En réponse à ces interventions, M. François Nicoullaud a apporté les précisions suivantes :
- l'Iran n'a jusqu'à présent pas cédé aux différentes pressions de la communauté internationale ; la perspective de sanctions plus dures inquiète incontestablement la population et l'on ne peut exclure, de ce fait, un assouplissement de la position des autorités gouvernementales ; pour autant, il est vraisemblable que le président actuel ira jusqu'au bout de son mandat, en 2009, et que le retour au pouvoir des « pragmatiques » n'est pas encore d'actualité ;
- sur le plan technique, les concessions éventuelles pourraient porter sur l'accès à la technologie de la centrifugation ; il serait imaginable que l'Iran soit autorisé à mener des activités de recherche et de développement dans ce domaine et à disposer d'une capacité limitée, de l'ordre de 500 centrifugeuses par exemple ; il importerait bien entendu que le territoire iranien soit pleinement soumis aux contrôles de l'AIEA, que l'enrichissement de l'uranium n'aille pas au-delà de 5 %, niveau requis pour le combustible utilisé par les installations nucléaires civiles, enfin que l'uranium enrichi soit transféré dans un autre pays, par exemple en Russie, puisque cette dernière doit fournir le combustible pour la centrale iranienne de Bushehr ; le cumul de ces différentes garanties permettrait de déceler immédiatement toute tentative iranienne d'utiliser les capacités de centrifugation pour s'orienter vers un programme de nature militaire ; les risques d'une telle solution ne sont pas plus grands que ceux d'une renonciation officielle de l'Iran à l'enrichissement d'uranium ; même dans ce second cas en effet, les Iraniens pourraient tenter de développer un programme clandestin. Mais les contrôles de l'AIEA ont fait de grands progrès et ce programme clandestin, s'il prenait de l'ampleur, serait rapidement détecté ;
- les Iraniens s'étaient initialement fixé une échéance de l'ordre de 6 mois à un an pour la durée des négociations, car ils ne souhaitaient pas prolonger outre mesure la suspension de leurs activités ; ce sont les Européens qui les ont amenés à prolonger ces négociations sur une durée d'environ deux ans ;
- il n'est pas aujourd'hui démontré que les dirigeants iraniens veulent absolument réaliser une arme nucléaire, car pour au moins une partie d'entre eux, une telle politique créerait beaucoup plus de difficultés au pays qu'elle ne lui apporterait d'avantages ; en revanche, l'intérêt du régime pour un programme pacifique évolué s'explique au moins partiellement par les possibilités qu'un tel programme offrirait d'accéder rapidement à une capacité nucléaire militaire en cas de menace vitale ;
- les Iraniens n'ont jamais été séduits par la proposition d'effectuer l'enrichissement de l'uranium en Russie, dans la mesure où cette solution privait leurs ingénieurs et techniciens de toute possibilité d'accéder à la technologie de la centrifugation ;
- il ne serait pas réaliste de vouloir lier le dossier nucléaire à une négociation plus globale portant sur les questions régionales, comme l'Irak, le Liban ou la Palestine ; le dossier nucléaire touche à des questions suffisamment circonscrites pour continuer de faire l'objet d'une négociation spécifique ;
- il est logique que l'armée israélienne procède à des travaux de planification incluant des frappes aériennes sur l'Iran ; il est toutefois probable qu'Israël préfèrerait de beaucoup que les Etats-Unis se chargent d'une telle mission, tant pour des raisons politiques que pour des raisons militaires, la multiplicité des sites et leur éloignement rendant une telle opération très complexe pour l'aviation ou la marine israélienne ; l'administration américaine, pour sa part, semble mettre actuellement en place les mesures préparatoires lui permettant d'agir si elle en prenait la décision ;
- tant que l'Iran accepte les contrôles de l'AIEA sur ses activités nucléaires, l'option du recours à la force n'apparaît pas légitime ; il en irait autrement si l'Iran parvenait effectivement à faire fonctionner le nombre de centrifugeuses nécessaire à la production de matière fissile pour des armes nucléaires, hors de tout contrôle de l'AIEA ou, à plus forte raison, après un retrait du traité de non-prolifération (TNP) ;
- l'envoi éventuel d'un émissaire français n'aurait rien de choquant ; les Etats-Unis discutent quant à eux avec la Corée du Nord, qui est allée très au-delà de l'Iran, puisqu'elle a déjà procédé à un essai nucléaire.
a ensuite évoqué le rôle de l'Iran sur le plan régional. Il a précisé que le regain d'activisme fréquemment souligné, que ce soit au Liban, en Irak ou dans l'ouest de l'Afghanistan, était surtout le fait des pasdarans, dont les initiatives échappaient au contrôle du gouvernement et qui se sentaient investis d'une mission sacrée au service de l'expansion de la révolution islamique. Il a toutefois souligné que le Hezbollah, comme la communauté chiite d'Irak, constituaient des acteurs autonomes et ne pouvaient aucunement être considérés comme de simples instruments aux mains de l'Iran. De ce point de vue, la notion d'arc chiite au travers du Moyen-Orient lui a paru aller très au-delà de la réalité.