liminaire, que la mission « Sécurité sanitaire » comptait sept agences, dont les subventions pour charge de service public s'élevaient, pour 2007, à 130 millions d'euros, soit 46 % des dépenses de fonctionnement de la mission.
Elle a précisé que l'objectif de son contrôle budgétaire mené en application de l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) n'était pas d'apprécier la qualité scientifique du dispositif des agences de sécurité sanitaire, mais d'en évaluer le fonctionnement au regard de deux notions, la « bonne administration » et l'efficience.
a rappelé les circonstances qui l'avaient conduite à choisir ce thème, à savoir, l'échéance de 2008, soit la veille du dixième anniversaire de la loi du 1er juillet 1998 qui a créé les quatre principales agences de sécurité sanitaire ; la complexité globale du dispositif, dénoncée par plusieurs rapports récents et, enfin, la LOLF qui invite à la recherche de l'efficience de la dépense publique et à la cohérence des politiques publiques menées.
Elle a ensuite exposé ses trois principales conclusions, à savoir : la non satisfaction du principe de « bonne administration », la sous-optimisation des moyens alloués aux agences et la difficile adaptation des principes de la LOLF aux agences.
a souligné le manque de lisibilité du dispositif des agences, le comparant à une « nébuleuse ». Elle a indiqué que cela tenait au nombre élevé d'acteurs concernés, à leur hétérogénéité, à l'imbrication de leurs compétences et surtout à l'absence de vision claire de l'Etat en la matière.
Elle a fait observer que le schéma actuel ne s'acheminait pas vers la simplification, comme en témoignaient la création continue de nouvelles structures et la montée en puissance du dispositif européen.
S'agissant des modalités d'action et de décision de l'administration, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a indiqué que celles-ci peinaient à s'adapter à la mise en place de cette nouvelle forme institutionnelle que représentaient les agences. Elle a rappelé, en effet, que la création des agences sanitaires devait être replacée dans le contexte plus général « d'agencisation » de l'Etat, qui faisait suite aux thèses du New public management, selon lesquelles les agences étaient le gage d'une action publique réactive et moderne.
Elle a précisé que si le principe de séparation des fonctions d'évaluation et de gestion du risque semblait désormais acquis, deux faiblesses importantes des modes de gouvernance de l'administration étaient néanmoins à souligner : le défaut de pilotage stratégique des agences, d'une part, et le caractère artificiel de l'interministérialité, d'autre part.
Concernant l'exercice de la tutelle, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a indiqué que des progrès avaient été réalisés. Elle a ainsi constaté la clarification des relations entre agences et administrations centrales. En revanche, elle a déploré le fait que l'exercice actuel de la tutelle financière et sectorielle s'accomplisse au détriment du pilotage stratégique des agences.
S'agissant de l'interministérialité, elle a souligné que celle-ci demeurait insatisfaisante, en dépit d'une coopération opérationnelle entre services et de l'existence d'instances de concertation.
a ensuite souligné la non optimisation des moyens alloués aux agences. Elle a constaté, en effet, que si la forte augmentation des crédits et des effectifs des agences avait permis un renforcement du dispositif de sécurité sanitaire, celle-ci était intervenue en l'absence d'encadrement de la tutelle et de contrôle du Parlement. Elle a souligné, en particulier, que les effectifs financés par les opérateurs n'étaient pas soumis au plafond d'emplois voté par le Parlement.
a également précisé qu'en dépit de difficultés à obtenir et à exploiter certains chiffres transmis par l'administration, il était possible de constater l'augmentation parallèle des effectifs de la direction générale de la santé (DGS), alors que l'externalisation de certaines de ses compétences vers les agences aurait dû tendre à les réduire. Elle a toutefois indiqué que cette évolution des effectifs de la DGS était à mettre en parallèle avec l'évolution du périmètre des compétences de celle-ci.
Elle a ensuite indiqué que l'optimisation des moyens alloués aux agences était rendue difficile du fait de la non harmonisation des structures administratives et budgétaires. Elle a ainsi souligné l'étroitesse du périmètre de la mission « Sécurité sanitaire », ainsi que la difficile articulation entre les budgets des opérateurs et celui de l'Etat, certains opérateurs n'étant pas à proprement parler des agences sanitaires, d'autres voyant leur financement éclaté entre plusieurs programmes ou tendant à s'auto-financer.
Enfin, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a souligné la difficulté de mesurer la performance des agences sanitaires, alors même qu'elles étaient les acteurs centraux de la mission, ainsi que les principaux bénéficiaires des crédits du programme « Veille et sécurité sanitaires ». Elle a indiqué que cela tenait à la peine rencontrée pour retracer la part effective de leur activité dans les projets annuels de performances (PAP), à leur association insuffisante lors de la définition des objectifs et des indicateurs du PAP, ainsi qu'aux problèmes de la politique de contractualisation menée entre agences et administration de tutelle.
Evoquant des pistes de réformes, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a noté que les modalités de décision et d'action de l'Etat devaient devenir celles d'un véritable « Etat stratège ». Pour ce faire, il était impératif qu'en matière de sécurité sanitaire, l'Etat se fixe une vision de long terme, ce qui supposait un travail interministériel réel et efficace. Aussi bien a-t-elle proposé la mise en place d'une instance interministérielle, placée sous l'autorité du Premier ministre et regroupant l'ensemble des acteurs concernés par la sécurité sanitaire, à partir de l'actuel Comité national de santé publique.
Elle a ensuite précisé qu'un « Etat stratège » supposait également des moyens budgétaires clairement identifiés et des gestionnaires aux compétences diversifiées. Elle a donc préconisé l'élaboration d'un document de politique transversale (DPT) « Sécurité sanitaire », ainsi que la mise en place d'une réelle gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences au sein de l'administration.
Evoquant certaines références étrangères, notamment le modèle « tout agence » anglo-saxon et scandinave, elle a indiqué qu'il serait, à terme, également nécessaire de s'interroger sur le degré d'autonomie à accorder aux agences, celle-ci pouvant également être source d'efficience. Elle a cependant précisé qu'un équilibre devait être trouvé entre la préservation des prérogatives régaliennes en la matière et la recherche d'une plus grande efficience du dispositif, qui passe par l'autonomisation des agences.
Enfin, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a fait observer que sa mission de contrôle sur les agences de sécurité sanitaire l'avait conduite à s'interroger plus largement sur la déclinaison des principes de la LOLF aux opérateurs. Rappelant les lourdeurs administratives que celle-ci avait pu poser aux agences, elle a indiqué qu'il était nécessaire qu'une réflexion de fond soit menée sur la notion d'opérateur, sur les marges de manoeuvre réelles des responsables de programme en matière de tutelle budgétaire, ainsi que sur la nature et le contenu des contrats passés entre opérateurs et administration de tutelle. Elle a également évoqué la nécessité de réfléchir à l'application des principes de « plafond d'emplois » et de « fongibilité asymétrique » aux opérateurs de l'Etat.
Un large débat s'est ensuite instauré.