a rappelé que les avancées de la génétique et de la médecine de la reproduction ont conduit le législateur à répondre à de nouvelles interrogations d'ordre éthique et juridique, afin de mettre en place un cadre législatif qui concilie le respect de la dignité de la personne humaine et les exigences du progrès scientifique et thérapeutique.
Le socle fondateur de la législation en matière de bioéthique est constitué par les trois lois de juillet 1994, qui ont défini le corpus de règles d'ordre juridique et moral applicables aux activités scientifiques et médicales touchant au corps humain. L'objectif poursuivi était de développer le don et de mieux contrôler l'utilisation d'organes et de produits du corps humain, dans un contexte de raréfaction des greffons et après le scandale du sang contaminé, mais aussi d'encadrer les pratiques d'assistance médicale à la procréation et de diagnostic prénatal.
L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), chargé de procéder à l'évaluation de l'application de ces textes avant leur révision par le Parlement, a dressé un constat sans appel en février 1999 : près de cinq ans après leur promulgation, les lois de juillet 1994 n'étaient pas encore intégralement applicables du fait des retards pris dans la parution des textes réglementaires nécessaires. En conséquence, le second volet de la législation relative à bioéthique n'a pu être voté en 1999, comme le texte de 1994 le prévoyait initialement. Il faudra in fine attendre dix ans pour que soit votée la seconde loi dite « de bioéthique » du 6 août 2004.
Ce second texte devait remédier aux lacunes des lois de 1994 et aussi prendre en compte les récents progrès scientifiques en apportant des réponses à quatre séries de questions : l'usage des tests génétiques et leurs applications ; les problèmes liés au consentement des personnes en matière de don d'organes, de tissus et de cellules ; les questions touchant à l'assistance médicale à la procréation et les problèmes posés par le clonage et sa pratique.
a estimé que l'apport majeur du texte en matière institutionnelle réside dans la création de l'agence de la biomédecine, chargée des missions jusqu'alors confiées à l'établissement français des greffes dans le domaine du prélèvement et de la greffe d'organes, de cellules et de tissus, notamment la gestion de la liste d'attente et l'attribution des greffons. L'agence a également été dotée de compétences dans les domaines de la reproduction, de l'embryologie et de la génétique humaine.
La loi du 6 août 2004 a mis en place un cadre juridique cohérent et adapté aux évolutions technologiques et médicales dans le domaine des thérapies cellulaire et génique. Un régime unique a été créé pour les produits cellulaires d'origine humaine à finalité thérapeutique et le statut de médicament a été conféré aux produits cellulaires d'origine animale et aux produits de thérapie génique.
Les réformes les plus profondes sont toutefois intervenues dans le domaine de l'embryologie et de la reproduction : interdiction du clonage à fin de reproduction et à visée thérapeutique ; interdiction de la recherche sur l'embryon, conformément à la convention d'Oviedo du Conseil de l'Europe de 1997 relative à la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine ; ouverture de ces recherches pour une durée limitée de cinq ans sur les seuls embryons surnuméraires sans projet parental et sous conditions ; enfin, extensions de l'indication de diagnostic préimplantatoire, en particulier lorsqu'il a pour objectif d'apporter un espoir de traitement à un aîné atteint d'une maladie.
Rappelant que la loi doit, en principe, être à nouveau révisée au plus tard cinq ans après sa promulgation, soit en 2009, M. Alain Milon, rapporteur, a jugé cette hypothèse peu probable, compte tenu du retard d'ores et déjà pris dans la publication des textes réglementaires.
Sur les quarante articles qui constituent la loi, vingt-quatre ne nécessitent pas de texte de nature réglementaire et sont donc devenus directement applicables. Outre plusieurs dispositions transitoires, ils ont trait pour l'essentiel aux règles de consentement aux examens des caractéristiques génétiques, au don et à l'utilisation des éléments du corps humain, à l'interdiction du clonage reproductif, à sa qualification de « crime contre l'espèce humaine » et aux sanctions applicables aux infractions en matière d'éthique biomédicale.
En revanche, l'application des autres dispositions de la loi requiert la publication de quarante-quatre textes réglementaires, soit vingt-quatre décrets et vingt arrêtés. A ce jour, treize décrets seulement ont été publiés, mais qui ont permis de mettre en oeuvre la loi du 6 août 2004 dans ses aspects essentiels.
Au printemps 2005, la première série de textes réglementaires d'application concernant le comité consultatif national d'éthique et la création de la nouvelle agence de la biomédecine, qui est intervenue le 10 mai 2005, est parue au Journal officiel. Une seconde série de textes réglementaires a ensuite été publiée au dernier semestre de l'année 2005 pour l'application des dispositions relatives aux greffes et prélèvements d'organes et de produits du corps humain.
En outre, dans l'attente de l'ouverture du moratoire de cinq ans sur la recherche sur l'embryon, le dispositif transitoire prévu a été mis en place avec la publication du décret du 28 septembre 2004 relatif à l'importation à des fins de recherche de cellules souches embryonnaires, aux protocoles d'étude et de recherche et à la conservation de ces cellules. Dans ce cadre, l'agence de la biomédecine a autorisé dix-huit protocoles de recherche sur des lignées de cellules fournies par six pays étrangers, dont les Etats-Unis et Israël pour 80 % d'entre elles. Ce système temporaire a pris fin avec la parution du décret du 6 février 2006 relatif à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, qui autorise désormais la recherche sur des lignées de cellules françaises et en fixe les conditions de mise en oeuvre.
a indiqué que la majorité des décrets encore en attente devrait être publiée avant la fin du premier semestre 2006, précisant que l'élaboration de certains textes réglementaires est encore dépendante de l'application d'autres dispositions, notamment une directive européenne relative aux tissus et aux cellules et le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, qui aura des conséquences sur le décret relatif aux médicaments de thérapie génique et xénogénique.
Il a toutefois regretté le retard pris sur le calendrier initial de publication des textes réglementaires, en dépit des engagements du Gouvernement, tout en reconnaissant que la mise en oeuvre de la loi du 6 août 2004 s'est trouvée contrariée par plusieurs obstacles, et d'abord par l'engorgement des services chargés de la consultation préalable et de la rédaction très technique des textes réglementaires d'application.
Or, comme la Cour des Comptes l'a relevé dans son rapport public pour 2004, les services du ministère en charge de la santé manquent de personnels, compte tenu des compétences à exercer et de leur extension croissante. Des progrès récents ont toutefois été réalisés en matière de publication des textes réglementaires relatifs à la loi du 6 août 2004. La DGS a, en effet, plus que doublé sa production réglementaire en 2005, même si son effort a davantage porté sur l'application des lois du 13 août 2004, relative à la réforme de l'assurance maladie, et du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique.
a considéré que le retard pris dans le processus législatif, puis dans l'application effective de la loi du 6 août 2004, a pénalisé les équipes de recherche françaises, notamment dans le domaine de la recherche sur l'embryon.
Il a indiqué qu'à ce retard s'ajoutent des difficultés matérielles, notamment le remplacement difficile des chercheurs et des enseignants-chercheurs qui partent en retraite. La pyramide des âges va, en effet, conduire à un renouvellement de près d'un tiers des emplois pour la période 2001-2010. Citant l'exemple du laboratoire d'oncologie virale du CNRS à Villejuif, qui ferme ses portes faute d'emplois budgétés, il a dénoncé le nombre insuffisant de postes de titulaires offerts par les laboratoires de recherche publics pour répondre aux besoins. Or, cette situation entraîne une désaffection pour les études scientifiques et le départ de nombreux diplômés en sciences du vivant vers des carrières plus lucratives ou des laboratoires étrangers.
Il a également fait valoir que les difficultés financières demeurent pour de nombreuses équipes, malgré les récents efforts du Gouvernement dans ce domaine, et que la lourdeur des démarches administratives constitue un frein supplémentaire à l'efficacité de la recherche, le temps de travail des chercheurs étant trop souvent accaparé par des tâches annexes.
a estimé que le troisième volet des lois bioéthique devra renforcer la recherche française en prenant en compte les progrès scientifiques éventuels dans le domaine de l'embryologie et de la procréation.
Ainsi, si la loi du 6 août 2004 interdit formellement le clonage reproductif et thérapeutique, il est vraisemblable que les progrès qui seront éventuellement réalisés dans ce domaine par des équipes de chercheurs étrangers redonneront au débat sur le clonage une nouvelle actualité, notamment pour ce qui concerne le clonage thérapeutique. Toutefois, après la révélation de la supercherie du professeur coréen Hwang Woo-Suk, qui avait annoncé, en mai 2005, avoir obtenu onze lignées de cellules souches embryonnaires à partir de cellules humaines, la recherche semble aujourd'hui au point mort.
Se posera également la question de l'autorisation définitive de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, qui suscite aujourd'hui de nombreux espoirs, tant pour améliorer les thérapies pour cet âge de la vie qu'en matière de recherche fondamentale. A ce jour, si les progrès sont certains, aucun résultat ne permet encore de parler d'avancée thérapeutique.
Par ailleurs, l'autorisation de ces recherches doit s'accompagner d'une définition de l'embryon, qui n'a pas de véritable statut juridique en France, en le distinguant du pré-embryon au stade de cellules embryonnaires. La séparation sémantique de ces deux termes existe déjà dans de nombreux pays, notamment en Grande-Bretagne. Enfin la recherche sur les cellules souches embryonnaires ne doit pas se faire au détriment de celle sur les cellules souches adultes dont les essais cliniques sont encourageants, même si leur plasticité est inférieure à celle des cellules souches embryonnaires.
a enfin souhaité que la prochaine révision de la législation sur la bioéthique soit l'occasion de poser la question de l'implantation post mortem d'embryons pour permettre à une femme dont le conjoint est décédé de porter son enfant, ainsi que celle de l'opportunité d'autoriser le double don de gamètes dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation.