Intervention de Bruno Racine

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 3 novembre 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Bruno Racine président du haut conseil de l'éducation sur le rapport de 2010 sur le collège

Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation :

Pourquoi avons-nous choisi le thème du collège ? Parce qu'il est régulièrement au centre des débats publics et qu'il est souvent présenté comme le maillon faible du système éducatif. Depuis la loi Fillon de 2005, le collège, après l'école primaire, a l'obligation de faire acquérir par tous les élèves le socle commun de connaissances et de compétences. Une littérature considérable a été consacrée au collège en France ; c'est même la partie du système éducatif la plus étudiée. Le Haut conseil a mené de nombreuses auditions afin de constituer le panel le plus large et le plus divers possible. Les enquêtes internationales ont montré que les systèmes éducatifs les plus performants remplissaient trois conditions :

- un objectif clair et consensuel est assigné à l'école ;

- la formation des enseignants est adaptée ;

- enfin, une large autonomie est accordée aux établissements, sauf au Japon qui se distingue sur ce point.

Jusqu'à la loi pour l'avenir de l'école de 2005, le collège n'avait jamais reçu de feuille de route. Aujourd'hui encore la mise en oeuvre du socle commun n'est pas une priorité partagée par l'ensemble des acteurs.

Parmi les acquis du collège unique, il faut souligner son rôle majeur dans la démocratisation de l'enseignement. Mais ses faiblesses demeurent inquiétantes. Les performances des élèves stagnent voire régressent depuis plusieurs années. Les inégalités sociales ont tendance à s'accroître entre la 6e et la 3e. Enfin, les problèmes de vie scolaire s'y multiplient. Ainsi le collège est le lieu où tant les apprentissages et le vivre ensemble sont les plus difficiles à assurer. En outre, il convient de remarquer que le caractère proprement unique du collège reste encore théorique, puisque d'une part un élève sur sept n'est pas en filière générale mais déjà pré-orienté, d'autre part se sont constituées des catégories très disparates d'établissements allant parfois jusqu'à la formation de ghettos scolaires.

Dès l'origine, le collège est conçu comme une préparation au lycée général, comme un « petit lycée », sans assurer de solution de continuité avec l'école primaire. Pourtant le collège hérite les difficultés du primaire, si bien que 15 % des élèves sortent de la 3e sans maîtriser les savoirs fondamentaux et 25 % d'entre eux ont des acquis fragiles qui les condamnent à une scolarité chaotique. On retrouve les mêmes proportions d'élèves en difficultés en CM2, ce qui montre que le collège ne parvient pas à corriger des trajectoires déjà mal engagées. Il faut reconnaître que le collège n'est pas une priorité budgétaire ni par rapport à l'école primaire, ni surtout par rapport au lycée que les recteurs privilégient dans la répartition des crédits.

Sur ce constat, le Haut conseil a avancé plusieurs types de recommandations. D'abord assurer l'application et la prise en compte dans les pratiques concrètes d'enseignement du socle commun, dans toutes les académies et dans toutes les disciplines. C'est ainsi que l'on pourra renforcer la continuité entre le primaire et le collège. Nous proposons également de rétablir au collège un enseignement obligatoire de culture manuelle et technique valorisé au même niveau que les disciplines plus abstraites afin d'appréhender toutes les formes d'intelligence. La Grande-Bretagne a par exemple instauré un cours obligatoire de cuisine au collège. Ensuite, il conviendra de repenser la formation des enseignants car pour l'instant l'équilibre entre les connaissances disciplinaires et la compétence professionnelle n'est toujours pas assuré. Nous serions favorable à l'introduction de dominantes ou de mentions dans les maquettes des nouveaux concours afin d'assurer la pluridisciplinarité des futurs enseignants et de distinguer les métiers de l'enseignement en primaire, au collège ou au lycée.

L'organisation des collèges doit également être revue afin d'accorder une plus grande autonomie aux établissements tout en maintenant un cadre national, afin d'assurer la mobilisation de la communauté éducative au service des besoins des élèves. Une responsabilisation accrue des principaux sur le modèle du programme CLAIR (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite) paraît souhaitable. Une marge de manoeuvre financière pourrait être redonnée aux établissements à hauteur de 10 % du budget par exemple. Il paraît essentiel d'assurer une prise en charge continue des élèves tout au long de la journée ce qui impliquera de faire évoluer la conception actuelle du service des enseignants.

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