Je suis convaincue que nous pourrons trouver un accord susceptible à la fois de conforter la validité juridique du texte et de satisfaire l'ensemble des objectifs exprimés par les uns et les autres au cours des deux lectures au Sénat et à l'Assemblée nationale.
Il me semble qu'à l'article 2, nous pourrions accepter la rédaction adoptée par les députés, une disposition pour le commerce transfrontière concernant les éditeurs ne s'imposant pas, en définitive. Nous proposons ainsi de tenir compte des avis circonstanciés de la Commission européenne et de répondre aux impératifs de nécessité et de proportionnalité des mesures retenues afin d'atteindre nos objectifs.
En revanche, nous estimons qu'une disposition de cette nature est indispensable à l'article 3 qui, je le rappelle, impose au libraire de respecter le prix de vente fixé par l'éditeur. Nos collègues députés avaient souhaité n'obliger - par la loi - au respect du prix unique que les détaillants établis en France, tout en complétant l'article par une disposition tendant à encadrer les contrats passés entre éditeurs et détaillants établis hors de France. Une telle disposition pouvait paraître séduisante mais elle s'avère de facto sans effet juridique réel, voire même contreproductive et de nature à fragiliser la sécurité juridique de l'ensemble de la proposition de loi, au regard du droit communautaire et du droit de la concurrence.
En outre, l'examen des règles du droit civil, du droit international privé et du droit communautaire montre que la disposition adoptée par l'Assemblée nationale ne permettrait pas d'atteindre nos objectifs. Pour avoir quelque effet, une telle disposition supposerait tout d'abord que la loi applicable aux parties au contrat soit la loi française. Or, les parties déterminant la loi applicable, et compte tenu des rapports de force en présence, il y a peu de chances que ce soit le cas. En effet, il n'est pas évident qu'un éditeur établi en France puisse imposer à une plate-forme internationale une clause d'application du droit national ; d'ailleurs tel n'est pas le cas aujourd'hui. En cas de silence du contrat sur ce point, les règles du droit international s'appliquent. Or, en application du règlement européen « Rome I » du 17 juin 2008 et de l'article 17 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, qui transpose la directive dite « commerce électronique », la loi applicable au contrat sera celle du détaillant établi hors de France.
Le fait de cumuler nos deux rédactions ne serait pas plus efficace et introduirait même une confusion, laissant supposer que la rédaction proposée par le Sénat était insuffisante.
Celle-ci se suffit pourtant à elle-même. En outre, le caractère de « loi de police » dont on peut qualifier la présente proposition de loi, en application du règlement européen dit « Rome I », devrait permettre son application à tous.
En effet, cette qualification - qui certes ressort des compétences du juge au regard des travaux préparatoires du Parlement - nous semble clairement résulter des engagements internationaux de la France, et de l'Union européenne, au titre de la Convention de l'Unesco de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Notre proposition de loi apparaît à ce titre impérative pour la sauvegarde de cette diversité culturelle, qui représente un intérêt public majeur.
Par conséquent, nous proposons d'opter pour la rédaction adoptée à l'unanimité par le Sénat, à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Leleux, la pleine efficacité du dispositif supposant son application à l'ensemble des libraires exerçant leur activité sur le territoire national.
Nous pourrions en revanche nous rallier à la rédaction, semble-t-il consensuelle, à laquelle sont parvenus nos collègues députés à l'article 5 bis, en vue de garantir aux auteurs une rémunération juste et équitable, en cas d'exploitation numérique de leur oeuvre. Il me semble que le souhait ainsi exprimé par notre collègue David Assouline, et partagé par l'ensemble des sénateurs, se trouve ainsi satisfait.
Enfin, s'agissant du rapport annuel que le Gouvernement devra présenter au Parlement, les précisions apportées par l'Assemblée nationale à l'article 7 nous paraissent très utiles : elles font référence au développement de l'offre légale, à la rémunération des auteurs et elles spécifient dans la loi son objectif premier de diversité culturelle.