Intervention de Alain Vasselle

Commission des affaires sociales — Réunion du 3 novembre 2009 : 1ère réunion
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 — Examen du rapport

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur général :

a d'abord indiqué que le périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale recouvre un ensemble de plus de 400 milliards d'euros qui comprend les finances des quatre branches de la sécurité sociale - la maladie, la vieillesse, la famille et les accidents du travail-maladies professionnelles -, les comptes de la « branche » recouvrement, les dépenses à caractère médico-social incluses dans la branche maladie, ainsi que les comptes de divers organismes qui contribuent au financement de la protection sociale, notamment le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

La loi organique du 2 août 2005 a institué un découpage du projet de loi de financement en quatre parties. La première est consacrée à l'exercice clos, soit 2008, pour lequel sont présentés les tableaux d'équilibre définitifs. La deuxième est relative à l'année en cours, soit 2009, pour laquelle doivent être votées des prévisions rectifiées - très divergentes, cette année, de celles adoptées voici un an. Les deux dernières sont relatives à l'année à venir, c'est-à-dire 2010, la troisième partie étant consacrée aux recettes et la quatrième aux dépenses réparties par branche.

S'ajoute à cette structure en quatre parties un cadrage pluriannuel, qui est l'une des particularités du projet de loi de financement ; il figure dans l'annexe B du projet de loi. Etabli parallèlement à celui de la loi de finances, il ouvre cette année des perspectives préoccupantes. Ses évolutions sont bâties sur des hypothèses que l'on peut qualifier de volontaristes : une croissance de 0,8 % en 2010, soit une reprise encore modérée, mais de 2,5 % chacune des trois années suivantes ; une baisse de la masse salariale de 0,4 % en 2010 mais une augmentation de 5 % les trois années suivantes. Or, le contexte économique encore très incertain d'aujourd'hui incite à être moins optimiste. L'ensemble des instituts de prévision a d'ailleurs encore de la peine à fixer des chiffres, que ce soit pour le moyen terme ou simplement pour l'année 2010.

Dans ce contexte économique globalement favorable, les comptes de chacune des branches de la sécurité sociale restent déficitaires jusqu'en 2013 et le déficit total ne se réduit pas : il ne fait que se stabiliser aux alentours de 30 milliards d'euros.

Si l'on modifie l'une des hypothèses, par exemple celle de la progression de la masse salariale, on constate un creusement rapide du déficit : une hausse de 4 %, et non de 5 %, à partir de 2011 représente 2 milliards de déficits supplémentaires par an ; une augmentation de 3 % seulement entraîne au moins 4 milliards de déficits annuels en plus. Ces chiffres sont à rapprocher de ceux de la période 1998-2007 lorsque la masse salariale progressait de 4,1 % en moyenne par an, ce qui était considéré comme un bon niveau.

La moindre dérive a des conséquences immédiates en termes d'accumulation de dette sociale. Or, selon le scénario du Gouvernement pour la période 2009-2013, le déficit global à financer s'élèvera déjà à 170 milliards d'euros, 150 pour l'ensemble des régimes et 20 au titre du FSV.

Ces prévisions peuvent, de façon éclairante, être mises en regard de celles de l'année dernière qui prévoyaient un retour à l'équilibre des comptes du régime général en 2012. La crise est entre temps apparue et justifie très largement la rechute. Elle n'en montre pas moins la volatilité de ces projections. En tout cas, le cadrage pluriannuel de l'annexe B a au moins le mérite de tracer une trajectoire et de faire apparaître les contraintes et les difficultés du respect de l'objectif.

a ensuite présenté les comptes de l'année 2008, année de stabilisation des déficits. Le régime général affiche un solde négatif de 10,2 milliards d'euros, résultante de deux mouvements de sens inverse : la poursuite de la baisse du déficit de la branche maladie, ramené de 11,6 milliards en 2004 à 4,4 milliards en 2008, et le fort accroissement du déficit de la branche vieillesse, devenue la plus déficitaire, avec 5,6 milliards d'euros, en raison de la hausse de 6 % des prestations.

L'année 2009 connaît une dégradation sans précédent des comptes. Le déficit du régime général en 2009 devait s'élever à 10,5 milliards d'euros ; le projet de loi de financement rectifie très largement ces objectifs en portant ce solde à 23,5 milliards. Toutes les branches sont déficitaires : le déficit de la maladie est multiplié par deux et demi, à 11,5 milliards d'euros, celui de la branche vieillesse dépasse 8 milliards et celui de la branche famille atteint un montant inédit de 3 milliards.

L'« effet crise économique » entraîne un effondrement des recettes pendant que les dépenses continuent de croître. Pour le régime général, la perte de recettes due à la crise s'élève à 25 milliards sur les deux exercices 2009 et 2010, dont plus de 20 milliards au titre des cotisations et de la CSG. Ces deux catégories de prélèvements sont assises sur la masse salariale et celle-ci, pour la première fois depuis la dernière guerre, baisse significativement deux années de suite.

En 2010, compte tenu de l'effet recettes, le déficit du régime général serait de 30,6 milliards. Les nouvelles ressources sont marginales. Elles comprennent, d'une part, la contribution des assurances complémentaires à la pandémie grippale pour un peu moins de 300 millions d'euros, d'autre part, environ 1 milliard au titre des niches sociales : doublement du forfait social, réforme du dispositif des retraites « chapeau », taxation des plus-values sur valeurs mobilières et sur les contrats d'assurance vie multisupports.

En matière de dépenses, à l'exception de la lutte contre la fraude qui est une priorité pour l'ensemble des branches, le projet de loi de financement comprend également un nombre limité de mesures. Sur l'assurance maladie, plusieurs ont pour objectif de réaliser des économies, de faible portée toutefois : la régulation des dépenses de prescription de transports sanitaires, l'extension de la mise sous entente préalable et l'encadrement des affections de longue durée. S'y ajoutent deux mesures de nature réglementaire : la fixation du forfait journalier hospitalier à 18 euros au lieu de 16 euros et la baisse de 35 % à 15 % du taux de remboursement de médicaments déclarés à service médical rendu insuffisant. En revanche, l'aboutissement du processus de convergence tarifaire entre les secteurs hospitaliers public et privé est reporté de 2012 à 2018.

a ensuite présenté ses principales observations et propositions sur les équilibres généraux des finances sociales. La priorité est de régler la question des déficits accumulés. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit aucune reprise de dette par la Cades et le Gouvernement a confirmé qu'il n'envisageait rien avant 2011. En conséquence, l'Acoss va devoir porter dans ses comptes les déficits 2009 et 2010, dans la limite d'un plafond historique de 65 milliards d'euros.

Or, comme la commission l'a plusieurs fois démontré, plus on attend, plus le transfert des dettes à la Cades devient coûteux et plus on reporte le poids de cette charge sur les contribuables de demain. Cet état de fait milite en faveur d'une première mesure dès cette année. Cela consisterait à faire reprendre par la Cades environ 20 milliards d'euros, soit le « point haut » de la trésorerie de l'Acoss en 2010. Ce transfert serait bien entendu accompagné des recettes nécessaires à son remboursement, conformément aux règles organiques. Le taux de la CRDS serait donc augmenté de 0,15 % et atteindrait 0,65 %. En conséquence, le plafond d'emprunt de l'Acoss serait ramené à 45 milliards. Une telle politique « des petits pas » serait de meilleure gestion qu'une reprise massive de dette accompagnée d'une hausse sensible des ressources destinées à y faire face.

Le deuxième objectif à poursuivre est celui de la maîtrise des dépenses. Le contexte financier actuel exige même d'amplifier les efforts des dernières années, notamment à l'hôpital. Le Premier président de la Cour des comptes a fait valoir avec force qu'il existe de réelles marges de progrès et d'efficience à l'hôpital. Celles-ci doivent donc être mobilisées. Ce sera une mission prioritaire pour les agences régionales de santé (ARS). C'est aussi dans cet esprit que s'inscrit la proposition visant à ramener l'horizon de la convergence tarifaire à 2014. En effet, toutes les études sur les écarts de coûts devraient être achevées en 2012 ; il n'y a pas lieu d'attendre six années pour en tirer les conséquences.

Sur les dépenses des autres branches, il est particulièrement nécessaire que le rendez-vous de 2010 sur les retraites permette d'apporter des solutions durables à l'équilibre des comptes de la vieillesse. La Mecss en fera l'un de ses sujets de réflexion au début de l'année 2010 et ce sera le thème du débat thématique du PLFSS.

La troisième nécessité est celle de la recherche de financements dynamiques et durables pour faire face à des dépenses croissantes, notamment en matière de santé et de vieillesse. Cela signifie qu'il faut préserver les recettes actuelles mais aussi réfléchir à la mobilisation de nouvelles ressources.

Pour sécuriser les recettes, la commission des affaires sociales a fait de nombreuses propositions ces dernières années, dont un certain nombre ont d'ailleurs été reprises soit par le Gouvernement, soit par les députés, par exemple la taxation des stock-options ou encore l'instauration d'une « flat tax », le forfait social. Pour 2010, les amendements soumis à la commission auront pour objet de proposer de calculer les exonérations de charges sociales sur une base annuelle et non mensuelle, afin d'éviter certains contournements ; de plafonner l'exonération de charges sociales applicable aux retraites « chapeau » ; de commencer à aligner l'assiette de la CSG sur celle, plus large, de la CRDS en soumettant à la CSG les ventes de métaux précieux, bijoux et objets d'art. Par ailleurs, il sera proposé de décaler la date retenue pour l'extinction du dispositif d'exonération du droit à l'image collective des sportifs professionnels car il paraît plus raisonnable d'attendre la fin de la saison sportive pour changer les règles du jeu.

Puis M. Alain Vasselle, rapporteur général, a présenté ses observations et propositions sur la branche maladie. L'article 34 qui prévoit que les régimes d'assurance maladie vont apporter en 2010 une contribution au financement des agences régionales de santé (ARS) ne contient aucun montant chiffré et renvoie à un arrêté, ce qui est à l'opposé de l'intention du législateur dans la loi HPST. Or, il s'agit des ressources de l'assurance maladie, qui ne sont pas surabondantes et qui n'ont pas pour vocation première de financer le fonctionnement d'établissements publics de l'Etat. Il serait donc légitime de plafonner son montant en année pleine, de préciser qu'elle ne pourra être consommée qu'au prorata de la durée effective de fonctionnement des agences et d'indiquer qu'elle devra représenter une participation aux dépenses afférentes aux emplois transférés. De même, le fonds de concours destiné à financer l'installation des ARS, auquel participerait l'assurance maladie, n'a pas sa place dans ce projet de loi, ce qui justifierait sa suppression.

L'article 29 qui a pour ambition de s'attaquer à la question des affections de longue durée (ALD), en organisant la prise en charge du suivi médical des patients qui en sortent, est en réalité une mesure ponctuelle de portée limitée. Le dispositif est présenté comme visant essentiellement le cas du cancer ; il ne suffira toutefois pas à changer le regard social sur cette maladie, ni à lever les obstacles qui empêchent trop souvent les personnes qui en ont été atteintes de trouver un emploi ou d'obtenir un prêt. La Haute Autorité de santé a mené, au cours des trois dernières années, des travaux importants sur ce sujet, qui permettraient une mise à jour très rapide des critères médicaux d'entrée en ALD, aujourd'hui largement obsolètes. Il serait en particulier utile que soient précisées, au niveau réglementaire, les durées de prise en charge. Elles seront bien entendu renouvelables, mais il paraît important que l'entrée en ALD ne soit plus perçue comme étant à durée indéterminée.

Certaines propositions de l'Assemblée nationale méritent par ailleurs d'être confortées. C'est le cas de l'article additionnel autorisant les génériques à se présenter sous la même forme que les médicaments princeps, afin de faciliter leur diffusion et de prévenir des risques d'accidents dus à des erreurs de prise.

C'est également le cas de l'article additionnel tendant à favoriser la maîtrise médicalisée des dépenses de prescriptions hospitalières délivrées en ville. Sur ce point, la situation n'évoluera vraiment que lorsque sera enfin appliquée la disposition votée, à l'initiative du Sénat, qui impose l'identification des auteurs de prescriptions hospitalières.

En ce qui concerne les dépenses liées à la grippe H1N1, il est proposé que les assurances complémentaires participent au financement de l'achat des vaccins et que cette contribution soit affectée à la Cnam, ce qui est logique puisque leur contribution est représentative du ticket modérateur. Le Gouvernement a toutefois prévu de déposer un amendement au projet de loi de finances pour affecter cette contribution à l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), ce qui conduira à en partager le montant entre l'Etat et la Cnam. Cette nouvelle formule ne paraît pas acceptable, tout comme l'amendement voté à l'Assemblée nationale selon lequel les dépenses d'indemnisation des personnes qui vaccineront seront prises en charge par l'assurance maladie, alors que ce type de réquisitions doit normalement être financé par l'Etat. Par ailleurs, il n'y a pas de raison d'exclure du seuil d'alerte de dépassement de l'Ondam les dépenses liées à la grippe ; une telle mesure est à la fois contestable sur le plan des principes et difficile à appliquer : comment isoler les consultations ou les indemnités journalières spécifiquement liées à la grippe H1N1 au sein des soins de ville ?

a terminé son propos liminaire en évoquant la question du secteur optionnel. Un protocole a été signé le 15 octobre 2009 pour définir les grands axes de ce que pourrait être le secteur optionnel, c'est-à-dire, un secteur dans lequel les dépassements seront plafonnés. Pour que cet accord ne reste pas lettre morte, dans un contexte de négociation conventionnelle compliqué, deux amendements seront proposés : le premier pour prévoir que la convention médicale définit les conditions dans lesquelles les médecins peuvent adhérer au secteur optionnel et qu'en cas de rupture des négociations, le règlement arbitral devra alors organiser la mise en place de ce nouveau secteur ; le second pour préciser que seuls les établissements privés dont une majorité de médecins exercent en secteur 1 ou en secteur optionnel peuvent se voir reconnaître des missions de service public en application de la loi HPST.

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