Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 18 novembre 2008 à 10h45
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Article 58

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le secrétaire d’État, affirmer, comme vous l’avez fait, que la situation française en matière d’emploi des seniors n’est pas satisfaisante est une lapalissade. Le taux d’emploi des personnes partant à la retraite s’élève à 38 %, ce qui place notre pays dans les derniers rangs au sein de l’Union européenne.

Toutefois, il ne s’agit pas seulement de statistiques. Derrière de tels chiffres se noue un drame à la fois social – des milliers de femmes et d’hommes sont exclus du marché du travail du seul fait de leur avancée en âge – et économique – notre pays se trouve ainsi privé de compétences, d’expériences et de savoir-faire de tout premier ordre –, sans parler des incidences psychologiques, physiques et physiologiques qu’entraîne un départ prématuré du monde du travail.

Au demeurant, le sujet n’est pas nouveau. Ainsi, lors de l’examen du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi par l’Assemblée nationale, le Gouvernement avait présenté en catimini un amendement tendant à un relèvement progressif de l’âge au-delà duquel le salarié est dispensé de recherche d’emploi.

Aux termes de l’exposé des motifs du projet de loi, l’article 58 « vise à mobiliser les partenaires sociaux, au niveau des entreprises, des groupes et des branches afin de définir et mettre en œuvre rapidement des actions en faveur du maintien dans l’emploi des salariés âgés ».

Il est effectivement essentiel que notre marché de l’emploi évolue, afin de permettre à nos compatriotes de demeurer salariés au-delà de cinquante ans. D’après certains économistes, les entreprises ont même tendance à marginaliser progressivement leurs employés dès l’âge de quarante-cinq ans, voire de quarante ans.

Dans les faits, un nouveau dispositif consistant à proposer aux entreprises la signature de plans d’action ou d’accords pour favoriser le travail des seniors, faute de quoi celles-ci seraient pénalisées à hauteur de 1 % de la masse salariale, est instauré.

Si nous pourrions, de prime abord, souscrire à la lettre et à l’esprit d’un tel dispositif, un examen plus attentif du texte en fait apparaître la nature fragile et très facilement contournable.

En effet, dans la mesure où aucune évaluation n’est exigée et où aucune contrainte n’est imposée pour la mise en œuvre des plans d’action, nous nous interrogeons sur l’application effective de la pénalité. Ne restera-t-elle pas une simple menace ? En outre, dès que l’entreprise ou le groupe auront fait part de leur volonté de mettre en place un tel plan, un accord négocié ne pourra plus leur être opposable.

A contrario, si le Gouvernement avait fait preuve d’un minimum de détermination, il aurait pu demander l’ouverture de négociations selon un échéancier précis, afin de parvenir à des accords. À défaut, il aurait même pu menacer de recourir à un texte législatif. Nous savons qu’il en a été capable en certaines occasions. Il est vrai qu’il s’agissait, à l’époque, de répondre aux exigences du MEDEF, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui…

Quoi qu’il en soit, s’il avait opéré de cette manière, les salariés auraient pu se prévaloir d’accords dont les pouvoirs publics auraient pu sanctionner de manière quasiment automatique le non-respect.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, malgré vos explications, comment comprendre la logique gouvernementale ? Présentée comme « vertueuse », celle-ci exclut du champ du dispositif toutes les entreprises de moins de cinquante salariés, ce qui représente près de 3 millions d’entreprises et l’équivalent de plus de 8 millions de salariés !

Que dire du fait que nous ne disposons d’aucun fléchage, d’aucune affectation du produit éventuel de ces pénalités ? Les recettes seront-elles, selon vous, si peu importantes qu’il n’est pas nécessaire d’en préciser la destination ? Le Gouvernement ferait-il preuve de clairvoyance quant aux effets de cette mesure ?

En fait, un tel dispositif est à la fois bien flou et peu volontariste. Des pays comme la Finlande ou la Suède, qui ont engagé de telles politiques, ne ciblaient pas seulement l’emploi des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans, et ils ont réussi !

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