Intervention de Pierre Hérisson

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 20 octobre 2009 : 1ère réunion
Entreprise publique la poste et activités postales — Examen du rapport et du texte proposé par la commission

Photo de Pierre HérissonPierre Hérisson, rapporteur :

Faisant état du contexte hautement politique et médiatique du projet de loi, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a souhaité s'inscrire en faux contre plusieurs affirmations erronées à propos de La Poste. Selon lui, il existe un attachement collectif à l'entreprise publique et aux services qu'elle rend quotidiennement depuis Louis XI. Au-delà de l'image d'Épinal du timbre poste et du facteur, La Poste est un groupe d'envergure européenne comptant 300 000 salariés, ce qui en fait le deuxième employeur français après l'Etat. Elle intervient dans des domaines d'activités économique variés : courrier, colis, express, et activités bancaires, dégageant plus de 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires chaque année.

La Poste est également une entreprise chargée de missions de service public par la loi :

- le service universel postal, sans doute le plus large de tous ceux des pays européens, c'est-à-dire des services postaux de base rendus de façon permanente en tout point du territoire et à des tarifs abordables ;

- le service public du transport et de la distribution de la presse, indirectement abordé par le projet de loi. Cette mission fait l'objet d'un accord tripartite partageant l'effort de financement entre l'Etat, La Poste et les syndicats d'éditeurs de presse pour la période 2009-2015 ;

- la mission d'accessibilité bancaire, elle aussi indirectement abordée par le projet de loi, qui offre des produits et services financiers pour le plus grand nombre, notamment le livret A ;

- enfin, la mission d'aménagement du territoire à laquelle de nombreux élus locaux sont très attentifs. L'objectif de cohésion sociale assigné à La Poste lui impose d'être présente notamment dans les zones urbaines sensibles ou les territoires ruraux ou montagneux, à travers 17 091 points de contact qui se répartissent entre 10 778 bureaux de poste, 4 446 agences postales communales et intercommunales, et 1 758 relais poste.

a ensuite expliqué que ce « joyau national » est aujourd'hui confronté à plusieurs obstacles d'importance :

- la concurrence des nouveaux modes de correspondance, du fait de la dématérialisation des moyens de communication. Cette évolution devrait certes permettre à La Poste de développer de nouveaux relais de croissance, avec le développement intensif du e-commerce et des services en ligne. Toutefois, à court terme, elle touche de plein fouet l'activité « courrier » du groupe, qui a diminuée de 3,5 % en 2008 et devrait baisser de l'ordre de 20 à 40 % à l'horizon 2020 ;

- l'ouverture progressive du secteur postal à la concurrence décidée par les directives postales de 1997, 2002 et 2008 et qui doit être achevée au 31 décembre 2010. A cette échéance, que la France a réussi à repousser de deux ans, La Poste perdra le monopole dont elle jouit aujourd'hui sur le « secteur réservé » -c'est-à-dire essentiellement les courriers de moins de 50 grammes- et devra affronter des opérateurs puissants animés de grandes ambitions : la Deutsche Post et le groupe néerlandais TNT pour l'Europe, ou encore les transporteurs américains UPS et Fedex ;

- la difficulté à financer certaines missions de service public, qui résulte des deux premiers obstacles. Le problème est à peu près réglé pour les missions relatives au « service universel postal », qui fait l'objet d'un fonds de compensation créé en 2005 et sera amené à fonctionner au jour de la suppression du secteur réservé ; celle relative au service « presse », avec l'accord tripartite conclu pour la période 2009-2015, et celle concernant « l'accessibilité bancaire », à travers la rémunération complémentaire perçue par La Poste.

En revanche, la mission d'aménagement du territoire n'est pas correctement compensée. La loi du 2 juillet 1990, modifiée en 2005, a créé un fonds national de péréquation, mais le surcoût net de cette mission -250 millions d'euros environ- n'est couvert qu'en partie, à hauteur de 137 millions d'euros, par l'allègement de fiscalité locale dont bénéficie La Poste. En outre, l'Etat est absent du financement de cette mission, alors que c'est lui qui l'assigne à La Poste.

a estimé que ce contexte de nouveaux défis pour La Poste constitue la trame d'examen du projet de loi, qui prévoit notamment une évolution de son statut juridique d'établissement public industriel et commercial (EPIC) en société anonyme afin de lui permettre, en se dotant d'un capital social, de faire appel à de nouveaux investisseurs, à hauteur de 2,7 milliards d'euros dans l'immédiat.

Il a ensuite rappelé que c'est à la demande du président de La Poste que ce changement de statut a été envisagé, et non de la propre initiative du Gouvernement. Cette évolution est, par ailleurs, naturelle puisqu'elle a été constatée dans vingt-cinq des vingt-sept pays de l'Union européenne, seuls le Luxembourg et la France faisant exception actuellement. En outre, ce changement de statut s'accompagne de garanties solides : le capital de La Poste restera à 100 % public et ne donnera pas lieu à privatisation, les quatre missions de service public sont maintenues et consacrées dans un article spécifique. La Poste reste prestataire du service universel postal pendant quinze ans, sa présence territoriale n'est pas affectée et le statut des agents de La Poste reste inchangé, qu'ils soient fonctionnaires ou salariés.

Récusant successivement la solution du statu quo qui aurait conduit à renoncer à des investissements et aurait entraîné un déclin assuré du groupe, celle d'une dotation directe de l'Etat à l'établissement public qui aurait été qualifiée d'aide publique par la Commission européenne ; ou encore le recours à l'endettement qui s'élève déjà à 6 milliards d'euros pour le groupe, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a considéré qu'il n'y a pas d'autre solution envisageable que la transformation en société anonyme. Cette réforme en douceur doit permettre à La Poste de se moderniser, s'affirmer sur les secteurs matures et conquérir de nouveaux marchés. Il reste ainsi des potentiels de croissance pour le groupe dans les services connexes au courrier, dans le courrier à l'international et dans le colis-express. La Poste ne sera en mesure de les saisir qu'à condition de parfaire la modernisation de son appareil industriel et de son réseau de points de contact, ce qui sera permis par l'augmentation de capital rendue possible par le projet de loi.

Outre ce point fondamental, qui a cristallisé l'attention ces derniers temps, M. Pierre Hérisson, rapporteur a indiqué que le texte procède, dans son titre II, à la transposition de la troisième directive postale du 20 février 2008. Celle-ci comporte deux éléments qui sont d'une importance capitale :

- d'une part, l'ouverture totale des marchés postaux au 1er janvier 2011, ce qui induit la fin du « secteur réservé » dont bénéficie La Poste pour financer ses obligations de service universel. Sur ce point, il n'y a aucune marge de manoeuvre et le texte se contente de reprendre le calendrier fixé par la directive ;

- d'autre part, l'exigence d'une régulation équilibrée afin d'éviter que l'opérateur historique n'use d'une position naturellement dominante sur le marché postal pour empêcher l'entrée ou la concurrence accrue d'opérateurs alternatifs, tout en le laissant en mesure d'assurer la mission de service universel qui lui est reconnue par la loi.

Puis, s'agissant du changement de statut de La Poste, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a indiqué avoir cherché à mettre au point des propositions concrètes de nature à apaiser les craintes soulevées par la transformation de l'opérateur en société anonyme : une nouvelle rédaction de l'article 1er qui empêche tout désengagement de l'État et garantit le caractère 100 % public du capital de La Poste ; la fixation, dans le contrat pluriannuel signé entre l'État, l'association représentative des maires et La Poste, de règles permettant d'assurer une offre de services de base dans tous les points de contact sur le territoire ; une amélioration du financement du fonds de péréquation par un abattement supplémentaire de fiscalité locale, le mécanisme d'une dotation qui avait sa préférence ne pouvant être proposé que par le Gouvernement ; la modification de la composition du conseil d'administration afin de permettre aux actionnaires, y compris l'Etat, de détenir la majorité des droits de vote.

En outre, le rapporteur a appelé l'attention sur la difficulté posée par le régime de retraite des salariés de droit privé de La Poste. En effet, sans disposition expresse, ceux-ci seront automatiquement transférés dans un régime nettement moins favorable, ce qu'il a jugé inacceptable. Il a ainsi indiqué que sur cette question très technique et absente du projet de loi, une concertation était en cours avec les organismes concernés afin de parvenir à une proposition concrète lors de l'examen du texte en séance publique.

S'agissant enfin des dispositions relatives à la transposition de la troisième directive postale, il a formulé plusieurs propositions : la limitation des pouvoirs de régulation de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) au strict champ du service universel ; une information plus régulière du Parlement sur l'exécution par La Poste de ses missions de service universel ; l'extension de l'intervention du fonds de compensation du service universel, aujourd'hui limitée aux envois de correspondance, à l'ensemble des prestations de service universel, y compris le transport de colis ; un financement de ce fonds par une taxe assise, non pas sur le chiffre d'affaires des opérateurs privés, mais sur leur volume d'activité dans le champ du service universel.

Un large débat s'est alors instauré.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion