La délégation procède à l'examen du rapport de Mme Jacqueline Gourault et M. Didier Guillaume, rapporteurs, sur le dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Le dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales en France est un sujet régulièrement débattu. Force est de reconnaître qu'une décentralisation harmonieuse ne peut faire l'économie d'un dialogue, aussi bien national que local, harmonieux et constructif entre les élus locaux et les représentants de l'État. Les récents débats liés à la réforme des collectivités territoriales et à la taxe professionnelle ont mis en évidence les profondes difficultés rencontrées par l'Etat pour instaurer un dialogue harmonieux avec les élus locaux. Ils témoignent également d'une fracture entre les deux partenaires. Combien de fois avons-nous entendu, au cours des derniers mois, que les élus locaux dépensaient trop, embauchaient trop, n'étaient pas assez vertueux ? Dès le début, ce langage a heurté les sénateurs et les élus locaux que nous sommes en même temps.
J'ajoute que la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) a accentué les difficultés de dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales. En effet, les restructurations, les fusions, les déplacements de décisions du département vers la région ont contribué à distancier les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales au niveau local. J'observe d'ailleurs que ces difficultés de dialogue se retrouvent tant au niveau local que national. Je vous renvoie aux conclusions de notre collègue Yves Daudigny sur la question de l'ingénierie publique qui mettaient en évidence cet élément.
Mais avant d'aborder la présentation de nos recommandations, je souhaite faire un rapide bilan des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, dans le cadre d'une République à l'organisation constitutionnellement décentralisée. Didier Guillaume et moi-même avons distingué le niveau national du niveau local, les problématiques étant différentes.
Au niveau national, nous avons tout d'abord constaté qu'il y avait un très grand nombre d'instances de dialogue entre les deux partenaires, peut-être même un trop grand nombre. Cette multitude d'instances est prégnante en matière financière ; citons, à titre d'exemple, le comité des finances locales et deux structures qui lui sont rattachées : la commission consultative d'évaluation des charges ou encore la commission consultative d'évaluation des normes. Il en est de même dans le domaine de la fonction publique (avec le collège des employeurs territoriaux), de l'environnement (prenons l'exemple du comité de l'eau) ou encore des instances à vocation plus large comme la conférence nationale des exécutifs (CNE).
Cependant, la multiplication des outils n'empêche pas un manque de dialogue, voire une certaine incompréhension entre l'Etat et les représentants des collectivités territoriales ! Pourquoi un tel constat ? Deux éléments peuvent, selon nous, expliquer « l'échec », ou le demi-succès, de ces différentes instances de concertation.
En premier lieu, nous observons une absence de connaissance partagée des politiques décentralisées. Les ministères souffrent d'un manque d'information actualisée sur la gestion des politiques décentralisées, comme l'avaient d'ailleurs regretté nos collègues MM. du Luart et Krattinger, dans le cadre de leur rapport consacré au financement des transferts de compétences.
En second lieu, nous constatons une réelle confusion entre les notions de dialogue et de proclamation, largement illustrée par la CNE. Celle-ci, créée par le Premier ministre afin d'améliorer le dialogue entre l'Etat et les élus locaux, ne dispose pas de fondement juridique et ne peut s'appuyer ni sur un secrétariat technique propre, ni sur un conseil d'orientation. Or, cette situation constitue un frein à son ambition, puisque la CNE est dans l'incapacité de préparer les dossiers qui lui sont soumis, et ne peut se réunir sur la base de rapports introductifs ou d'un véritable ordre du jour. Dès lors, ses réunions ne peuvent aboutir à de véritables résolutions ou recommandations. C'est pourquoi elle s'est transformée en une instance au sein de laquelle le Gouvernement présente un bilan largement positif de ses réformes, sans que celles-ci fassent l'objet d'un diagnostic partagé avec les élus locaux.
Cependant, les critiques liées au fonctionnement de la CNE ne doivent pas occulter le succès de certaines instances de dialogue, telle la CCEN, présidée par notre ancien Président, Alain Lambert, dont l'efficacité a largement favorisé la promulgation d'un moratoire sur les normes et l'examen du stock de normes existant, qui représente un coût financier élevé pour les collectivités.
Quant au dialogue entre l'État et les collectivités territoriales au niveau local, il apparaît beaucoup moins structuré qu'au niveau national. En effet, seule la conférence des exécutifs régionaux constitue un lieu d'échanges entre les différentes catégories de collectivités au sein de chaque région. Cependant, cette instance n'organise qu'un dialogue « inter-collectivités », dans la mesure où ni le préfet de région, ni les préfets de département n'en sont membres à part entière.
Par ailleurs, les échanges réguliers entre le représentant de l'État dans le département et les élus locaux constituent une autre forme de dialogue, dont la qualité et l'efficacité varient selon la personnalité des acteurs et les problématiques inhérentes à chaque territoire. Nous avons qualifié ce type de dialogue « d'intuitu personae ».
Les bilans des conférences régionales des exécutifs sont fort variables : certains territoires comme la Bretagne en tirent un profit évident, lié certainement à leur culture historique de dialogue, quand d'autres n'en perçoivent pas l'intérêt.
Quant au préfet, il reste un vecteur essentiel du dialogue entre l'Etat et les collectivités, mais son rôle est fragilisé par la RGPP. Ainsi, la réorganisation des services déconcentrés ne permet plus aux élus de terrain de disposer d'interlocuteurs de proximité, ce qui risque de conduire, à terme, à une remise en cause de nombreux projets territoriaux. En outre, ce recul de l'Etat pourrait fortement défavoriser les territoires ruraux, dont les représentants élus expriment régulièrement leur besoin d'Etat, ainsi que l'avait souligné notre collègue Bruno Sido dans son rapport consacré à la mutualisation dans les départements, et comme j'en avais moi-même fait état, avec Yves Krattinger, dans notre rapport « Faire confiance à l'intelligence territoriale ».
La nécessité de créer un dialogue harmonieux entre l'Etat et les élus locaux nous a conduits à formuler quelques recommandations, dont nous vous présentons les plus importantes.
Les premières propositions s'appliquent au dialogue de niveau national.
Tout d'abord, nous estimons qu'il est essentiel de renforcer le rôle de la CNE afin qu'un dialogue fructueux s'instaure entre l'Etat et les collectivités territoriales. C'est pourquoi nous préconisons de conférer une assise juridique à la CNE en insérant un article fondateur dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT). Il est d'autant plus important de renforcer juridiquement la CNE que notre ancien collègue, Philippe Richert, aujourd'hui ministre chargé des Collectivités territoriales, vient d'exprimer son souhait de relancer cette instance de dialogue.
Si vous adoptez cette proposition, elle constituera une réponse forte de notre délégation sénatoriale aux attentes exprimées à maintes reprises, aussi bien par les élus locaux que par les associations nationales d'élus, ainsi que par les administrations centrales.
Outre l'institutionnalisation de la CNE, nous préconisons également une rénovation de ses missions. La CNE ne doit plus être une coquille vide, mais un véritable lieu de concertation, de dialogue et de négociation. Dans cette perspective, nous recommandons que la CNE puisse se prononcer sur un certain nombre de points. A titre d'exemple, nous pouvons citer :
- les perspectives de réformes dont la mise en oeuvre est susceptible de toucher les différents niveaux de collectivités territoriales ou leurs groupements ;
- les problématiques liées aux politiques publiques décentralisées nécessitant un partenariat entre l'Etat et les collectivités ;
- l'évolution de la situation des finances publiques et la lutte contre les déficits publics ;
- les projets de loi, ainsi que les documents relatifs à la position de la France sur les projets de normes communautaires ayant trait à l'organisation, aux compétences et aux finances des collectivités territoriales ;
- la définition des clauses de revoyure prévues dans le cadre des réformes des collectivités territoriales ;
- tout autre sujet intéressant les collectivités territoriales ou le Gouvernement.
L'institutionnalisation de la CNE et la redéfinition de ses missions nécessitent également la mise en place d'un secrétariat technique permanent pour coordonner et organiser ses différentes actions. Cette structure serait en relation avec les services compétents de l'Etat et les associations représentatives de collectivités pour préparer techniquement les réunions.
Le renforcement du dialogue entre l'Etat et les collectivités nous semble également essentiel au niveau local.
Actuellement, Jacqueline Gourault l'a rappelé, la loi prévoit qu'au niveau régional une conférence des exécutifs se réunisse pour permettre à la région et aux départements d'étudier et de débattre de tous sujets concernant l'exercice de compétences pour lesquelles une concertation est prévue par la loi, et de tous domaines nécessitant une harmonisation entre les deux niveaux de collectivité. La conférence des exécutifs ne constitue donc pas officiellement un lieu du dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Cependant, dans certaines régions, comme la Bretagne, cette instance permet aussi d'instituer un dialogue plus informel entre les élus locaux et les représentants de l'Etat. Dès lors, nous nous interrogeons sur un élargissement des missions des conférences des exécutifs, qui auraient pour objectif non seulement l'amélioration du dialogue entre les collectivités territoriales elles-mêmes, mais également, et surtout, l'amélioration du dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Dans cette perspective, la composition des conférences des exécutifs pourrait être adaptée. Ainsi, nous recommandons que les préfets de région et, le cas échéant, des départements soient considérés comme des membres à part entière des conférences des exécutifs et donc conviés à chacune des réunions.
Par ailleurs, l'efficacité de ces instances reposera, d'une part, sur leur capacité à susciter le dialogue et la concertation entre les différents acteurs locaux, mais aussi, d'autre part, sur le respect des orientations adoptées au cours de leurs réunions. C'est pourquoi nous préconisons que les orientations adoptées au sein de la conférence des exécutifs régionaux fassent l'objet, dans un délai rapproché, d'une délibération par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales concernées.
Enfin, la négociation locale devant être la clé du développement harmonieux des territoires, il convient de la décliner aux différents niveaux territoriaux. Si l'importance du niveau régional destine tout naturellement le conseil régional des exécutifs à être le lieu principal de la coordination des politiques territoriales majeures, le niveau départemental devrait lui aussi tirer profit d'un dispositif semblable de négociation organisée. Ainsi, nous vous proposons la création d'une conférence départementale des exécutifs.
Cette instance de dialogue aurait pour mission de faciliter la conduite de négociations et l'émergence de projets communs. Elle permettrait également de relayer les attentes exprimées par les différents acteurs locaux, à destination du président du conseil général, mais aussi du préfet de département, facilitant ainsi la mise en oeuvre des politiques territorialisées initiées par l'Etat.
Pour conclure, nous estimons que seule la mise en oeuvre de l'ensemble de ces propositions permettra une amélioration sensible des conditions du dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales, favorisant ainsi l'émergence d'une démocratie apaisée.
Ce que vous avez dit à propos du dialogue au niveau local ne correspond absolument pas à ce que j'ai vécu et ressenti en quarante ans de vie d'élu local. Les institutions ne sont jamais que ce que les hommes en font : si le représentant de l'État voulait jouer les « fiers-à-bras » avec les élus, il trouverait en face de lui le président du conseil général qui n'est généralement pas quelqu'un du genre à se mettre au garde-à-vous devant un préfet. Les préfets le savent, comme ils savent qu'ils ne feront rien dans leur département s'ils ne travaillent pas en bonne intelligence avec les élus ; ils n'ont pas envie d'organiser des réunions dans lesquelles les chaises seront vides. Si un préfet l'oublie, cela peut certes mal se passer, mais cela ne dure généralement pas très longtemps car l'État le prie alors rapidement d'aller voir ailleurs. C'est une constante de la République, vraie en tout endroit, quels que soient les Gouvernements.
Ce qui peut en revanche arriver, je le constate dans ma région, c'est que la présidence d'une assemblée locale ignore le préfet, n'organise pas de réunion avec lui. C'est une pratique très surprenante, heureusement rare, qui traduit une non-reconnaissance de l'État.
Au niveau national, je me demande s'il ne serait pas souhaitable de mettre en place un organisme unique de partenariat des collectivités avec l'État. Celles-ci en seraient renforcées car le fait est que l'État peut jouer de leur division. Je me souviens, à l'époque où je présidais le groupe de sénateurs des départements thermaux : le thermalisme français, représenté par plusieurs associations, n'arrivait pas à se faire entendre des pouvoirs publics ; je les ai invités à s'unir, ils l'ont fait et ont obtenu des résultats tout simplement parce que l'État avait en face de lui des interlocuteurs qui parlaient d'une même voix. Si le bloc collectivités territoriales réuni au niveau national dialoguait avec l'État après avoir fait, en son sein, sa propre synthèse des enjeux, les choses seraient beaucoup plus équilibrées qu'aujourd'hui.
Je souscris pleinement au constat des rapporteurs concernant le dialogue entre l'Etat et les collectivités ainsi qu'à leurs propositions. Cependant, je souhaite exprimer deux remarques.
En premier lieu, il faut se demander si nous souhaitons mettre en place de véritables instances de dialogue ou bien des « chambres d'écho » dont le seul objectif est d'entériner les décisions du gouvernement.
En outre, afin que les différents partenaires puissent véritablement discuter des enjeux concernant le secteur public, ils doivent disposer de données et chiffres précis concernant les collectivités territoriales. Sans ces informations, il est impossible de dialoguer, c'est-à-dire d'échanger des arguments afin de trouver des solutions adéquates. C'est malheureusement ce qui se passe actuellement dans les domaines de la fiscalité et du transfert des compétences.
Enfin, je pense que la mise en place d'une conférence nationale des exécutifs à la composition et aux missions rénovées permettrait d'améliorer la qualité du dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Je viens de rencontrer M. Philippe Richert, ministre délégué en charge des Collectivités territoriales, et je lui ai fait part de ce qui m'avait frappé, il y a deux ans, lorsque j'avais présidé la mission sur l'avenir des collectivités : le peu d'informations, d'éléments concrets, dont disposent les administrations de l'État sur la décentralisation. La DATAR, la DGCL et autres n'ont pas grand chose dans leurs soutes. Il n'empêche que les seules informations dont nous disposons sont celles de l'État. Je crois que les associations, qui ne manquent pas de moyens, pourraient se doter d'une expertise qui ne pourrait que les renforcer face à l'État. Elles disposeraient ainsi d'une base de données fiables qui permettrait de discuter. Notre délégation pourrait d'ailleurs parfaitement participer à la construction de cette banque de données.
Je suis favorable aux différentes propositions, dont certaines permettront d'officialiser des pratiques déjà existantes. En revanche, s'agissant de la septième proposition, je pense que la présence des préfets dans les conférences des exécutifs régionaux ne devrait pas être obligatoire. En effet, il est parfois nécessaire que les collectivités trouvent un accord avant de présenter au préfet un projet fédérateur. Il est également important de mettre en place un organisme qui collecte des données concernant les collectivités, indépendamment de l'Etat.
En conclusion, j'estime que si ces propositions étaient intervenues dans l'ancienne mouture de l'organisation des collectivités territoriales, cela aurait permis l'émergence de pistes de réforme très positives. Au contraire, avec la nouvelle loi portant réforme des collectivités territoriales, l'entrée en force des préfets au niveau du fonctionnement des collectivités obère le dialogue entre l'Etat et les élus locaux. En effet, les préfets bénéficieront de pouvoirs accrus dans le domaine de l'intercommunalité.
Ils devront quand même demander l'avis de la commission départementale de l'intercommunalité, qui disposera d'un pouvoir de blocage. J'imagine d'ailleurs mal un préfet prendre le contrepied de ce que proposera cette commission.
Afin d'illustrer mon propos, je vais citer un cas pratique : le TGV Toulouse-Bordeaux-Paris. Ce sujet n'entre ni dans le champ de compétences des régions, ni dans celui des départements et des communautés d'agglomération. Les premiers financent ce projet à hauteur de 350 millions d'euros, les deuxièmes, 420 millions d'euros et les troisièmes, 300 millions d'euros. La mise en oeuvre de ce chantier dépend naturellement du préfet. En effet, je vous rappelle que trois collectivités participent au financement du tronçon Bordeaux-Tours, dont le démarrage des travaux aura lieu bien avant celui du tronçon Bordeaux-Toulouse. Le préfet a donc un rôle majeur à jouer, puisqu'il peut garantir que l'Etat s'engagera à financer le projet jusqu'à son terme, donnant ainsi la certitude aux collectivités qui ont cofinancé les travaux portant sur le tronçon Bordeaux-Tours que la suite des travaux sera effectivement réalisée.
Je souscris au constat et aux propositions des rapporteurs, notamment quant au trop grand nombre d'instances de dialogue, qui donne une illusion de dialogue et contribue à diluer les sujets.
En ce qui concerne la conférence des exécutifs, il y a des régions où elle fonctionne plutôt bien. En Picardie, on n'associe pas les préfets, d'où, il est vrai, une espèce de défiance vis-à-vis de l'Etat. Je suis cependant d'accord avec notre collègue M. Mirassou : l'important est qu'il y ait des discussions entre les intercommunalités et les exécutifs régionaux et le préfet n'a pas forcément à être toujours présent. Sans toutefois rendre systématique sa présence, nous devons chercher à institutionnaliser les débats pour créer les structures d'un réel dialogue et mettre fin à des discussions parallèles. La conférence régionale des exécutifs est une instance de dialogue qui permet aux collectivités territoriales, et notamment à la région, avec l'appui des territoires et des EPCI, de peser et d'être en position un peu plus déterminante vis-à-vis du préfet, rendant les débats plus productifs que s'ils n'avaient cours qu'entre les EPCI et les préfets ou entre exécutifs. Ainsi, je considère que la proposition n° 7, sur la présence du préfet, est la plus significative et la plus visible parmi les propositions formulées, et donc la plus urgente à mettre en oeuvre.
Je salue le travail accompli, qui a donné lieu à un rapport particulièrement fouillé. Le fait que le préfet, de département ou de région -mais peut-être pas en même temps- soit occasionnellement présent lors de la conférence des exécutifs est incontestablement un apport supplémentaire en termes de dialogue. Même s'il faut, à mon sens, prendre également en compte la personnalité des différents interlocuteurs, cette mesure constitue un plus. Par ailleurs, qui dit création d'une commission -qu'elle soit nationale, régionale, départementale- dit mise en oeuvre de moyens. Je m'interroge sur ce point.
Je suis tout à fait favorable à une recomposition de la conférence nationale des exécutifs, et notamment à une représentativité en son sein des EPCI à fiscalité propre.
Pour ma part, je ne vois pas l'intérêt de regrouper toutes les associations. Elles doivent continuer d'exister avec leurs spécificités. Par exemple, si l'ADCF a vu le jour, c'est qu'elle ne retrouvait pas dans l'AMF la force de proposition et d'expertise que l'on retrouve dans l'ADCF. Je pense qu'il faut effectivement mettre à profit les personnes de haut niveau qui travaillent dans ces associations, mais sans pour autant obligatoirement les regrouper. Je pense que ces associations doivent perdurer sur leur mode autonome, en poursuivant les objectifs de défense des collectivités qui sont les leurs. C'est une richesse plutôt qu'une faiblesse, et cela permet de « s'y retrouver ».
Par ailleurs, je suis très réticent à l'idée d'intégrer les préfets de façon structurelle dans la conférence des exécutifs régionaux. Je considère qu'on peut ponctuellement les inviter -voire s'obliger à le faire- pour qu'ils apportent l'éclairage de l'Etat, mais, en premier lieu, on a besoin de discuter entre nous, ce qui s'avère déjà parfois compliqué. Leur présence systématique donnerait l'impression d'une forme de « recentralisation » ; la parole du préfet est tout de même vécue comme étant celle de l'Etat.
Sur la création d'une conférence départementale, l'idée est séduisante, mais de quels acteurs sera-t-elle composée ? Le département est déjà doté d'un conseil général avec un exécutif fort, mais, suivant qu'il s'agisse d'un département rural, très rural ou urbain, les choses risquent d'être plus ou moins difficiles à mettre en oeuvre.
En ce qui concerne le rôle du préfet dans le schéma départemental de coopération, je serai plus réservé que notre président : je pense que le préfet peut imposer son propre périmètre, car, pour contrecarrer sa position, il faut tout de même une majorité des deux tiers des voix de la commission départementale de l'intercommunalité. Il est à craindre qu'avec une majorité des deux tiers requise, on se retrouve parfois dans l'impasse. Je ne suis donc pas aussi optimiste que le président Belot sur ce point, même si j'espère me tromper !
Je ne peux pas imaginer le préfet et les élus locaux se faisant la guerre et, en tout état de cause, cela ne pourrait pas durer longtemps : les préfets sont des « passants » alors que les élus sont des « restants ».
Je voudrais répondre à notre collègue M. Bérit-Débat. J'abonde dans son sens au sujet des associations d'élus, d'autant plus qu'il existe des coordinations. Par exemple, en tant que présidente de la commission intercommunalités à l'AMF, j'ai toujours travaillé avec l'ADCF et nous avons toujours recherché un accord. Je précise qu'il est écrit, dans le rapport : « par conséquent, la présence des préfets ne doit pas être obligatoire à chacune des conférences des exécutifs ». Selon nous, il revient donc aux élus de décider de la nécessité de la venue du préfet suivant l'ordre du jour.
Je vous propose de passer maintenant à l'examen des recommandations des rapporteurs.
Je constate qu'il n'y a pas d'opposition sur les propositions n° 1, 2, 3 et 4, relatives à l'institutionnalisation, à la composition et aux missions de la CNE. Il en va de même ni sur la recommandation n° 5, prévoyant de doter la CNE d'un secrétariat permanent.
En ce qui concerne la proposition n° 6, sur la présence d'un administrateur du Sénat dans le secrétariat, je ne vois pas d'objection sur le fond, mais je me demande si on peut l'écrire dans un texte. D'ailleurs, l'Assemblée nationale pourrait souhaiter, elle aussi, avoir une antenne.
La proposition n° 6 pourrait être reformulée ainsi : « possibilité de présence d'administrateurs du Sénat ou de l'Assemblée nationale -désignés par la délégation aux collectivités territoriales- au secrétariat permanent de la conférence nationale des exécutifs », ceci afin de rendre possible la représentation du Parlement. On peut d'ailleurs envisager de joindre cette proposition à la n° 5.
Ce que l'on veut, c'est que le Sénat et l'Assemblée nationale ne soient pas ignorés dans cette démarche. Faut-il faire référence à la délégation ?
Pas dans un texte de loi : vous pouvez mentionner le Sénat et l'Assemblée nationale, qui figurent dans la Constitution, mais pas notre délégation.
D'accord : on mentionne un secrétariat avec des administrateurs des deux assemblées et on joint les propositions 5 et 6.
Sur la proposition n° 7, concernant la présence du préfet à la conférence régionale des exécutifs, nous avons bien noté, comme l'a précisé Mme Gourault, qu'il n'était pas dans l'esprit de nos rapporteurs de la rendre systématique.
Tout à fait. Néanmoins, nous vous présentons un rapport sur le dialogue non pas entre les collectivités territoriales, mais entre les collectivités territoriales et l'État. Cela suppose que, au niveau local, il puisse y avoir régulièrement un dialogue qui peut, selon nous, passer par la conférence régionale.
Nous sommes d'accord.
Sur la proposition n° 8, qui prévoit que seront relayées au niveau local les orientations retenues par la conférence des exécutifs régionaux, je note que nos rapporteurs envisagent que ces orientations donneront lieu à délibération dans les assemblées locales concernées. Faut-il aller jusque là ? Ne pourrait-on exiger une simple transmission des orientations, car il pourrait être gênant qu'une collectivité officialise dans une délibération son opposition ?
Notre souhait, c'est que chaque collectivité membre de la conférence des exécutifs se saisisse des conclusions, pour que celles-ci ne restent pas au point mort. Par exemple, nous faisons des assemblées bi-départementales Drôme Ardèche, au cours desquelles les deux conseils généraux « fusionnent » et se réunissent. Nous délibérons donc d'abord en assemblée bi-départementale, sans valeur normative, puis nous délibérons de nouveau dans chaque conseil général.
L'idée force du rapport est d'instaurer un véritable « contrat de confiance », moral, administratif, politique, au sein d'une instance qui ait pour ambition de rénover, de réformer le dialogue. Un ordre du jour doit donner lieu à une délibération, et l'objectif est que celle-ci « redescende », sous forme de communication.
Ce que nous préconisons, c'est que l'on institutionnalise, en quelque sorte, un dialogue régulier, par homothétie des formes, comme c'est le cas à l'échelle nationale.
Je souhaite insister sur le titre du rapport, qui porte bien sur le dialogue officiel entre l'Etat et les collectivités territoriales, et non pas sur celui entre collectivités. Ne nous trompons pas de sujet. En outre, on parle bien des collectivités qui sont représentées à la conférence nationale des exécutifs par leurs présidents.
L'idée c'est que les assemblées délibérantes des collectivités concernées se saisissent des travaux de la conférence régionale.
Il faudrait plutôt faire référence à une communication aux assemblées délibérantes concernées.
Oui, communication. Il ne faut pas ouvrir de nouveaux débats, il faut éviter de politiser ces débats en fonction des appartenances politiques des différents membres de la conférence.
Je rappelle que toutes les collectivités du département n'ont pas vocation à participer à la conférence régionale des exécutifs. Nous parlons en ce moment des collectivités territoriales représentées à la conférence régionale des exécutifs, en principe par leur président.
Ça peut être un adjoint au maire qui assiste à la conférence des exécutifs régionaux, si le maire n'a pas le temps d'y aller. Puis, lors de la séance consacrée à cette question, le maire annonce qu'il est en désaccord complet avec les travaux de la conférence. Du coup, un nouveau débat s'ouvre. Il faut donc être attentif à cela, et ne prévoir qu'une communication plutôt qu'une délibération qui n'est pas un acte de même nature.
Si la conférence des exécutifs fonctionne de manière satisfaisante, avec des travaux organisés et une véritable reconnaissance législative, les maires assisteront aux travaux.
Proposition n°9 « créer dans chaque département une conférence départementale des exécutifs ». Nous sommes, me semble-t-il, également favorables à cette proposition de nos rapporteurs.
Je rappelle que cette proposition doit être interprétée avec les mêmes réserves que celles faites précédemment sur la présence du Préfet aux réunions de la conférence régionale des exécutifs.
Nous venons de nous prononcer sur les propositions de nos rapporteurs, qui sont dorénavant les propositions de la délégation
Dans le prolongement de la réflexion proposée par Pierre-Yves Collombat sur la différence entre instance de dialogue et chambre d'écho, il me semble intéressant d'introduire cette idée dans le rapport car c'est une distinction pertinente. Mais, ce qui nous semble prioritaire, c'est la réflexion autour des outils dont devront être dotés ces conférences des exécutifs pour remplir leur rôle.