Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 16 décembre 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • conflit
  • gendarmerie
  • géorgie
  • géorgienne
  • militaire

La réunion

Source

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 499 (2007-2008) portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale.

La commission a tout d'abord examiné la motion n° 43, présentée par MM. Jean-Louis Carrère, Daniel Reiner et Didier Boulaud, Mme Virginie Klès et les membres du groupe socialiste, tendant au renvoi en commission du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a rappelé que la commission avait réalisé un travail approfondi sur ce projet de loi, en se saisissant très en amont de cette réforme grâce à la création en son sein d'un groupe de travail, composé de sénateurs de différentes sensibilités, qui a publié un rapport d'information en avril dernier, en procédant à l'audition des ministres de l'intérieur et de la défense et en effectuant un examen attentif du projet de loi sur lequel elle a adopté dix-huit amendements. Il a estimé qu'un renvoi en commission n'était pas justifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

a indiqué que la commission avait examiné ce projet de loi lors de sa réunion du 29 octobre 2008, un délai d'un mois et demi s'étant écoulé entre l'adoption du rapport et l'examen en séance publique, laissant ainsi tout le temps aux groupes politiques d'étudier ce projet de loi.

Debut de section - Permalien
motion

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a alors demandé le retrait de cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Sur les amendements, et suivant l'avis de M. Jean Faure, rapporteur, elle a adopté les avis suivants :

Elle a plus particulièrement débattu de l'amendement n° 50, présenté par MM. Jean-Louis Carrère, Daniel Reiner, Mme Virginie Klès et les membres du groupe socialiste, visant à modifier le mode de désignation des représentants siégeant au sein des différents conseils de la fonction militaire, dont celui de la gendarmerie, afin de remplacer le tirage au sort par l'élection.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

s'est fortement opposé à cet amendement en estimant qu'il ouvrirait la voie à une forme de syndicalisation au sein de la gendarmerie et des armées, incompatible avec le statut militaire.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

a rappelé que cette question avait été longuement débattue au sein de la commission au moment de l'examen de la réforme du statut général des militaires et qu'en définitive, cette mesure avait été refusée par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

a indiqué que le tirage au sort était la forme la plus ancienne de démocratie pratiquée à Athènes. Il a estimé qu'une rénovation des instances de concertation de la gendarmerie était souhaitable, ne serait-ce que pour tenir compte du rattachement de cette institution au ministère de l'intérieur. Il a évoqué notamment l'amélioration de la formation des représentants siégeant au sein du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie ou encore la modification du système de fixation d'ordre du jour, qui relève aujourd'hui exclusivement du ministre de la défense. Il a cependant fait observer que ces mesures relevaient du domaine réglementaire et qu'elles ne trouvaient donc pas leur place dans le projet de loi.

La commission a alors donné un avis défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Pierre Morel, représentant spécial de l'Union européenne pour la Géorgie

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Morel, représentant spécial de l'Union européenne pour la Géorgie.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a rappelé que M. Pierre Morel, représentant spécial de l'Union européenne pour l'Asie centrale depuis octobre 2006, avait été parallèlement nommé représentant spécial pour la Géorgie le 15 septembre dernier.

Il s'est félicité de l'efficacité de l'engagement européen, sous l'impulsion du Président de la République et de la présidence française, dès les premiers jours du conflit géorgien. Il a évoqué les interrogations sur les responsabilités des différentes parties dans le déclenchement de celui-ci, précisant que l'Union européenne avait mis en place une commission d'enquête dirigée par Mme Heide Tagliavini. Il a fait état des positions exprimées par la Russie après l'indépendance du Kosovo, qui paraissaient s'inscrire dans une préfiguration de l'intervention, tant sur le plan diplomatique que militaire. Il a également souligné les risques pris par les autorités géorgiennes, même si la réaction russe a indiscutablement été disproportionnée.

a souhaité que M. Pierre Morel évoque les perspectives des négociations qui ont débuté le 15 octobre dernier à Genève, mais également la question de la candidature géorgienne à l'OTAN et les conséquences éventuelles du conflit en matière d'approvisionnement énergétique de l'Europe.

Debut de section - Permalien
Pierre Morel, représentant spécial de l'Union européenne pour la Géorgie

a tout d'abord indiqué que la situation sur le terrain était très évolutive et ponctuée d'incidents donnant lieu à des accusations mutuelles lancées par les différentes parties. Il a souligné la complexité des relations entre les peuples de la région, fruit d'une histoire tourmentée faite de proximités et de rivalités. Il a notamment rappelé qu'à la suite de la volonté du premier président de la Géorgie indépendante, Zviad Gamsakhourdia, de contenir les tendances autonomistes dans les régions, une véritable guerre avait ravagé l'Abkhazie en 1992, provoquant 20 000 morts et la fuite d'environ 300 000 réfugiés.

En ce qui concerne les circonstances du déclenchement du conflit d'août dernier, il a indiqué que dans le cadre des travaux de la commission d'enquête dirigée par Mme Tagliavini, les parties seraient tentées d'élargir le champ de la recherche de responsabilités. Il a mentionné les informations publiées au mois de novembre dans la presse internationale selon lesquelles les autorités géorgiennes auraient pris l'initiative de l'action militaire, avec des tirs d'artillerie indiscriminés sur Tshinkvali qui auraient fait, selon les estimations actuelles, entre 150 et 300 morts. Les autorités géorgiennes ont répliqué que dans les jours précédents, plusieurs villages géorgiens avaient fait l'objet de bombardements provenant d'Ossétie du Sud.

Evoquant l'attitude des autorités géorgiennes, M. Pierre Morel a rappelé que le Président Saakashvili avait réussi à reprendre sans heurt en 2004 le contrôle de la région séparatiste d'Adjarie, limitrophe de la Turquie et où se situe notamment le port de Batoumi. Il a estimé que le président Saakashvili avait peut-être interprété le soutien dont il bénéficiait dans le monde occidental, et en premier lieu aux Etats-Unis, depuis la « révolution des roses » de décembre 2003, comme une approbation de principe de sa politique, quelle qu'elle soit.

Il a aussi estimé que du fait des activités qu'elle avait menée dans la région depuis plusieurs mois, notamment des manoeuvres militaires dans le Nord-Caucase au début de l'été, la Russie se trouvait tout à fait prête à une action militaire.

a souligné que l'Union européenne était intervenue très rapidement et avait mis fin au combat. Elle a su pallier le blocage des autres institutions traditionnellement compétentes, que ce soit l'ONU ou l'OSCE, qui ne pouvaient agir du fait de l'implication de la Russie. Pour la première fois, l'Union européenne a pris en charge, en temps réel, une crise internationale majeure.

a attribué l'efficacité européenne dans la gestion de cette crise à trois facteurs. Elle a tout d'abord fait preuve d'une très grande réactivité et l'engagement de la présidence a été maintenu dans la durée. Par ailleurs, l'Union a maintenu sa cohésion, en dépit de la grande diversité des sensibilités s'agissant des relations avec la Russie. De ce fait, elle a pu délivrer un message clair et ferme, soulignant la disproportion de la réaction russe et le caractère inacceptable de la reconnaissance de l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Enfin, l'Union a pleinement mobilisé ses instruments, en déployant en trois semaines une mission civile d'observation comptant 300 hommes fournis par 22 pays, et en obtenant, dans le cadre d'une conférence des donateurs à Bruxelles, des engagements d'aide d'un montant de 4,5 milliards d'euros.

a ensuite évoqué les réunions de Genève qui ont débuté le 15 octobre et ouvrent leur troisième session le 18 décembre. Il a précisé qu'elles se tenaient dans un format dit « 6 +2 », incluant d'une part la Russie, la Géorgie, les Etats-Unis, l'Union européenne, l'OSCE et l'ONU, et d'autre part les représentants d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, bien qu'en dehors de la Russie, le Nicaragua soit à ce jour le seul Etat à reconnaître l'indépendance de ces deux entités. Ce format a permis de réunir sans formalisme l'ensemble des partenaires autour de thèmes concrets, tels que la stabilisation de la situation sur le terrain, la prévention des incidents et la question des réfugiés. La Russie entretient néanmoins une incertitude sur la poursuite de ce processus au-delà de la fin de l'année.

a indiqué que lors de leur réunion à Bruxelles les 2 et 3 décembre, les ministres des Affaires étrangères de l'Alliance atlantique avaient manifesté leurs encouragements à la candidature géorgienne, sans prendre d'engagement sur l'échéance de déclenchement formel de la procédure d'adhésion. S'agissant des propositions du président Medvedev visant à élaborer une nouvelle architecture européenne de sécurité, il a estimé que celles-ci tendaient à redéfinir profondément le cadre établi, en cherchant à faire reconnaître l'existence de zones d'influence. Tel n'était pas le point de vue des Européens, qui seraient quant à eux plus ouverts à une amélioration du cadre actuel, préférant en quelque sorte un « Helsinki plus » à un « Helsinki II ».

Répondant à la question du président Josselin de Rohan sur les enjeux énergétiques, M. Pierre Morel a estimé que les infrastructures d'approvisionnement n'avaient pas été un objectif en tant que tel de la Russie lors du conflit d'août dernier. Au demeurant, l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan a été interrompu en raison d'un attentat survenu en Turquie le 4 août, et non à la suite de la guerre en Géorgie. Par ailleurs, la crise géorgienne a suscité un regain d'intérêt des gouvernements de l'Union européenne à l'égard du projet de gazoduc Nabucco et a renforcé leur détermination à le mener à bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

A la suite de cet exposé, M. Didier Boulaud a demandé des précisions sur la politique américaine en Géorgie dans la période ayant précédé le conflit, et notamment sur la présence de conseillers auprès des autorités et de l'armée géorgiennes. Il s'est également interrogé sur les conséquences du conflit sur la situation politique intérieure de la Géorgie et l'assise du président Saakashvili.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

a demandé des précisions sur la position de l'Allemagne dans la gestion de la crise. Evoquant la contribution des forces de gendarmerie à la mission d'observation civile de l'Union européenne en Géorgie, il a souhaité savoir si la Force européenne de gendarmerie récemment créée aurait pu être déployée pour ce type d'opération. Enfin, il s'est interrogé sur le caractère durable de l'assistance européenne à la Géorgie.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

a précisé qu'il s'était rendu à plusieurs reprises en Géorgie depuis le début du conflit. Il a déclaré partager les analyses de M. Pierre Morel. En ce qui concerne les circonstances du conflit, il a souligné le caractère déstabilisant de la délivrance massive de passeports russes en Abkhazie et en Ossétie du Sud et l'existence de signes révélateurs d'une préparation de la Russie à une action militaire, notamment le réaménagement d'une ligne de chemin de fer par l'armée russe en Abkhazie. Il a estimé que l'action militaire de la Russie avait été manifestement disproportionnée. Il a par ailleurs indiqué que la gestion du conflit par le président Saakashvili commençait à faire l'objet de discussions dans le débat politique intérieur.

Debut de section - Permalien
Pierre Morel, représentant spécial de l'Union européenne pour la Géorgie

En réponse à ces interventions, M. Pierre Morel a apporté les précisions suivantes :

- les Etats-Unis ont coutume de réaliser une évaluation critique de leur politique, notamment dans le cadre des travaux des commissions du Congrès ; une telle évaluation n'a pu avoir lieu sur la crise géorgienne, compte tenu de la période électorale et de la phase de transition en cours ; il serait néanmoins très utile que ce travail soit effectué, pour mieux cerner la politique américaine dans les mois qui ont précédé le conflit ;

- beaucoup de conseillers étrangers, pas seulement américains, sont présents auprès des institutions géorgiennes depuis plusieurs années ; en ce qui concerne l'assistance à l'armée géorgienne, les Etats-Unis semblent avoir fait preuve d'une grande prudence, notamment en matière de livraison de matériels ;

- la crise actuelle ne rend que plus nécessaires les contacts et les conseils bien choisis auprès de l'armée géorgienne ;

- alors qu'au cours des derniers mois la tendance à la présidentialisation du régime s'est accentuée, le débat politique intérieur pourrait être relancé par des personnalités tenant à se démarquer du président Saakashvili, telles que Mme Nino Bourdjanadze, ancienne présidente du parlement géorgien, ou M. Irakli Alasania, qui a récemment démissionné de ses fonctions d'ambassadeur de le Géorgie aux Nations unies ;

- l'Allemagne a pleinement soutenu les initiatives de la présidence de l'Union européenne lors du conflit ; elle avait joué un rôle actif d'intermédiation sur la question de l'Abkhazie jusqu'en juin-juillet dernier ;

- la force européenne de gendarmerie n'a pas été déployée en Géorgie, mais l'amalgame s'effectue très facilement sur le terrain entre les différentes nationalités ; les gendarmes français travaillent en très bonne coopération avec leurs homologues polonais ou bulgares ;

- l'assistance économique et financière à la Géorgie est aujourd'hui indispensable ; un effondrement économique viendrait aggraver considérablement les conséquences du conflit ;

- l'attribution de passeports russes en Géorgie a accentué les différends ethniques ; la déclaration d'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud crée de nouvelles difficultés ; ainsi, les réfugiés géorgiens de la région de Gori ne peuvent actuellement retourner en Abkhazie ; s'ils ne prennent pas la nationalité abkhaze, ils devront solliciter une carte de résident ;

- les implantations militaires russes se sont considérablement renforcées depuis l'été, notamment en Abkhazie sur la base de Goudaouta et le port d'Otchamtchira qui pourrait devenir une base navale importante dans la perspective d'un départ de la flotte russe de Sébastopol.

Puis la commission a poursuivi l'examen des amendements au projet de loi n° 499 (2007-2008) portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Sur les amendements du Gouvernement et suivant l'avis de M. Jean Faure, rapporteur, elle a adopté les avis suivants :