Intervention de Jacqueline Gourault

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 1er février 2011 : 1ère réunion
Dialogue entre l'etat et les collectivités territoriales — Examen du rapport d'information

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault, rapporteur :

La délégation procède à l'examen du rapport de Mme Jacqueline Gourault et M. Didier Guillaume, rapporteurs, sur le dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Le dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales en France est un sujet régulièrement débattu. Force est de reconnaître qu'une décentralisation harmonieuse ne peut faire l'économie d'un dialogue, aussi bien national que local, harmonieux et constructif entre les élus locaux et les représentants de l'État. Les récents débats liés à la réforme des collectivités territoriales et à la taxe professionnelle ont mis en évidence les profondes difficultés rencontrées par l'Etat pour instaurer un dialogue harmonieux avec les élus locaux. Ils témoignent également d'une fracture entre les deux partenaires. Combien de fois avons-nous entendu, au cours des derniers mois, que les élus locaux dépensaient trop, embauchaient trop, n'étaient pas assez vertueux ? Dès le début, ce langage a heurté les sénateurs et les élus locaux que nous sommes en même temps.

J'ajoute que la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) a accentué les difficultés de dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales. En effet, les restructurations, les fusions, les déplacements de décisions du département vers la région ont contribué à distancier les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales au niveau local. J'observe d'ailleurs que ces difficultés de dialogue se retrouvent tant au niveau local que national. Je vous renvoie aux conclusions de notre collègue Yves Daudigny sur la question de l'ingénierie publique qui mettaient en évidence cet élément.

Mais avant d'aborder la présentation de nos recommandations, je souhaite faire un rapide bilan des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, dans le cadre d'une République à l'organisation constitutionnellement décentralisée. Didier Guillaume et moi-même avons distingué le niveau national du niveau local, les problématiques étant différentes.

Au niveau national, nous avons tout d'abord constaté qu'il y avait un très grand nombre d'instances de dialogue entre les deux partenaires, peut-être même un trop grand nombre. Cette multitude d'instances est prégnante en matière financière ; citons, à titre d'exemple, le comité des finances locales et deux structures qui lui sont rattachées : la commission consultative d'évaluation des charges ou encore la commission consultative d'évaluation des normes. Il en est de même dans le domaine de la fonction publique (avec le collège des employeurs territoriaux), de l'environnement (prenons l'exemple du comité de l'eau) ou encore des instances à vocation plus large comme la conférence nationale des exécutifs (CNE).

Cependant, la multiplication des outils n'empêche pas un manque de dialogue, voire une certaine incompréhension entre l'Etat et les représentants des collectivités territoriales ! Pourquoi un tel constat ? Deux éléments peuvent, selon nous, expliquer « l'échec », ou le demi-succès, de ces différentes instances de concertation.

En premier lieu, nous observons une absence de connaissance partagée des politiques décentralisées. Les ministères souffrent d'un manque d'information actualisée sur la gestion des politiques décentralisées, comme l'avaient d'ailleurs regretté nos collègues MM. du Luart et Krattinger, dans le cadre de leur rapport consacré au financement des transferts de compétences.

En second lieu, nous constatons une réelle confusion entre les notions de dialogue et de proclamation, largement illustrée par la CNE. Celle-ci, créée par le Premier ministre afin d'améliorer le dialogue entre l'Etat et les élus locaux, ne dispose pas de fondement juridique et ne peut s'appuyer ni sur un secrétariat technique propre, ni sur un conseil d'orientation. Or, cette situation constitue un frein à son ambition, puisque la CNE est dans l'incapacité de préparer les dossiers qui lui sont soumis, et ne peut se réunir sur la base de rapports introductifs ou d'un véritable ordre du jour. Dès lors, ses réunions ne peuvent aboutir à de véritables résolutions ou recommandations. C'est pourquoi elle s'est transformée en une instance au sein de laquelle le Gouvernement présente un bilan largement positif de ses réformes, sans que celles-ci fassent l'objet d'un diagnostic partagé avec les élus locaux.

Cependant, les critiques liées au fonctionnement de la CNE ne doivent pas occulter le succès de certaines instances de dialogue, telle la CCEN, présidée par notre ancien Président, Alain Lambert, dont l'efficacité a largement favorisé la promulgation d'un moratoire sur les normes et l'examen du stock de normes existant, qui représente un coût financier élevé pour les collectivités.

Quant au dialogue entre l'État et les collectivités territoriales au niveau local, il apparaît beaucoup moins structuré qu'au niveau national. En effet, seule la conférence des exécutifs régionaux constitue un lieu d'échanges entre les différentes catégories de collectivités au sein de chaque région. Cependant, cette instance n'organise qu'un dialogue « inter-collectivités », dans la mesure où ni le préfet de région, ni les préfets de département n'en sont membres à part entière.

Par ailleurs, les échanges réguliers entre le représentant de l'État dans le département et les élus locaux constituent une autre forme de dialogue, dont la qualité et l'efficacité varient selon la personnalité des acteurs et les problématiques inhérentes à chaque territoire. Nous avons qualifié ce type de dialogue « d'intuitu personae ».

Les bilans des conférences régionales des exécutifs sont fort variables : certains territoires comme la Bretagne en tirent un profit évident, lié certainement à leur culture historique de dialogue, quand d'autres n'en perçoivent pas l'intérêt.

Quant au préfet, il reste un vecteur essentiel du dialogue entre l'Etat et les collectivités, mais son rôle est fragilisé par la RGPP. Ainsi, la réorganisation des services déconcentrés ne permet plus aux élus de terrain de disposer d'interlocuteurs de proximité, ce qui risque de conduire, à terme, à une remise en cause de nombreux projets territoriaux. En outre, ce recul de l'Etat pourrait fortement défavoriser les territoires ruraux, dont les représentants élus expriment régulièrement leur besoin d'Etat, ainsi que l'avait souligné notre collègue Bruno Sido dans son rapport consacré à la mutualisation dans les départements, et comme j'en avais moi-même fait état, avec Yves Krattinger, dans notre rapport « Faire confiance à l'intelligence territoriale ».

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