Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 3 novembre 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • cité
  • collège
  • concert
  • musicien
  • musique
  • orchestre
  • salle

La réunion

Source

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission auditionne M. Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation sur le rapport de 2010 sur le collège.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui M. Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation (HCE) qui vient de remettre son rapport annuel sur les résultats de l'école consacré cette année à l'analyse du collège unique.

Debut de section - Permalien
Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation

Pourquoi avons-nous choisi le thème du collège ? Parce qu'il est régulièrement au centre des débats publics et qu'il est souvent présenté comme le maillon faible du système éducatif. Depuis la loi Fillon de 2005, le collège, après l'école primaire, a l'obligation de faire acquérir par tous les élèves le socle commun de connaissances et de compétences. Une littérature considérable a été consacrée au collège en France ; c'est même la partie du système éducatif la plus étudiée. Le Haut conseil a mené de nombreuses auditions afin de constituer le panel le plus large et le plus divers possible. Les enquêtes internationales ont montré que les systèmes éducatifs les plus performants remplissaient trois conditions :

- un objectif clair et consensuel est assigné à l'école ;

- la formation des enseignants est adaptée ;

- enfin, une large autonomie est accordée aux établissements, sauf au Japon qui se distingue sur ce point.

Jusqu'à la loi pour l'avenir de l'école de 2005, le collège n'avait jamais reçu de feuille de route. Aujourd'hui encore la mise en oeuvre du socle commun n'est pas une priorité partagée par l'ensemble des acteurs.

Parmi les acquis du collège unique, il faut souligner son rôle majeur dans la démocratisation de l'enseignement. Mais ses faiblesses demeurent inquiétantes. Les performances des élèves stagnent voire régressent depuis plusieurs années. Les inégalités sociales ont tendance à s'accroître entre la 6e et la 3e. Enfin, les problèmes de vie scolaire s'y multiplient. Ainsi le collège est le lieu où tant les apprentissages et le vivre ensemble sont les plus difficiles à assurer. En outre, il convient de remarquer que le caractère proprement unique du collège reste encore théorique, puisque d'une part un élève sur sept n'est pas en filière générale mais déjà pré-orienté, d'autre part se sont constituées des catégories très disparates d'établissements allant parfois jusqu'à la formation de ghettos scolaires.

Dès l'origine, le collège est conçu comme une préparation au lycée général, comme un « petit lycée », sans assurer de solution de continuité avec l'école primaire. Pourtant le collège hérite les difficultés du primaire, si bien que 15 % des élèves sortent de la 3e sans maîtriser les savoirs fondamentaux et 25 % d'entre eux ont des acquis fragiles qui les condamnent à une scolarité chaotique. On retrouve les mêmes proportions d'élèves en difficultés en CM2, ce qui montre que le collège ne parvient pas à corriger des trajectoires déjà mal engagées. Il faut reconnaître que le collège n'est pas une priorité budgétaire ni par rapport à l'école primaire, ni surtout par rapport au lycée que les recteurs privilégient dans la répartition des crédits.

Sur ce constat, le Haut conseil a avancé plusieurs types de recommandations. D'abord assurer l'application et la prise en compte dans les pratiques concrètes d'enseignement du socle commun, dans toutes les académies et dans toutes les disciplines. C'est ainsi que l'on pourra renforcer la continuité entre le primaire et le collège. Nous proposons également de rétablir au collège un enseignement obligatoire de culture manuelle et technique valorisé au même niveau que les disciplines plus abstraites afin d'appréhender toutes les formes d'intelligence. La Grande-Bretagne a par exemple instauré un cours obligatoire de cuisine au collège. Ensuite, il conviendra de repenser la formation des enseignants car pour l'instant l'équilibre entre les connaissances disciplinaires et la compétence professionnelle n'est toujours pas assuré. Nous serions favorable à l'introduction de dominantes ou de mentions dans les maquettes des nouveaux concours afin d'assurer la pluridisciplinarité des futurs enseignants et de distinguer les métiers de l'enseignement en primaire, au collège ou au lycée.

L'organisation des collèges doit également être revue afin d'accorder une plus grande autonomie aux établissements tout en maintenant un cadre national, afin d'assurer la mobilisation de la communauté éducative au service des besoins des élèves. Une responsabilisation accrue des principaux sur le modèle du programme CLAIR (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite) paraît souhaitable. Une marge de manoeuvre financière pourrait être redonnée aux établissements à hauteur de 10 % du budget par exemple. Il paraît essentiel d'assurer une prise en charge continue des élèves tout au long de la journée ce qui impliquera de faire évoluer la conception actuelle du service des enseignants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Nous vous remercions d'être venu nous présenter les derniers travaux du HCE car nous attachons toujours beaucoup d'importance à vos analyses. En tant que rapporteur de la loi Haby en 1975, je garde un clair souvenir des débats de l'époque qui portaient essentiellement sur l'intégration des élèves dits de type III qui bénéficiaient à l'époque d'une pédagogie adaptée. En effet, l'assimilation des types I et des types II ne présentait pas à l'époque de difficultés. Mais pour les types III j'avais moi-même des hésitations. Et il me semble que cette question d'une pédagogie adaptée donnant une chance aux élèves de milieux modestes, comme celle dispensée dans le Nord à l'époque par les écoles des mines, est toujours de circonstance aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Merci de votre exposé lisible et accessible. Les performances du collège sont médiocres, les inégalités s'accroissent entre la 6e et la 3e, seuls 40 % des élèves maîtrisent le socle commun en fin de scolarité obligatoire. Ces constats sont indéniables. Il me semble que l'on a sacrifié un peu l'aspect « compétences » du socle commun au profit des seules connaissances académiques. La définition du socle commun nécessitait pourtant de repenser la pédagogie afin de valoriser aussi l'intelligence du geste et des approches plus concrètes, moins abstraites des apprentissages. Dans ces conditions que faudrait-il faire en matière de formation et de recrutement des enseignants ? Par ailleurs, certains ont préconisé récemment l'instauration d'un concours d'entrée en classe de 6e, qu'en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

J'aimerais revenir sur la question de l'orientation des élèves en fin de 3e. J'ai l'impression que l'on envoie les jeunes automatiquement vers les lycées traditionnels sans prendre en compte leur appétence éventuelle pour l'exercice d'un métier ni leur degré de maturité et sans les aider à construire un parcours d'études ou d'entrée dans la vie active.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Vous ne nous invitez pas avec votre rapport à une mince évolution. Vous nous proposez de revenir sur les dispositions de la loi de 1975 qui a été pourtant à l'origine d'acquis considérables pour les enfants des milieux populaires. Il me semble que si l'on veut restreindre l'impact des inégalités sociales une réforme isolée du collège est vouée à l'échec. Il faut agir bien en amont, dès la maternelle et concevoir une réforme globale. Sur la question du concours d'entrée en 6e je me demande simplement ce que l'on fera des enfants qui auront échoué. C'est bien entendu une mauvaise solution. Sur la formation des enseignants nous sortons à peine d'une réforme dont on s'aperçoit qu'elle crée un nombre considérable de problèmes. En ce qui concerne l'autonomie des établissements, je me demande ce que cela recouvre exactement. Est-ce que cela s'étend aussi à la pédagogie ? Quelle force conservera le cadrage national ? Ne va-t-elle pas accroître le séparatisme social et la ghettoïsation ? Conjuguée avec un socle commun minimaliste conduira-t-elle à la distinction de collèges cantonnés à l'acquisition de savoirs basiques et d'autres plus élitistes assurant le passage au lycée ?

Debut de section - Permalien
Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation

Notre rapport ne porte que sur le collège mais nous avons déjà rendu un rapport sur le primaire et nous prônons une réforme globale couvrant tout l'amont du système éducatif. Assurer la transition entre le primaire et le collège est essentiel. Concernant l'examen d'entrée en 6e, il me semble que ce n'est pas l'orientation retenue par le législateur en 2005, qui a construit une continuité de l'apprentissage jusqu'à la fin de la 3e. Le CM2 peut être en revanche le lieu d'une vérification de l'acquisition d'un palier du socle commun.

L'orientation ne doit pas être réservée uniquement aux élèves en difficulté. Elle ne doit pas constituer un tri sélectif, mais une phase de construction d'un projet personnel pour l'élève.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Je n'ai pas malheureusement le sentiment qu'il y ait aujourd'hui dans les établissements ni les moyens, ni le temps d'accomplir un vrai travail d'aide à la décision et d'accompagnement des jeunes.

Debut de section - Permalien
Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation

La définition du socle commun dans le décret de 2006 est ambitieuse et son acquisition par l'immense majorité des élèves demeure un objectif de longue haleine tant les dernières enquêtes, comme celles de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) sur les acquis en mathématiques des élèves de 3e, sont inquiétantes. Le socle n'est pas construit sur des bases disciplinaires précisément pour dépasser la segmentation des connaissances académiques. Il nous oblige à repenser les apprentissages au-delà de la simple définition des programmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

J'aimerais souligner les effets pervers de l'assouplissement de la carte scolaire sur les collèges, notamment au sein des réseaux ambition-réussite. Nous assistons à l'accentuation de la ghettoïsation en raison de la fuite des meilleurs élèves hors des établissements de l'éducation prioritaire. Dans le pire des cas, la perte d'effectifs aboutit à la fermeture de collèges au coeur de quartiers sensibles, comme à Montclar en Avignon. Les élèves ont été répartis dans des collèges de centre ville, où les enseignants ne sont pas en mesure de gérer ces publics difficiles, dans des classes très hétérogènes et aux effectifs gonflés, j'ai l'impression que l'école de la République déserte les quartiers sensibles.

Debut de section - Permalien
Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation

Notre rapport tient compte de ces problèmes et des conséquences perverses de l'assouplissement de la carte scolaire qu'il convient de corriger.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

J'aimerais vous remercier pour vous dire : enfin un rapport exhaustif sur le collège. Depuis 1975 c'est la première fois qu'on sort d'une situation préjudiciable de non-choix : le positionnement du collège dès l'origine n'est pas clair et la loi n'avait pas tranché entre le prolongement de l'enseignement primaire et la préparation du lycée et du baccalauréat. Dans la pratique, le collège était transformé en premier cycle du lycée comme en témoigne symboliquement la dénomination même de la première année de collège : la 6e, c'est-à-dire la 6e classe avant le baccalauréat. L'avantage du socle commun, c'est qu'il couvre toute la scolarité obligatoire de 6 à 16 ans et propose un cadre dans lequel il faut travailler à concilier une progression harmonisée des élèves et des différences de rythmes d'apprentissage. Les élèves les plus en difficultés en 6e sont ceux qui étaient déjà en difficulté au cours préparatoire (CP). J'attire l'attention sur le cas particulier des élèves qui ne pratiquent pas le français dans leur famille, hors de la classe. Leur scolarité est dès l'origine très perturbée dans le système actuel. Il faut impérativement prendre en compte cette problématique spécifique. Enfin la conclusion majeure que je tire de votre rapport c'est qu'il faut renoncer à la récente réforme de la mastérisation qui recentre davantage encore la formation des enseignants sur le pur disciplinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

Dans votre rapport, vous avez un passage important sur la prise en charge continue des élèves dès leur arrivée au collège jusqu'au soir. Vous imaginez bien qu'il s'agit d'une révolution dans les collèges.

Il y a un élément dont vous ne parlez pas, ce sont les familles et les parents. Il faut que l'établissement scolaire soit le symbole du lieu où on reçoit un certain nombre de connaissances pour l'ensemble de la population. Pendant toute une période, les enseignants étaient arcboutés contre le fait que les parents rentrent dans l'école, y compris à l'école maternelle. Ce n'est plus possible. Les parents doivent être associés à l'école.

L'établissement scolaire avec l'ensemble des élèves, des familles et des enseignants doit trouver comment le faire « briller » d'une façon ou d'une autre. Il faut que les parents soient associés et s'entraident mutuellement pour la réussite de l'établissement que fréquente leur enfant. Les enseignants tout seuls ne peuvent pas réussir. Un degré de confiance doit régner entre les enseignants et les parents. Ce n'est pas facile. Il est nécessaire que les collectivités territoriales qui y sont associées aident au mouvement général de cette population qui doit devenir fière de son établissement, dans les quartiers en difficulté et dans les autres également. Ce doit être un honneur pour tous que le niveau d'un établissement s'élève. Les parents sont un élément essentiel si l'on veut transformer nos établissements scolaires. Le ministère de l'éducation nationale n'est pas aujourd'hui dans cette optique.

Debut de section - Permalien
Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation

En effet, en 1975, on n'a pas tranché dans les textes la question de définir le modèle sur lequel repose le collège. Mais dans la pratique, on calque le collège sur le modèle du lycée général, avec à terme les conséquences que vous avez décrites, monsieur Yannick Bodin. Nous pensons qu'il faut maintenant porter la logique du socle commun des connaissances et des compétences dans les faits et considérer l'ensemble formé par l'école primaire et le collège comme un tout qui prépare aux différentes filières.

Les élèves non francophones constituent un problème majeur qui doit être traité le plus précocement possible.

S'agissant de la formation des maîtres que notre institution a abordée avec sérénité, il ressort assez clairement qu'elle ne peut pas être considérée aujourd'hui comme permettant d'aboutir au résultat que l'on recherche. Le Haut conseil avait été chargé par la loi de 2005 d'établir le référentiel de compétences des maîtres. Il reste valable. Encore faut-il que les universités en liaison avec le ministère de l'éducation nationale mettent en place la formation correspondante à ces exigences.

Un point du rapport aborde la question de l'implication des parents d'élèves. On a bien conscience que le lien avec les familles est essentiel. On constate, suite à diverses enquêtes, que la confiance des familles dans le collège a beaucoup diminué ces dernières années. Si on veut la rétablir, il faut leur expliquer les finalités et les objectifs poursuivis pour leurs enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je me permettrai un point d'histoire sur ce qui s'est passé en 1975, car je pense qu'on peut en tirer quelques leçons. Il n'y a pas eu une loi mais deux.

Une première loi a été préparée en 1974 par M. Joseph Fontanet, alors ministre de l'éducation nationale. Cette loi portait sur le collège et voulait développer la personnalité du collège avec un type d'enseignant particulier. Elle était soutenue par un syndicat d'enseignants qui s'appelait le syndicat national des collèges. Elle prônait la bivalence des enseignants.

L'approche a été différente avec la loi Haby. Tout le monde oublie qu'il y avait aussi un volet réforme de l'enseignement secondaire. Le ministre René Haby était plus intéressé par la réforme du collège que par celle du lycée, la réforme du collège répondant à une demande de l'opinion publique et des fédérations de parents d'élèves. À mon avis, le débat a été pollué à l'époque par des batailles corporatistes entre syndicats d'enseignants. Le syndicat national des instituteurs voulait étendre leur domaine de compétences jusqu'à la 3e. Le syndicat national des collèges voulait son pré carré, les collèges, et le syndicat national des enseignements de second degré (SNES) revendiquait de la 6e jusqu'au baccalauréat. Les ministres étaient sommés de choisir et de savoir sur quel interlocuteur syndical ils s'appuieraient. Cela s'est comme d'habitude terminé par une côte mal taillée. On a laissé coexister dans le malheureux collège des élèves de type collège, des élèves de type lycée sans oser déterminer quel était véritablement l'objectif. Pour ma part, j'étais persuadé que le noeud était le baccalauréat qui tenait l'ensemble et qui était le point final, l'objectif étant d'arriver jusque-là.

Il y avait un autre débat qui polluait un peu la réforme : à quel niveau se ferait l'orientation au collège ? En fin de 3e ou dès la 4e ? On s'est orienté vers un système où on a conclu que les élèves de type II étaient capables de suivre une scolarité de type I et ceux de type III pour ne pas tomber dans l'accusation de discrimination sociale, ont été mis avec les autres. Statistiquement, on a mis tout le monde dans le même moule sans s'interroger pour savoir si on aurait les pratiques qui permettraient aux élèves du type III de réussir comme ceux du type I ou du type II. Ils ont donc été dans la même école sans avoir les mêmes chances. Je vous livre le sentiment que j'ai eu à l'époque. Il me semblait qu'on était en train de dilapider un capital qui était la capacité pour certains enseignants de faire réussir des jeunes de milieux différents à travers des méthodes différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je partage la totalité du constat que vous venez d'énoncer et un certain nombre de propositions, notamment celle concernant le socle commun des connaissances et des compétences. J'ai relevé certaines propositions notamment concernant la prise en charge continue des élèves dans le collège. Je partage les affirmations de notre collègue sur la suppression de la carte scolaire et la discrimination qui existe dans un certain nombre de quartiers. On peut la retrouver également dans certains établissements ruraux.

Vous demandez que les élèves soient occupés. Avec quels moyens ? Aujourd'hui la RGPP est partout, sauf dans l'enseignement supérieur et la recherche. Cela nécessite plus de présence d'enseignants dans les établissements mais pas seulement. Est-ce que cela suffit ? Quels sont les moyens que l'on pourrait mettre à disposition pour atteindre les objectifs que vous préconisez et que je partage en grande partie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Parmi les difficultés évoquées, nous partageons tous un constat. Les divergences concernent les réponses qui y sont données. Parfois la réponse est plus mauvaise que le mal. Je prendrai l'exemple de la formation des maîtres. Je pense qu'il ne faudrait pas qu'on s'oriente vers de mauvaises réponses face à de véritables difficultés.

Je partage vos propos sur le socle de connaissances nécessaires. Il y a une vraie révolution des mentalités à faire passer pour qu'il ne soit pas assimilé à une baisse du niveau. Or compte tenu de la formation des maîtres actuellement mise en place, je ne sais pas comment ils vont pouvoir porter cette notion de socle de connaissances, qui constitue un savoir minimum, alors qu'ils sont dans un parcours très marqué par l'élitisme.

Les métiers manuels ont beaucoup évolué. Ils sont de plus en plus complexes et font appel à l'abstraction. Ces métiers doivent trouver dans cette évolution leur nouvelle plus-value. Ne nous laissons pas abuser par le terme de métiers manuels qui sont devenus aujourd'hui, à mon avis, beaucoup plus techniques.

Vous avez indiqué que le collège n'a pas été prioritaire en termes de moyens par rapport au lycée. Le rapport de la Cour des comptes pointe également que les moyens affectés à l'école primaire sont en deçà de ceux qui lui sont nécessaires. Il faudrait repenser la finalité de l'école fondamentale. Dans les pays nordiques, comme la Finlande, il n'y a pas cette coupure entre l'école primaire et le collège qui est aussi une source de difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Je partage nombre de propos. Je voudrais insister sur certains points.

L'individualisation des parcours me paraît un but à atteindre. Comment ? Il faut trouver la bonne solution. Elle doit s'accompagner de l'autonomie des établissements qui doivent être ancrés dans leurs territoires. Cela permettra d'effectuer un travail mieux adapté à l'environnement. Ainsi, en Finlande, l'autonomie est le maître mot à tous les niveaux.

De cette autonomie découle une école ouverte aux parents et un système qui pourra apporter la réussite. Je pense qu'il faut aller plus loin pour trouver les bonnes solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Le collège accueille des jeunes qui sont dans une période fragile. J'aurais aimé qu'on évoque le personnel qui les accueille. Auraient pu être abordées les questions de la pyramide des âges de ce personnel et de l'origine de la formation des maîtres. Ces jeunes passent en effet d'un enseignement dispensé par des personnels pluridisciplinaires à un personnel recruté par discipline. Il existe un problème d'adaptation des jeunes à ce bouleversement important. Je ne suis pas un nostalgique des professeurs d'enseignement général de collège (PEGC), mais il y avait une sorte de continuité entre le primaire et le collège lorsque les élèves étaient accueillis par d'anciens instituteurs.

Debut de section - Permalien
Bruno Racine, président du Haut conseil de l'éducation

Sur la question des moyens, se pose le problème de l'affection générale d'une enveloppe budgétaire donnée. On constate un surinvestissement pour le lycée.

Je pense qu'il n'y a pas forcément de solution uniforme sur la question de la prise en charge continue des élèves de leur arrivée au collège jusqu'au soir. Elle ne devra pas être traitée de manière identique selon le type de collège. Elle est en lien avec la question de la marge de manoeuvre accordée aux établissements pour résoudre ce problème. Cela ne peut pas se faire à coûts constants. Car il y a des éléments d'infrastructures et d'investissements associés à un tel projet.

Sur la formation des maîtres, il faut trouver un moyen en France de garantir l'excellence disciplinaire avec la préparation à un métier qui s'exerce dans des conditions de plus en plus difficiles.

La culture manuelle n'est pas seulement la préparation au lycée professionnel ou à l'apprentissage. C'est aussi la reconnaissance qu'il y a d'autres formes d'intelligence et de savoir. Les métiers manuels intègrent de plus en plus de connaissances abstraites ; il ne doit pas y avoir cette opposition tranchée.

Il est nécessaire d'avoir une diversification des cheminements pédagogiques. Les enseignants doivent en être conscients et être persuadés que tout le monde peut apprendre. On peut considérer que l'hétérogénéité se gère soit par groupe de niveau homogène, à l'exemple de la Grande-Bretagne, soit à l'intérieur du groupe classe comme dans les pays nordiques, le second modèle étant plus propice à l'égalité des chances. Les deux systèmes sont toutefois meilleurs en termes de résultats que le nôtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je voudrais en conclusion dire que le Haut conseil de l'éducation existe, qu'il travaille, qu'il fait des propositions et rappeler que c'est la raison pour laquelle nous nous sommes opposés à l'Assemblée nationale, qui avait proposé sa suppression, en déposant un amendement pour le maintenir. Cet amendement sera défendu par M. Pierre Bordier dans le cadre de la prochaine discussion de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.

Puis, la commission procède, conjointement avec le groupe d'études musiques et chanson française, à l'audition de M. Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique, accompagné de M. Thibaud de Camas, directeur général adjoint, et de M. Patrice Januel, directeur général de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je suis heureux de vous accueillir pour cette audition organisée conjointement par notre commission et par le groupe d'études musiques et chanson française présidé par notre collègue Ivan Renar.

Cette audition doit nous permettre de mieux saisir les missions de la Cité de la musique et de faire le point sur l'avancement du projet de Philharmonie de Paris et sur les difficultés qu'il rencontrerait actuellement si l'on en croit un récent article paru dans « Le Parisien ».

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Le groupe d'études musiques et chanson française rassemble des sénateurs issus des différentes commissions permanentes du Sénat. Nous avons souhaité organiser cette audition pour deux séries de raisons : d'abord pour nous permettre d'apprécier la façon dont l'Établissement public dont vous avez la responsabilité s'acquitte de sa mission de diffusion de la musique ; ensuite pour faire le point sur le projet de « Philharmonie de Paris », dont je souhaiterais que vous puissiez nous rappeler les caractéristiques et la façon dont il s'intégrera dans les infrastructures dont vous avez la responsabilité, avant de nous donner des précisions sur son coût, l'état de son avancement et le calendrier prévu pour sa réalisation.

Un article paru dans un grand quotidien du soir, début octobre, laissait en effet entendre que l'État n'avait peut-être pas définitivement arrêté les modes de financement des 160 millions d'euros revenant à sa charge, au risque de retarder la réalisation des travaux.

Debut de section - Permalien
Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique

Je vous remercie pour votre invitation. Je suis accompagné par M. Thibaud de Camas qui dirige à mes côtés l'établissement public industriel et commercial de la Cité de la musique, ainsi que la Salle Pleyel, qui possède, elle, le statut de société par actions simplifiée dont les actionnaires sont, pour 80 % la Cité de la musique, et pour 20 % la Ville de Paris. Ce statut particulier de S.A.S. est destiné à permettre à la Ville de Paris d'entrer dans le capital de la Salle Pleyel, car elle ne peut en principe participer au capital des établissements publics de l'État. Je suis également accompagné de M. Patrice Januel, directeur général de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris.

Je tiens à vous indiquer d'emblée que le blocage du projet de Philharmonie de Paris, dont la presse s'est fait l'écho, tenait à une position d'attente de l'État qui a duré plusieurs mois, et qui est en voie d'être levée dans les prochaines semaines, d'après les informations que vient de me communiquer la Présidence de la République.

Compte tenu du fait que l'achèvement du chantier demande encore trois grandes années de travail, cela nous permet d'augurer l'ouverture de la Philharmonie soit pour la fin 2013 si l'on fait le choix stratégique d'accélérer les choses, soit à la rentrée de septembre 2014 si l'on a la sagesse de se donner davantage de temps.

S'agissant de la Cité de la musique en général, elle s'inscrit dans un cadre qui est commun à celui des autres grandes institutions culturelles, tout en présentant des particularités liées aux spécificités de la musique.

Deux considérations dominent aujourd'hui - et depuis quelques années déjà - le rayonnement et la diffusion de la musique.

La première, c'est la problématique centrale de l'éducation, qui se pose à deux niveaux. Le premier de ceux-ci, qui a trait à la formation des musiciens professionnels, est du ressort des conservatoires, et je ne développerai donc pas cet aspect des choses sauf pour remarquer qu'il me paraît vain et injustifié de prétendre que le niveau des musiciens formés en France serait inférieur à ce qui prévaut ailleurs ; et d'ailleurs ceux-ci se défendent très bien dans les concours de recrutement des grands orchestres étrangers.

L'autre axe de cet effort d'éducation tend à donner à tout citoyen les bases lui permettant d'accéder aux oeuvres musicales. Ces bases pourraient certes être dispensées dès l'école mais cette dernière ne fait que peu de place à ce type d'enseignement.

Il revient donc aux institutions du ministère de la culture - les orchestres, les maisons d'opéra - de mettre en place des activités éducatives en direction des enfants comme des adultes pour favoriser l'éveil musical. Celui-ci ne peut passer par le seul concert, mais suppose une autre approche de la matière sonore et de la pratique qu'en ont les musiciens.

À l'image de ce qu'ont réalisé des pionniers comme Jean-Claude Casadesus avec l'orchestre de Lille, la Cité de la musique a mis sur pied une véritable politique en ce domaine.

C'est ainsi qu'elle a monté un orchestre de 450 enfants. On a pu en constater les effets bénéfiques sur leur concentration, leur sens de la discipline. Sur la durée, leur comportement s'est modifié, montrant que la musique peut jouer un rôle structurant dans l'éducation. La Cité a aussi développé de nouveaux ateliers et des activités éducatives variées.

L'autre considération qui domine la problématique de la diffusion musicale tient au fait que nous vivons dans un monde qui a beaucoup changé.

Les nouvelles technologies y tiennent évidemment une large part. Mais la musique est aussi, plus que les autres arts, ancrée dans la mondialisation dans la mesure où, contrairement au théâtre, par exemple, elle ne connait pas la barrière de la langue. Tout musicien exerce aujourd'hui une grande part de son activité à l'étranger, les pays de l'Europe du Nord bien sûr, mais aussi des pays comme l'Espagne.

Les salles de concert sont traditionnellement des lieux qui ouvrent de 20 heures à 23 heures. Elles doivent aujourd'hui s'inspirer de la mutation qu'ont connue les musées qui proposent, à côté des salles d'exposition, des ateliers, des salles de cinéma, des lieux consacrés à l'éveil artistique des enfants, bref, sont devenus des lieux qui offrent des propositions très diversifiées tout au long de la journée. À leur image, la Cité s'est aussi dotée d'une large gamme d'instruments : la médiathèque, le musée d'instruments de musique, des expositions temporaires.

Le modèle musical actuel, centré sur le concert, est encore largement celui qui s'est imposé à la fin du XIXe siècle. Il fonctionne encore bien mais a pour principale limite de ne pas permettre la conquête de nouveaux publics. Il est peu attractif pour les populations des banlieues et sur le plan du grand tourisme. Il y a donc des efforts à faire dans ce domaine.

Les installations de la Cité trouvent actuellement leur limite sur le concert symphonique. La salle symphonique dont la réalisation était initialement prévue a ensuite été abandonnée. L'État a donc préféré, dans un premier temps, rechercher une solution temporaire en prenant à bail et en rénovant la Salle Pleyel, ce qui a permis, depuis septembre 2007 de proposer une programmation symphonique qui a renforcé l'offre de concerts de la Cité de la musique. Mais, même si elle offre 2 000 places, la Salle Pleyel n'est qu'une salle de concerts : l'exiguïté de la parcelle et les lois de l'urbanisme ne permettent aucune extension. Deux orchestres y sont en résidence : l'Orchestre de Paris et l'Orchestre philharmonique de Radio France, et l'absence de salle distincte pour les répétitions soulève de nombreuses difficultés pratiques. Or, ils ne peuvent pas toujours libérer la salle dans laquelle ils travaillent dans la journée pour permettre à un orchestre invité qui joue le soir de s'installer et de répéter convenablement. Ces conditions de travail ne sont d'une façon générale pas les plus propices à la bonne tenue de nos formations.

En outre, même si la Salle Pleyel a de grandes qualités pour l'accueil du public des concerts, elle ne comporte aucun espace pour la pédagogie, et n'est donc pas un lieu adapté pour gagner à la musique de nouveaux publics.

La décision de réaliser une nouvelle salle symphonique sur le Parc de la Villette, a donc été prise en 2006 par le Gouvernement et par la mairie de Paris avec le soutien de la région Île-de-France.

Cette salle doit pouvoir soutenir la comparaison avec les salles que l'on trouve dans les villes allemandes ou espagnoles, et comporter plusieurs salles de répétition pour offrir de bonnes conditions de travail, ainsi qu'un espace de 2 000 m² pour la pédagogie, en direction des enfants et des adultes, grâce à des activités organisées avec les musiciens.

J'en résume brièvement les étapes :

- en 2007 : choix du cabinet d'architecture de Jean Nouvel, constitution autour de Patrice Januel de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris, lancement des études ;

- en 2009 : élaboration de l'appel d'offres ;

- en 2010 : Bouygues GDF Suez remporte l'appel d'offres ; s'ouvre alors le temps de latence que j'évoquais au début de nos propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Je vous remercie, monsieur le directeur général.

Je donne la parole au rapporteur pour avis de la mission budgétaire « Culture - Création.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

J'ai simplement participé aux débats houleux qui ont eu lieu pour la rénovation de la Salle Pleyel.

Nos collègues de province estiment qu'ils sont en quelque sorte laissés-pour-compte, même s'ils admettent la nécessité de réaliser de nouveaux équipements à Paris. Ils considèrent qu'on fait déjà beaucoup pour l'Île-de-France et qu'il ne faut pas négliger la province en termes de structures d'accueil pour la musique. Tel était leur ressenti, presque douloureux, lors des débats sur la Salle Pleyel. Les moyens donnés sont nettement insuffisants en province.

Est-ce que les régions sont suffisamment attentives à ce problème ? Dans une période difficile, s'engager sur les orchestres n'est pas évident, même si cela semble d'une grande nécessité.

Dans les établissements scolaires, les initiatives artistiques ont disparu, à l'exemple des petites chorales d'enfants. Par ailleurs, les conservatoires ou les maisons des jeunes se rendent compte que le coût des instruments de musique n'est pas négligeable pour les familles. Prêter des instruments exige de la part des municipalités un certain nombre de sacrifices. Compte tenu de l'obligation de participation financière pour les familles, cela ne touche en fait qu'une élite.

Debut de section - Permalien
Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique

Je ne peux pas répondre globalement sur la politique culturelle menée par l'État et les relations entre l'échelon central et les collectivités territoriales. Je peux cependant apporter des éléments de réponse à vos remarques.

Nous avons de manière volontariste, en utilisant la salle Pleyel, tout fait pour initier des relations positives avec des orchestres en région. Pour quatre d'entre elles au moins, correspondant aux villes de Toulouse, Lille, Strasbourg et Lyon, il existe une très forte demande. Ces régions considèrent que l'accueil que nous leur offrons est la clef d'entrée dans les grandes salles étrangères. Aujourd'hui, si vous entretenez un orchestre de 110 à 120 musiciens, vous ne pouvez imaginer que les concerts ne se feront que dans votre ville. Il faut qu'il y ait une projection minimale sur la scène nationale et internationale. Les codes qui font qu'on invite ou non telle ou telle formation passent par des références d'accueil qui créent le statut de l'orchestre. Les quatre orchestres cités sont en demande très forte vis-à-vis du projet de la Philharmonie car ils en voient tout l'intérêt tant sur le plan de la diffusion qu'en termes d'articulation avec la formation des jeunes.

D'ailleurs, la direction de l'orchestre de Toulouse, depuis deux ans, me demande de rencontrer les élus car il existe toujours le projet de création d'une petite philharmonie dans cette ville. Les modèles doivent se décliner selon les territoires.

Vous avez évoqué l'éducation des enfants. La constitution d'un choeur dans une petite ville ou une ville moyenne en France paraît plus difficile que dans les pays anglo-saxons qui possèdent cette tradition. La seule façon d'opérer est d'impliquer les musiciens professionnels.

Dans notre projet qui regroupe 450 enfants, les instruments de musique ont été prêtés dans les familles. À la fin de la première année, on a constaté très peu de dégradations. Dans chaque groupe d'enfants, étaient présents un musicien professionnel et un pédagogue. Cette association fonctionne car l'enfant a besoin à la fois de pédagogie que n'apporte pas forcément le musicien professionnel et d'être fasciné par le monde sonore qui lui est ouvert par ce dernier. Une part de cette expérience est transférable en région. Lorsque les élus discutent avec les responsables des formations musicales, ils peuvent demander des contreparties liées à un engagement dans la société. Il s'agit d'assumer sur leur temps de travail un rôle social. Je pense qu'aujourd'hui face aux questions qui se posent sur la survie des modèles classiques, on a besoin d'un certain volontarisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis très impressionné par ce que vous proposez au niveau de la Cité de la musique, votre concept d'ouverture aux enfants.

Je souhaiterais qu'on puisse reproduire ce que vous faites en province en dépit des difficultés qui se posent. Je suis sénateur d'un département très rural, la Dordogne. Le rayonnement n'est pas le même. On a créé un conservatoire de musique à rayonnement départemental. Les professeurs de ce conservatoire ont formé un ensemble instrumental de jazz, sont impliqués et font de l'initiation. C'est un exemple que l'on doit pouvoir transposer. Est-ce que la Cité de la musique peut proposer de façon décentralisée ce type d'opération en étant le maître d'oeuvre ou alors est-il possible de réaliser des échanges entre la province et la capitale à travers la Cité de la musique pour permettre à des jeunes de connaître ce domaine ?

Debut de section - Permalien
Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique

Le tissu d'orchestres est assez faible en France par rapport à d'autres pays. Il a également perdu de sa densité depuis la fin de la seconde guerre mondiale puisque suite à plusieurs réformes successives de l'audiovisuel public, des orchestres en région ont été dissous. On aurait pu transformer ces orchestres de studio en orchestres publics.

Le rôle de la Cité de la musique doit se concevoir dans les années à venir en relation avec les régions et par le dialogue sur le terrain. Pour se faire, il faut qu'il y ait des éléments sur le terrain avec lesquels on dialogue.

On peut proposer plusieurs secteurs d'action. Le premier est celui des réseaux numériques. Nous avons négocié avec toutes les sociétés d'ayants droit mais aussi avec le ministère de l'éducation nationale le fait que toutes les ressources de la Cité de la musique soient accessibles à des partenaires dès lors qu'ils n'en font pas commerce. Les bibliothèques sont par exemple le coeur de cible de cet accès en transférant via des réseaux numériques des données audiovisuelles, qui peuvent enrichir les fonds des bibliothèques municipales.

Debut de section - Permalien
Thibaud de Camas, directeur général adjoint de l'Établissement public de la Cité de la musique

Cela concerne aussi des collèges, des lycées. Un site vient également d'ouvrir qui propose 100 heures de musique en intégralité. Ce stock est renouvelé périodiquement et devrait croître.

Debut de section - Permalien
Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique

Sur le terrain des ateliers, tout est à construire. Nous menons une première expérience, volontairement très modeste, à Aix-en-Provence pour les quartiers d'Aix-Sud mais aussi de Marseille. Des musiciens travaillent régulièrement avec des groupes d'enfants.

J'espère que le travail que nous réalisons avec l'orchestre de 450 jeunes nous permettra dans un an de commencer à installer une pédagogie à base d'audiovisuel permettant aux musiciens d'orchestre de toute ville de se saisir des méthodes. Nous proposons des méthodes collectives de pédagogues qui ont été testées dans des pays comme le Venezuela avec des succès importants.

Ce modèle collectif nécessite encore des efforts d'adaptation de la part des professeurs de conservatoire pour se l'approprier mais aussi des musiciens. Nous pouvons avoir un rôle pour aider les volontaires des orchestres en région à se faire à ces méthodes. Pour l'orchestre de Paris, 18 musiciens se sont porté volontaires. Nous devons jouer un rôle important de décentralisation de cette action et d'irrigation du territoire.

Nous sommes également tête de pont pour tous les musées. Si une collectivité possède un instrument de valeur, nous nous déplaçons pour réaliser son expertise. Il en est de même pour toute demande de sortie du territoire d'un instrument.

Il existe aussi des propositions consistant à faire bénéficier les régions de concerts que nous accueillons. Je serais plus modéré sur ce point car on est souvent confronté à des egos des programmateurs en fonction des villes. C'est plus facile à envisager dans des villes moyennes, mais on ne peut pas l'institutionnaliser.

Une autre piste à explorer est celle de l'expertise que nous avons acquise et développée en matière de construction et de rénovation de salles de concert. Nous pouvons être pour les municipalités et les régions une assistance à maîtrise d'ouvrage pour ce type de projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je suis passionnée par cette question de l'accès à la musique pour tous. Je suis une élue de la région Aquitaine. Je pense que lors du changement de chef d'orchestre, on a raté l'occasion de pouvoir débattre en amont de tout ce que vous avez proposé au regard de l'implication des musiciens hors du champ traditionnel du concert. Les réticences des musiciens sont une réalité avec des réflexes corporatistes face auxquels on est très démuni. Il y a sans doute de l'accompagnement à faire dans les régions lorsqu'elles sont sollicitées financièrement. Ce peut être l'occasion de pouvoir inscrire un certain nombre de priorités.

Dans cette vision de la musique accessible à tous que vous développez, on part de cette ambition dans les communes et on y répond mal par des écoles de musique où ne viennent que les enfants dont les parents ont déjà pratiqué une activité musicale. Ne faut-il pas entreprendre un travail particulier pour faire évoluer ces écoles de musique ? Elles n'encouragent pas la pratique collective de la musique et elles ne s'ouvrent qu'à des présélectionnés en fonction de conditions sociales ou familiales.

Debut de section - Permalien
Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique

Il est difficile de généraliser. Certaines régions sont mieux dotées que d'autres. Les dépenses pour les écoles de musique et les conservatoires ne sont pas les mêmes. Le niveau d'inégalité est assez fort, il faut s'adapter à cette réalité.

Toutes ces questions, nous nous les sommes posées quand nous avons décidé de créer cet orchestre de 450 jeunes. Je pense qu'il faut se garder de toute vision trop dirigiste. Le fait de faire collaborer des professeurs de conservatoire à un processus qui concerne aussi des musiciens professionnels constitue la bonne méthode. Il n'est pas facile pour un maire de connaître la bonne posture à adopter face aux arguments d'un orchestre de 120 musiciens. Cela nécessite aussi sur le terrain que les élus soient rassurés en termes d'expertise sur ce qu'ils proposent. C'est la raison pour laquelle nous pouvons être sur certains sujets une interface.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je vous remercie de ces propos. Je serai moins critique que mes collègues même si je suis provincial. Paris a besoin de grands équipements notamment musicaux. Le plus tôt sera le mieux.

Vous avez cité quatre orchestres en province. Je remarque que, pour trois d'entre eux, ils sont liés à des maisons d'opéra importantes. Est-ce une condition sine qua non ?

Je suis élu d'un petit département rural, la Haute-Saône. Il n'y a rien, sauf une ADDIM (Association départementale pour le développement et l'initiative de la musique et de la danse) financée par le conseil général et la direction régionale de l'action culturelle (DRAC) qui réalise des actions intéressantes. La vieille idée de « l'école qui chante » fonctionne encore très bien dans les écoles primaires mais aussi dans les collèges. Depuis un an, grâce au label de pôle d'excellence rural, nous avons financé un équipement itinérant, la bulle à spectacles, qui rencontre beaucoup de succès.

Enfin, je voudrais dire qu'en Franche-Comté, il y avait deux orchestres. Finalement, sans trop de douleur, on a réussi à supprimer un orchestre à Montbéliard pour essayer de conforter l'orchestre régional.

Debut de section - Permalien
Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique

Lorsqu'on parle en termes généraux, on a tendance à être très injuste et à ne pas rendre compte de la diversité des initiatives prises, souvent plus encourageantes que le paysage global décrit.

Le modèle que nous défendons englobe des cultures plus populaires comme le jazz, la variété et aussi des cultures d'autres continents. Il y aujourd'hui beaucoup moins de clivages entre les différentes formes de musique que par le passé.

S'agissant des orchestres, je pense qu'à un moment on est rattrapé par la taille critique. L'exemple que vous donnez est intéressant. Parfois il faut assumer la fusion sinon des répertoires entiers ne peuvent être abordés.

Vous avez ensuite évoqué les quatre orchestres en région. Celui de Lille fait à 90 % des concerts. C'est vraiment un orchestre symphonique. Il en est de même à Lyon. Dans cette ville, suite à des difficultés récurrentes, l'opéra a créé son propre orchestre, avec une dotation de 65 postes. Les deux autres villes rentrent dans le schéma que vous citez. L'expérience montre que cela « grogne » beaucoup. Cette problématique met souvent sur la sellette les élus. Il y aurait deux manières de régler le problème, la façon lyonnaise ou la façon allemande, c'est-à-dire en portant le nombre de musiciens à 150.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Je n'évoquerai qu'un seul problème, celui du grand équipement à côté de la Cité de la musique. On ne devrait pas se quitter sans marquer la sympathie qu'on a pour ce projet et sa réalisation. Je me rappelle du concert où M. Renaud Donnedieu de Vabres avait interpelé Pierre Boulez sur le fait qu'il ne fêtait jamais son anniversaire à Paris, qui lui avait répondu : on verra pour le prochain. Finalement, à un moment donné, est arrivée la bonne nouvelle. Je ne sais plus maintenant quand on fêtera l'anniversaire de Pierre Boulez à Paris, puisqu'il y a une incertitude. Il faudrait trouver la possibilité de faire savoir en haut lieu que la commission de la culture du Sénat marque un grand intérêt pour cet équipement. C'est une nécessité absolue.

Debut de section - Permalien
Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique

Notre sentiment très fort est que les assurances verbales qui nous ont été données la semaine dernière devraient conduire à un déblocage de la situation d'ici la fin de l'année. Ensuite, démarrera la phase difficile où le chantier doit se réaliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je voudrais dire que nous ne devons pas seulement faire des analyses et exprimer quelques voeux. Cela se traduira par des prises de position des uns et des autres à l'occasion du débat budgétaire. Vous avez bien compris que ce qui peut quelquefois poser problème n'est pas d'avoir une philharmonie à Paris mais celui lié à la multiplication des très grands équipements à Paris qui induit également des frais de fonctionnement pouvant empêcher l'aide ou la réalisation d'équipements ailleurs en province. Ce qui nous préoccupe est de trouver le bon arbitrage entre la part de l'État, celle des régions et celle des villes-centres dans la réalisation de ces équipements. Ceci est aussi l'affaire des politiques. Nous poursuivrons évidemment ce débat en liaison étroite avec vous.

- Présidence de Mme Colette Mélot, vice-présidente -