Intervention de Claude Lise

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 3 novembre 2010 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission outre-mer - examen du rapport pour avis

Photo de Claude LiseClaude Lise, rapporteur pour avis :

Je me réjouis de vous présenter, cette année encore, les crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au PLF 2011.

Les outre-mer ont été confrontés début 2009 à une crise sociale d'une ampleur sans précédent. Le Gouvernement a procédé à de nombreuses annonces dans la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) de mai 2009 puis, le 6 novembre, à l'occasion du premier conseil interministériel de l'outre-mer (CIOM). Au vu des promesses qui ont été faites, le projet de budget est décevant.

Commençons par le bilan de la LODEOM. Si 17 décrets d'application ont été publiés, certains ne l'ont été que plus d'un an après le vote d'une loi présentée en urgence. Plusieurs dispositions centrales restent inapplicables au bout de 18 mois, faute de mesures d'application : l'aide au fret, qui devait compenser les surcoûts liés à l'éloignement de l'hexagone, la création du groupement d'intérêt public (GIP) chargé de reconstituer les titres de propriété des biens fonciers et immobiliers qui en sont dépourvus, ou encore le fonds de continuité territoriale. Enfin, quelques textes d'application posent problème, ainsi que l'ont souligné MM. Bartolone et Yanno dans leur rapport sur l'application de la LODEOM : le décret de 2009 sur le dispositif d'exonération des charges sociales est par exemple flou.

Le CIOM, ensuite, a annoncé 137 mesures, dont le bilan est mitigé. Si je salue notamment la création des groupements d'intervention régionaux (GIR) - concurrence, beaucoup de ces mesures, notamment dans le domaine de l'agriculture, font l'objet de missions ministérielles.

Qu'il s'agisse de la LODEOM ou du CIOM, les résultats des nombreuses annonces tardent donc à se concrétiser.

Les crédits de la mission « Outre-mer » diminuent de 0,5 % en autorisations d'engagement (AE) et de 2,3 % en crédits de paiement (CP). Les outre-mer participent à la politique de rigueur, ce qui est tout à fait normal. Cependant, en équité, il faudrait tenir compte de leur « mal-développement ».

Le programme 138, « Emploi outre-mer » voit ses crédits augmenter de 3 % en AE et de 2,2 % en CP sous l'effet de la montée en puissance du service militaire adapté (SMA). 80 % de ces crédits vont au remboursement des exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer. Or les crédits inscrits ne couvriront pas l'ensemble des besoins : la dette de l'État envers les organismes de sécurité sociale augmentera donc ensuite. Si les crédits du SMA progressent de 60 millions en AE et de 50 millions en CP, je crains que le doublement des effectifs ne se réalise au détriment de la qualité de la formation dispensée.

Les AE du programme « Conditions de vie outre-mer » diminuent de 6 % et les CP de 10,4 %. Certes le niveau de la ligne budget unique (LBU) est maintenu en AE, mais les CP accusent un recul de 10 % et même 34 % pour le logement social. Certaines mesures annoncées lors du CIOM ne sont pas effectives ; il en est ainsi de l'assouplissement des obligations de participation ou de garantie des collectivités territoriales dans les opérations de construction de logement social, ce qui freine cette dernière. Il serait en outre bon que les annonces faites au niveau national prennent en compte les réalités ultramarines, ce qui n'est pas le cas du nouveau prêt à taux zéro (PTZ), le PTZ+, prévu par l'article 56 du projet de loi de finances.

La LODEOM visait à un changement de logique ; il s'agissait de passer à un développement endogène, en mettant en place les outils permettant aux outre-mer de rattraper leurs retards et de mettre en avant leurs atouts. On se trouve aujourd'hui dans une logique de « mal-développement » endogène. La défiscalisation en matière de logement social instituée par la LODEOM est actuellement totalement inefficace ; la réforme de la défiscalisation a nui au dynamisme du secteur du BTP ; les procédures d'agrément apparaissent complexes ; le cumul de crédits LBU et de la défiscalisation, indispensable à l'équilibre de nombreuses opérations, donne lieu à des interprétations contradictoires. En conséquence, le dispositif de défiscalisation en matière de logement social n'a permis de construire aucun logement social à ce jour et si 829 ont été agréés au 30 septembre dernier, ils ne sont pas encore sortis de terre.

L'aide à l'investissement outre-mer subit un coup de rabot de 10 % et l'avantage fiscal pour le photovoltaïque est supprimé. Le Gouvernement casse ainsi les outils qu'il avait proposés dans la LODEOM. Le photovoltaïque est particulièrement important - ne donne-t-on pas la Réunion en exemple ? La LODEOM prévoyait un arrêté permettant de limiter les dérives, il n'a pas été publié. Dès lors, le Gouvernement peut difficilement mettre en avant les abus. La suppression de cet avantage fiscal paraît dangereuse et l'amendement adopté à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, n'est pas de nature à nous rassurer : évaluer les effets de la suppression d'ici juin 2011 revient à couper la tête d'un malade en projetant une greffe six mois après... Mieux vaudrait prévoir un plafonnement avec un agrément au premier euro : beaucoup d'opérateurs sont d'ailleurs partisans d'un tel dispositif.

Pour toutes ces raisons, le budget de l'outre-mer n'est pas à la hauteur des défis. L'on peut comprendre qu'il faille participer à la réduction des déficits, mais il s'agit ici de tout un ensemble, et il ne m'est pas possible de proposer un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « outre-mer ».

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