En préambule, M. François Patriat, rapporteur, a indiqué qu'il s'agit d'un compte d'affectation spéciale retraçant les opérations de gestion des parts que l'Etat détient dans le capital d'entreprises publiques, comme EDF, ou d'entreprises privées, comme Renault. Ce compte retrace à la fois les dépenses, notamment les prises de participation, ainsi que les recettes liées à ces participations. Il s'agit des dividendes perçus par l'Etat et du produit de la vente des participations à l'occasion d'ouvertures de capital ou de privatisations. Le fonctionnement de ce compte est très simple puisqu'un euro de recette permet de réaliser un euro de dépense.
Puis, M. François Patriat, rapporteur, a expliqué que, cette année, il avait décidé de donner une tonalité particulière à l'examen de ce compte en analysant le rôle effectif de l'Etat dans la stratégie des entreprises dans lesquelles il détient une participation. Il lui est ainsi apparu que, si l'Etat se comporte comme un actionnaire cherchant avant tout à défendre ses intérêts patrimoniaux, il n'en demeure pas moins que sa mission est caractérisée par certaines spécificités.
Il a ensuite formulé plusieurs observations relatives au compte d'affectation spéciale :
- le niveau d'information du Parlement reste très limité sur des projets d'évolution de la structure du capital d'entreprises qui constituent pourtant des fleurons de l'industrie française. Cette exigence de transparence vis-à-vis de la représentation nationale trouve néanmoins des limites liées à la nature même des opérations réalisées dans le cadre de ce compte ;
- l'architecture du compte pour 2010 reste inchangée, les programmes 731 et 732 étant toujours pilotés par l'Agence des participations de l'Etat (APE), bras séculier de l'Etat en la matière. Les priorités budgétaires demeurent elles aussi inchangées, la très grande majorité des crédits, soit 80 % des 5 milliards d'euros de ce compte, étant consacrée au désendettement public. On peut s'interroger sur l'efficacité de ce mécanisme eu égard à l'ampleur du déficit public estimé pour 2010 à 116 milliards d'euros.
Abordant ensuite l'exercice par l'Etat de sa mission d'actionnaire, il a précisé que celui-ci dispose d'un portefeuille très diversifié, constitué de non moins de 55 unités contre 51 en 2007, représentant un total de bilan combiné de 539 milliards d'euros. S'agissant plus précisément des sociétés cotées, il a constaté un bilan en demi-teinte, du fait de la baisse de la valeur des participations de l'Etat dans les entreprises cotées en bourse, passant de 128,5 à 104,6 milliards d'euros entre septembre 2008 et septembre 2009. La valeur de marché de ce portefeuille a donc diminué de 24 milliards d'euros et ne représente plus que 14,8 % de la capitalisation du CAC 40 au 15 septembre 2009 contre 17 % un an auparavant.
Néanmoins, si la crise économique a fait chuter la valeur du portefeuille de l'Etat, ses dividendes résistent. Ils devraient s'établir en 2009 à 4,9 milliards d'euros contre 5,6 milliards en 2008 et traduisent le pragmatisme de l'Etat, qui a accepté de recevoir des dividendes sous forme d'actions de certaines entreprises qui souhaitent préserver leur trésorerie et leurs fonds propres.
Malgré la baisse en valeur des dividendes, le taux de distribution est, quant à lui, de l'ordre de 60 % contre 40 % en 2008. Si le Gouvernement soutient qu'« il s'agit d'un taux en ligne avec celui observé sur le CAC 40 », il s'agit surtout d'un taux record, jamais atteint depuis la création de l'APE en 2003, et en décalage avec la volonté affichée du Président de la République de minorer la rémunération des actionnaires au profit de l'investissement et des salariés.
S'agissant de la gouvernance des entreprises à participation publique, M. François Patriat, rapporteur, a pris bonne note que ce sujet constitue « un point d'attention permanent de l'Etat », comme l'a rappelé M. Bruno Bézard, directeur général de l'APE, lors de son audition. Par ailleurs, il s'est félicité de l'institution par le pouvoir constituant d'une nouvelle procédure modifiant les conditions dans lesquelles s'exerce le pouvoir de nomination du Président de la République en matière de direction d'entreprises publiques revêtant une importance particulière dans la vie économique et sociale de la Nation.
Pour autant, il a souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur les nombreuses carences qui existent encore en matière de gouvernance. S'agissant de la composition des conseils d'administration, il a dénoncé la sous représentation manifeste des femmes dans ces structures, la parité étant loin d'être respectée, puisque les conseils d'administration des entreprises du périmètre public comptent seulement 101 femmes contre 789 hommes, soit un rapport de 1 à 8.
S'agissant ensuite du niveau de rémunération des dirigeants d'entreprises relevant du portefeuille de l'Etat, il a souligné le malaise qu'il provoque dans l'opinion publique, rappelant que, très récemment, M. Gérard Larcher, président du Sénat, admettait que ce sujet « devait être mis sur la table ». M. François Patriat, rapporteur, a donc suggéré la mise en place d'une mission d'information sur cette question le plus rapidement possible, rappelant à cet égard que de nombreux élus se sont étonnés des conditions posées par M. Henri Proglio pour assurer la présidence d'EDF, à savoir un doublement du salaire attaché à cette fonction. Ne contestant nullement les grandes qualités de ce dirigeant, il a souhaité voir relayé l'émoi de l'opinion publique sur ce sujet, au moment même où les Français doivent affronter la crise.
En définitive, il a souligné que les entreprises du secteur public doivent être aussi bien gérées que celles du secteur privé. Dans cette perspective, il a indiqué avoir consacré un large développement à la stratégie de l'Etat actionnaire à travers deux exemples : la SNCF confrontée à la redéfinition de ses objectifs stratégiques dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, et le Fonds stratégique d'investissement (FSI) présenté il y a un an par le Président de la République comme « un fonds souverain à la française ». L'impératif de bonne gestion n'est en rien opposé à celui du développement industriel des entreprises dont l'Etat est actionnaire.
A cet égard, le retour de l'Etat dans la politique industrielle, marqué notamment par la création du FSI, est positif si l'objectif est bien de faire face aux enjeux du futur et de préparer l'avenir en opérant les révolutions industrielles qui s'imposent dans différents secteurs. En revanche, on peut être plus réservé s'il s'agit de multiplier les participations minoritaires comme cela est le cas du FSI aujourd'hui, sans vision pour l'Etat propriétaire.
Pour toutes ces raisons, M. François Patriat, rapporteur, a proposé à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire de s'abstenir quant à l'adoption des crédits inscrits au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » pour 2010.