Allons plus loin, car je suis convaincu que, si l’on acceptait de laisser de côté préjugés et présupposés, nous pourrions nous retrouver sur une idée précise.
Certes, l’âge légal de la retraite est soixante ans, mais j’estime que ceux qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans – vous avez eu raison de les évoquer tout à l’heure, monsieur Mercier, car ils symbolisent la valeur travail – doivent avoir le droit de ne pas aller jusqu’à cet âge.
Ce droit, cette majorité et ce gouvernement l’ont donné. Le coût est important puisqu’il se situe entre 2 milliards et 2, 5 milliards d’euros par an, et c’est aussi la fierté de cette majorité et de ce gouvernement d’avoir maintenu le dispositif parce que la valeur travail doit être récompensée.
Par ailleurs, dans certains secteurs d’activité, on est « cassé » physiquement avant soixante ans. Il est vrai que des dispositifs existent, pour l’invalidité notamment, mais ils n’apportent pas, à mon avis, les réponses adaptées.
J’estime en effet que la solution passe par la reconnaissance de la pénibilité.
Cependant, si le sujet était simple, d’autres pays européens auraient trouvé la solution, et je suis sûr que tel ou tel groupe aurait déposé une proposition de loi ! Mais il ne s’agit pas seulement de savoir qui paye, qui prend en charge, qui compense. Il s’agit aussi de savoir comment envisager l’avenir et déterminer qui peut être considéré comme occupant un métier pénible.
On peut avoir le sentiment que travailler tous les jours sur un chantier est pénible, mais peut-on dire la même chose du métier de technico-commercial exercé dans le même secteur d’activité ? À partir de combien d’années peut-on considérer que la pénibilité entraîne une réduction de l’espérance de vie, sachant que, dans notre pays, le vrai scandale tient à l’écart de sept ans d’espérance de vie entre un cadre supérieur et un ouvrier ?
Si ce sujet n’a pas pris plus d’acuité, c’est d’ailleurs parce que le dispositif « carrières longues » a été mis en place après la réforme de 2003. Sont d’abord partis en retraite dans le cadre de ce dispositif des salariés agricoles et des salariés du bâtiment, ce qui n’était que justice, puis ont suivi des salariés travaillant depuis l’âge de quinze ans ou seize ans.
Il faut bien reconnaître cependant que, en l’absence du dispositif « carrières longues », le débat entre les partenaires sociaux n’aurait pas pu rester en situation d’échec. Cela prouve d’ailleurs que la question n’est pas simple : mêmes entre eux et avec la volonté d’avancer, les partenaires sociaux n’ont pas pu ou n’ont pas su aboutir.
Aussi, j’ai repris ce dossier : je rencontre chaque semaine tous les partenaires sociaux et, à l’issue des rencontres bilatérales, nous aurons une rencontre tripartite – je sais que ce n’est pas l’usage, mais j’assume mes responsabilités ! – pour trouver la façon tant de compenser la pénibilité que d’assurer le financement, car ce n’est pas uniquement avec de la bonne volonté ou de grands discours que nous atteindrons notre objectif.
D’un côté donc, l’âge légal de la retraite à soixante ans ne doit pas interdire à ceux qui veulent rester en activité un peu plus longtemps de le faire, mais, d’un autre côté, il faut permettre à ceux qui le méritent – et j’insiste sur ce verbe, car il s’agit de justice et de la reconnaissance de la valeur travail en même temps que d’espérance de vie –, c'est-à-dire à ceux qui ont eu des carrières longues ou des emplois pénibles, de ne pas forcément travailler jusqu’à soixante ans.
Voilà le système de retraite que nous devons construire, parce qu’il n’y a pas deux carrières non plus que deux profils humains – on parle beaucoup de chiffres, mais, derrière, il y a des hommes et des femmes – qui se ressemblent.
Il faut un système plus juste, plus équitable, mais un système dans lequel il doit aussi y avoir, reconnaissons-le, plus de liberté. C’est le sens de l’article 61.