Intervention de Pierre Morel

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 décembre 2008 : 1ère réunion
Union européenne — Audition de M. Pierre Morel représentant spécial de l'union européenne en géorgie

Pierre Morel, représentant spécial de l'Union européenne pour la Géorgie :

a tout d'abord indiqué que la situation sur le terrain était très évolutive et ponctuée d'incidents donnant lieu à des accusations mutuelles lancées par les différentes parties. Il a souligné la complexité des relations entre les peuples de la région, fruit d'une histoire tourmentée faite de proximités et de rivalités. Il a notamment rappelé qu'à la suite de la volonté du premier président de la Géorgie indépendante, Zviad Gamsakhourdia, de contenir les tendances autonomistes dans les régions, une véritable guerre avait ravagé l'Abkhazie en 1992, provoquant 20 000 morts et la fuite d'environ 300 000 réfugiés.

En ce qui concerne les circonstances du déclenchement du conflit d'août dernier, il a indiqué que dans le cadre des travaux de la commission d'enquête dirigée par Mme Tagliavini, les parties seraient tentées d'élargir le champ de la recherche de responsabilités. Il a mentionné les informations publiées au mois de novembre dans la presse internationale selon lesquelles les autorités géorgiennes auraient pris l'initiative de l'action militaire, avec des tirs d'artillerie indiscriminés sur Tshinkvali qui auraient fait, selon les estimations actuelles, entre 150 et 300 morts. Les autorités géorgiennes ont répliqué que dans les jours précédents, plusieurs villages géorgiens avaient fait l'objet de bombardements provenant d'Ossétie du Sud.

Evoquant l'attitude des autorités géorgiennes, M. Pierre Morel a rappelé que le Président Saakashvili avait réussi à reprendre sans heurt en 2004 le contrôle de la région séparatiste d'Adjarie, limitrophe de la Turquie et où se situe notamment le port de Batoumi. Il a estimé que le président Saakashvili avait peut-être interprété le soutien dont il bénéficiait dans le monde occidental, et en premier lieu aux Etats-Unis, depuis la « révolution des roses » de décembre 2003, comme une approbation de principe de sa politique, quelle qu'elle soit.

Il a aussi estimé que du fait des activités qu'elle avait menée dans la région depuis plusieurs mois, notamment des manoeuvres militaires dans le Nord-Caucase au début de l'été, la Russie se trouvait tout à fait prête à une action militaire.

a souligné que l'Union européenne était intervenue très rapidement et avait mis fin au combat. Elle a su pallier le blocage des autres institutions traditionnellement compétentes, que ce soit l'ONU ou l'OSCE, qui ne pouvaient agir du fait de l'implication de la Russie. Pour la première fois, l'Union européenne a pris en charge, en temps réel, une crise internationale majeure.

a attribué l'efficacité européenne dans la gestion de cette crise à trois facteurs. Elle a tout d'abord fait preuve d'une très grande réactivité et l'engagement de la présidence a été maintenu dans la durée. Par ailleurs, l'Union a maintenu sa cohésion, en dépit de la grande diversité des sensibilités s'agissant des relations avec la Russie. De ce fait, elle a pu délivrer un message clair et ferme, soulignant la disproportion de la réaction russe et le caractère inacceptable de la reconnaissance de l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Enfin, l'Union a pleinement mobilisé ses instruments, en déployant en trois semaines une mission civile d'observation comptant 300 hommes fournis par 22 pays, et en obtenant, dans le cadre d'une conférence des donateurs à Bruxelles, des engagements d'aide d'un montant de 4,5 milliards d'euros.

a ensuite évoqué les réunions de Genève qui ont débuté le 15 octobre et ouvrent leur troisième session le 18 décembre. Il a précisé qu'elles se tenaient dans un format dit « 6 +2 », incluant d'une part la Russie, la Géorgie, les Etats-Unis, l'Union européenne, l'OSCE et l'ONU, et d'autre part les représentants d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, bien qu'en dehors de la Russie, le Nicaragua soit à ce jour le seul Etat à reconnaître l'indépendance de ces deux entités. Ce format a permis de réunir sans formalisme l'ensemble des partenaires autour de thèmes concrets, tels que la stabilisation de la situation sur le terrain, la prévention des incidents et la question des réfugiés. La Russie entretient néanmoins une incertitude sur la poursuite de ce processus au-delà de la fin de l'année.

a indiqué que lors de leur réunion à Bruxelles les 2 et 3 décembre, les ministres des Affaires étrangères de l'Alliance atlantique avaient manifesté leurs encouragements à la candidature géorgienne, sans prendre d'engagement sur l'échéance de déclenchement formel de la procédure d'adhésion. S'agissant des propositions du président Medvedev visant à élaborer une nouvelle architecture européenne de sécurité, il a estimé que celles-ci tendaient à redéfinir profondément le cadre établi, en cherchant à faire reconnaître l'existence de zones d'influence. Tel n'était pas le point de vue des Européens, qui seraient quant à eux plus ouverts à une amélioration du cadre actuel, préférant en quelque sorte un « Helsinki plus » à un « Helsinki II ».

Répondant à la question du président Josselin de Rohan sur les enjeux énergétiques, M. Pierre Morel a estimé que les infrastructures d'approvisionnement n'avaient pas été un objectif en tant que tel de la Russie lors du conflit d'août dernier. Au demeurant, l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan a été interrompu en raison d'un attentat survenu en Turquie le 4 août, et non à la suite de la guerre en Géorgie. Par ailleurs, la crise géorgienne a suscité un regain d'intérêt des gouvernements de l'Union européenne à l'égard du projet de gazoduc Nabucco et a renforcé leur détermination à le mener à bien.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion