Intervention de Patricia Lemoyne de Forges

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 22 juin 2011 : 1ère réunion
Audition de Mme Patricia Lemoyne de forges président de l'autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires acnusa

Patricia Lemoyne de Forges, président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires :

L'ACNUSA est la première autorité administrative indépendante dans le domaine de l'environnement. Créée par la loi du 12 juillet 1999, elle a vu ses compétences étendues à la pollution atmosphérique sur et autour des aéroports par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. C'est une instance de concertation et de dialogue, garante de la transparence des informations.

L'ACNUSA compte dix membres dont le mandat est de six ans : cinq membres sont renouvelés tous les trois ans. Non révocables et non renouvelables, ils sont nommés par décret en Conseil des ministres. Deux sont désignés par le Parlement et huit par le gouvernement. Leur mandat est incompatible avec toute activité professionnelle et toute responsabilité associative en lien avec l'activité des aéroports, avec tout mandat électif et avec la détention d'intérêts dans une entreprise des secteurs aéronautique ou aéroportuaire.

L'Autorité peut être saisie par un ministre, par une commission consultative de l'environnement, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale, ainsi que par une association concernée par l'environnement aéroportuaire. Elle peut également se saisir elle-même.

Elle exerce deux types de compétences. Sur la France entière en premier lieu, elle émet des recommandations sur toute question relative aux nuisances environnementales générées par le transport aérien sur et autour des aéroports :

- pour les nuisances sonores : il s'agit de la mesure du bruit et ses indicateurs, de l'évaluation de la gêne sonore et de la maîtrise des nuisances sonores du transport aérien et de l'activité aéroportuaire, enfin de la limitation de leur impact sur l'environnement, notamment par l'instauration de procédures particulières au décollage et à l'atterrissage ;

- pour la pollution atmosphérique : l'Autorité rend chaque année un rapport de synthèse sur les informations et propositions émises par l'ensemble des parties concernées.

Elle peut prononcer des amendes administratives, sanctionnant le non-respect des arrêtés du ministre chargé de l'aviation civile qui fixent des restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains aéronefs en fonction de leur classification acoustique, des restrictions permanentes ou temporaires de certaines activités en raison des nuisances sonores qu'elles occasionnent, des procédures particulières de décollage ou d'atterrissage en vue de limiter leurs nuisances sonores, par exemple les volumes de protection environnementale sur certains aéroports, des règles relatives aux essais moteurs et des valeurs maximales de bruit à ne pas dépasser.

Ces arrêtés concernent les aéroports de Bâle-Mulhouse, Beauvais-Tillé, Bordeaux, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte-d'Azur, Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Le Bourget, Paris-Orly et Toulouse-Blagnac. L'aéroport de Strasbourg s'appuie, pour sa part, sur une charte de bonne conduite.

L'Autorité a prononcé des amendes pour un montant de plus de 25 millions d'euros au total depuis 2002, les arrêtés de restriction ayant commencé à être pris à cette date. Ces sommes abondent le budget général de l'État, mais nous souhaiterions qu'elles soient plutôt destinées à des mesures en faveur des riverains. Des amendes d'un montant de 1,685 million d'euros ont déjà été prononcées depuis le 1er janvier 2011.

L'ACNUSA dispose en second lieu de compétences particulières :

- d'une part pour les aérodromes pour lesquels le nombre annuel des mouvements d'aéronef de plus de 20 tonnes a dépassé 20 000. Sont concernés les aéroports de Bâle-Mulhouse, Beauvais, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte-d'Azur, Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Strasbourg-Entzheim et Toulouse-Blagnac ;

- d'autre part pour les aérodromes dont le nombre annuel de mouvements d'aéronef de plus deux tonnes dépasse 50 000, si le plan d'exposition au bruit (PEB) ou le plan de gêne sonore (PGS) de cet aérodrome possède un domaine d'intersection avec les PEB et PGS d'un aérodrome défini dans le point précédent. Cette disposition vise en fait l'aéroport de Paris-Le Bourget, dont les PEB et PGS sont en cours d'élaboration.

Sur ces aéroports, l'Autorité dispose de pouvoirs spécifiques :

- dans le domaine des nuisances sonores, elle définit les indicateurs de mesure du bruit et de la gêne sonore et les prescriptions techniques relatives aux dispositifs de mesure de bruit, s'assure du respect de ces prescriptions par l'exploitant et diffuse l'information auprès du public. Elle est consultée sur les projets de plans et les révisions des PEB et des PGS ainsi que sur les projets de textes règlementaires, contrôle le respect des engagements pris dans des chartes et peut enfin être saisie d'une demande de médiation ;

- dans le domaine de la pollution atmosphérique, elle est chargée de contribuer au débat en matière d'environnement aéroportuaire et peut formuler des propositions d'études pour améliorer les connaissances et diffuser ces études.

Chaque année, l'Autorité établit un rapport rendant compte de son activité. Ce rapport, qui est remis au gouvernement et au Parlement, doit comporter une partie consacrée aux vols de nuit et une synthèse des informations et propositions relatives à la pollution atmosphérique. Les services de l'administration doivent répondre à ce rapport et aux avis et recommandations de l'Autorité dans un délai de six mois.

Les demandes de l'Autorité peuvent être réparties en trois grandes catégories :

- réduire la gêne lors du survol : il faut encourager la nuit et lors des périodes de jour peu chargées les approches en descente continue, ce qui permet un gain de bruit significatif pour les personnes habitant les communes situées en amont de la trajectoire, conduire de nouvelles réflexions sur la prise en compte globale de l'intérêt général lors de transfert de nuisances, enfin généraliser l'installation et l'utilisation des dispositifs d'alimentation fixes qui fournissent à la fois du courant électrique et de l'air pré-conditionné ;

- réparer et prévenir les nuisances sonores : l'Autorité propose de mettre en place un programme pluriannuel volontariste visant à terminer en cinq ans l'insonorisation des logements, de prendre en charge les travaux à 100 %, d'étudier la création d'une zone de transition aux limites du PGS moins 3 dB où l'aide serait réduite de moitié et d'envisager l'ouverture d'un recours aux riverains hors PGS qui démontreraient que le niveau de bruit est supérieur à celui du PGS. En terme d'urbanisation, l'Autorité recommande d'encadrer le renouvellement urbain et, dans la perspective d'une évolution indispensable du droit, de confier une mission de bilan et de préconisations au Conseil général de l'environnement et du développement durable, de renforcer également le contrôle de légalité en zone C des PEB et de mettre en place, dans le cadre du Grand Paris, une expérimentation portant sur l'accompagnement de la transformation d'une zone bâtie proche d'une plateforme ;

- améliorer les connaissances, la communication et le partage d'informations : une réflexion doit être engagée sur les processus de concertation et de consultation des populations. L'enquête DEBATS tend à mieux connaître et mieux quantifier les effets du bruit des avions sur la santé des populations riveraines des aéroports français : elle comporte une phase d'observation épidémiologique avec mesures ; après la mise au point en 2010 du protocole définitif de recherche, l'étude pilote doit démarrer au deuxième semestre 2011 pour un achèvement de l'enquête en 2016.

Enfin, l'Autorité propose, s'agissant des vols de nuit, de ne les autoriser que pour les avions les moins bruyants, de retenir pour les mesures de restriction une période correspondant à huit heures de sommeil et non à cinq heures comme c'est le cas actuellement à Roissy-Charles-de-Gaulle, de mettre en place un groupe de travail ACNUSA sur les vols de nuit et enfin de porter les réflexions sur ce sujet au niveau européen.

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