Intervention de Gérard Dériot

Commission des affaires sociales — Réunion du 3 novembre 2009 : 1ère réunion
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 — Examen du rapport

Photo de Gérard DériotGérard Dériot, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles :

a rappelé que la branche AT-MP est la plus petite des quatre branches de la sécurité sociale puisqu'elle représente 3 % seulement de ses dépenses, soit, en 2010, environ 12,9 milliards d'euros, dont 11,4 milliards pour le régime général.

Pour autant, sa situation est un bon reflet de l'état des risques professionnels. Les statistiques récentes indiquent une stabilisation du nombre d'accidents du travail mais une augmentation du nombre des accidents de trajet et des maladies professionnelles. Il reste toutefois difficile de déterminer si l'augmentation du nombre de malades tient à la dégradation de la santé au travail ou à l'amélioration du taux de déclaration et de reconnaissance des maladies professionnelles.

En effet, il est bien connu qu'une bonne part des AT-MP sont, pour des raisons diverses, non déclarés comme tels et pris en charge au titre de l'assurance maladie, pour un montant évalué entre 564 millions et 1 milliard d'euros. En en conséquence, en 2010 comme en 2009, la branche AT-MP effectuera un versement de 710 millions à la branche maladie à titre de compensation. Cette compensation a un impact sur les finances de la branche dont la situation est inquiétante. Longtemps à l'équilibre ou excédentaire, elle est à son tour contaminée par le déficit : 650 millions en 2009, 800 millions prévus pour 2010.

Ce retournement de situation s'explique par la conjonction de deux facteurs : tout d'abord, la crise économique, qui a réduit les recettes, même si elle a également limité les dépenses en contenant la revalorisation des différents indices ; ensuite, et sans doute plus durablement, les charges nouvelles que la loi de financement pour 2009 a fait assumer à la branche.

Certes, le montant de ces charges ne devrait pas augmenter en 2010, mais la progression des dépenses restant supérieure à celle des recettes, le déficit va se creuser. Il faudra donc nécessairement que les partenaires sociaux qui gèrent la branche envisagent une augmentation des cotisations dont le taux moyen est resté stable depuis 2006.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 propose une amélioration du système de « bonus-malus » qui caractérise les cotisations de la branche, ce qui devrait déjà avoir des effets bénéfiques en permettant à la fois une sanction plus efficace des entreprises qui exposent sciemment leurs salariés au risque et une incitation renforcée à la prévention. Cette réforme traduit, sur le plan législatif, l'accord interprofessionnel de mars 2007 sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels, qui appelle aussi plusieurs textes réglementaires.

En dehors du projet de loi de financement, l'actualité de la branche AT-MP conduit à évoquer la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (Cog), liant l'Etat et la branche, qui a été signée le 29 décembre 2008 pour la période 2009-2012. Elle met en place, en matière de prévention, un plan national d'actions coordonnées qui va être déployé dans toutes les régions. Il se concentre sur les quatre risques considérés comme prioritaires (troubles musculo-squelettiques, cancers d'origine professionnelle, risque routier et risques psychosociaux) et sur les trois activités à forte sinistralité (BTP, grande distribution et intérim). Des plans d'action régionaux déclinant ces objectifs ont été élaborés au premier semestre 2009 en collaboration avec les instances paritaires régionales. La Cog poursuit également l'objectif de lutte contre la désinsertion professionnelle consécutive à un arrêt prolongé du travail, pour laquelle des cellules de coordination locales des différents acteurs (direction générale du travail, médecine du travail, caisses, entreprises) devraient être installées dans chaque région d'ici l'an prochain. Enfin, la Cog s'est fixé pour objectif le traitement homogène des dossiers sur l'ensemble du territoire. La reconnaissance des pathologies d'origine professionnelle varie en effet selon les caisses, entre 40 % et 85 % par exemple pour les troubles musculo-squelettiques. Pour mettre fin à ces écarts inquiétants au regard de la sous-déclaration des pathologies, des instructions ont été adressées aux directeurs des organismes locaux et des indicateurs de suivi mis en place.

Plus généralement, des événements récents ont posé, de manière dramatique, la question de la santé au travail. Le plan Santé au travail 2010-2014 devrait permettre de placer résolument la santé au travail au sein de la santé publique. Il se concentrera sur les risques à moyen termes que sont les troubles musculo-squelettiques, les cancers et les risques psycho-sociaux. Un suivi des objectifs sera désormais possible au travers de la mise en place d'indicateurs chiffrés, ce qui était une lacune importante du plan précédent.

Ceci étant, il faut regretter que les négociations entre partenaires sociaux sur la médecine du travail aient échoué le 11 septembre dernier, après sept séances de négociation qui n'ont pas permis d'aboutir à un accord, aucune organisation syndicale n'ayant accepté de s'engager. Sur ce point crucial, il semble que les pouvoirs publics devront prendre leur responsabilité pour permettre un véritable suivi de la santé au travail.

Enfin, demeure toujours posée la question récurrente de la réforme du fonds de cessation anticipée d'activités des travailleurs de l'amiante (Fcaata). Le rapport consacré par Jean Le Garrec à ce sujet préconisait la mise en place d'une voie d'accès individualisée au fonds afin de permettre à une personne exposée à l'amiante de demander à bénéficier d'une cessation anticipée d'activité quelle que soit son entreprise ou son affiliation sociale. Tout en reconnaissant le bien-fondé d'une telle mesure, M. Gérard Dériot, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, a considéré qu'il convient aussi d'en apprécier les enjeux financiers, qui sont considérables. Le fait que le Gouvernement ait accepté de rendre un rapport sur cette question au Parlement permettra de disposer d'éléments concrets pour l'avenir.

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