Intervention de Dominique Leclerc

Commission des affaires sociales — Réunion du 3 novembre 2009 : 1ère réunion
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 — Examen du rapport

Photo de Dominique LeclercDominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse :

a constaté que la situation financière de la branche est, cette année encore, extrêmement préoccupante. Elle connaît une dégradation continue de ses comptes depuis cinq ans, au point d'être devenue, en 2008, la plus déficitaire de toutes. L'an dernier, la loi de financement pour 2009 prévoyait une stabilisation de son déficit autour de 5 milliards d'euros. Elle a pêché par excès d'optimisme : la branche finira l'année avec un déficit de 8,1 milliards d'euros qui pourrait atteindre 11,3 milliards en 2010.

Cette forte détérioration des comptes résulte avant tout de la crise économique qui a affecté brutalement les recettes. Parallèlement, les dépenses ont continué de progresser à un rythme soutenu - bien qu'en légère inflexion - en raison de l'augmentation de l'effectif des retraités.

Pour autant, la crise ne doit pas servir d'alibi pour masquer la réalité. Les mutations démographiques en cours depuis une vingtaine d'années obligent à reconnaître que le régime par répartition n'est structurellement plus viable avec ses paramètres actuels. Dès lors, quel que soit le scénario de sortie de crise, la branche vieillesse abordera la reprise avec le handicap considérable d'un déficit de près de 13 milliards d'euros en 2012, soit le niveau que lui prévoyaient les projections 2007 du conseil d'orientation des retraites (Cor) pour 2020. En aucun cas, le retour à une conjoncture économique favorable ne permettra de rééquilibrer le solde financier de la branche.

Le bilan du rendez-vous de 2008 est mitigé : à son crédit, de réelles avancées ont été obtenues en matière d'emploi des seniors avec la libéralisation du cumul emploi-retraite, la revalorisation de la surcote, l'aménagement de la mise à la retraite d'office et la conclusion d'accords ou de plans d'action dans les entreprises, toutes mesures pour lesquelles les premiers résultats sont encourageants ; également, l'effort de solidarité envers les petites retraites est réel, grâce à la revalorisation de 6,9 % du minimum vieillesse cette année, au meilleur ciblage du minimum contributif et à la majoration de 11 % des petites pensions de réversion à compter de 2010.

Pour autant, 2008 a été un rendez-vous partiellement manqué en ce qu'il n'a pas répondu aux attentes, nombreuses et légitimes, sur le financement du système de retraite. Ainsi, le redéploiement des cotisations chômage au profit des cotisations vieillesse, prévu par la loi du 21 août 2003 et qui devait garantir le financement des retraites d'ici à 2020, a évidemment été reporté sine die.

Dans l'attente du prochain rendez-vous de 2010, annoncé par le Président de la République, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 comporte peu de mesures relatives à l'assurance vieillesse, à l'inverse de l'année dernière. Son seul apport notable porte sur la réforme de la majoration de la durée d'assurance (MDA) accordée aux mères de famille. Rendue inévitable par un arrêt de la Cour de cassation de février dernier, celle-ci a été conduite dans le souci de maintenir le maximum de garanties aux mères, tout en rendant le dispositif acceptable du point de vue juridique de l'égalité hommes-femmes. Une extension pure et simple de la MDA aux pères aurait été à la fois inéquitable et inenvisageable compte tenu de son coût. La solution proposée consiste donc à accorder la première année de majoration aux mères, au titre de la grossesse, et à répartir la seconde au sein du couple, au titre de l'éducation de l'enfant. Ce compromis, qui avait été accepté par la plupart des organisations syndicales, a été modifié lors du passage à l'Assemblée nationale, dans un sens qui ne paraît pas convaincant. C'est pourquoi des amendements seront proposés afin de revenir à l'esprit du texte initial.

Ceci étant, la réforme de la MDA n'exonère pas d'une réflexion plus approfondie sur les droits familiaux et conjugaux, en particulier sur l'articulation entre les majorations de durée d'assurance et l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), sujet qui devra être abordé lors du rendez-vous de l'année prochaine. Dans cette attente et afin de lancer dès à présent le débat, un amendement aura pour objet de poser le principe du non-cumul de ces deux dispositifs pour les fonctionnaires.

Enfin, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a évoqué le rendez-vous de 2010 qui doit être l'occasion de remettre à plat le système de retraite, en n'éludant aucune question, ni aucune solution. Il est en effet urgent de fonder un nouveau contrat social des retraites car le pacte intergénérationnel et le pacte intragénérationnel sont aujourd'hui brisés. Par ailleurs, il est inconcevable de continuer à différer la question du financement des retraites. Dès lors, sauver les retraites nécessite d'une part, de modifier les paramètres actuels pour dégager de nouveaux financements à court terme, d'autre part, de poser les fondements d'une réforme structurelle, sachant qu'aucune action sur les paramètres ne permettra de répondre à elle seule aux besoins de financement à moyen et long terme.

Lorsqu'il s'agit de faire un choix de société aussi déterminant pour l'avenir d'un pays que celui de son système de retraite, la méthode de réforme revêt une grande importance. Son degré d'acceptabilité dépendra non seulement de la capacité à faire oeuvre de pédagogie et de vérité vis-à-vis des Français, mais aussi de la lisibilité et à la transparence des mesures proposées. L'idée d'un « Grenelle des retraites », lancée par certains partenaires sociaux, aurait au moins le mérite de ne pas s'adresser qu'à un cercle restreint de spécialistes du sujet, mais de s'ouvrir aussi à la société civile dans la recherche du plus large consensus possible.

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