Intervention de Alain Dufaut

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 17 janvier 2007 : 1ère réunion
Traités et conventions — Convention internationale contre le dopage dans le sport - examen du rapport pour avis

Photo de Alain DufautAlain Dufaut, rapporteur pour avis :

a déclaré, citant le baron de Coubertin, que le « sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre ». Il a souligné que les tentatives menées pour supprimer la peur, la fatigue et la difficulté risquaient de remettre en cause l'existence du sport. L'enjeu de la lutte contre le dopage est précisément de préserver ces aspects qui en font son essence.

Pourtant, a-t-il constaté, c'est l'omerta qui a longtemps prévalu dans le milieu sportif sur les questions du dopage, notamment dans les compétitions internationales où certaines nations organisaient le dopage collectif de leurs sportifs à des fins de gloire nationale. Il s'est étonné du caractère tardif des réactions internationales, alors même que des sportifs admettaient explicitement les faits.

Il s'est félicité, toutefois, de ce qu'après plusieurs scandales médiatiques, notamment l'affaire Festina lors du Tour de France 1998, plusieurs Etats, au premier rang desquels la France, aient fait de la lutte antidopage une priorité. Jouer franc jeu est devenu un mot d'ordre. Il a insisté sur l'actualité de l'impératif de lutte contre le dopage, au moment où l'affaire Cofidis est jugée et alors que les vainqueurs du Tour de France depuis 8 ans sont contestés. Il a rappelé qu'en mars 2003, près de 80 gouvernements, dont la France, ont témoigné, en signant la « Déclaration de Copenhague », de leur volonté d'appuyer un processus débouchant sur une convention internationale de lutte contre le dopage, qui serait exécutée au moyen d'instruments propres aux contextes constitutionnel et administratif de chaque gouvernement. C'est sur la base de cette intention qu'a été engagée, sous l'égide de l'UNESCO, l'élaboration de la convention internationale contre le dopage dans le sport.

Il a souligné qu'avait été menée parallèlement, par le comité international olympique, une consultation transnationale sur la question du dopage, qui a abouti à la création de l'Agence mondiale antidopage en 1999 et à l'adoption du code mondial antidopage en 2003. Ce code détermine les compétences et fixe des règles en matière d'organisation des contrôles antidopage, d'analyse des échantillons, de mise en oeuvre des procédures disciplinaires, de régime de sanctions, de prévention et de recherche scientifique dans le domaine de la lutte contre le dopage. Emanant d'une fondation de droit privé, il n'a pas de force juridique s'imposant aux Etats. Par conséquent, si l'ensemble des fédérations internationales des sports « olympiques » ont souscrit au code mondial antidopage avant les Jeux olympiques d'Athènes de 2004, puisqu'il s'agissait d'une des conditions de participation à ces Jeux, les fédérations nationales obéissent, en revanche, aux règles fixées par la loi interne. Il a fait valoir que l'un des objectifs de la loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs a précisément été d'aligner la législation française sur certaines dispositions du code mondial antidopage.

Il a soutenu que, dans un contexte de sport mondialisé, pour assurer une égalité de tous les sportifs, sur tous les terrains de jeux, c'est bien le droit international qu'il fallait « doper » avec deux impératifs : harmoniser les règles et les rendre contraignantes.

Le rapporteur pour avis a considéré que la convention internationale contre le dopage dans le sport, élaborée sous l'égide de l'UNESCO et adoptée par les Etats membres à l'unanimité en octobre 2005, répond pleinement à ces exigences.

Elle fournit, en effet, un cadre juridique reconnu au niveau international, qui permet de s'assurer que les Gouvernements agissent contre le dopage dans le sport, en coopération avec le mouvement sportif, par des actions nationales et internationales de contrôle, de prévention, d'éducation, de formation et de recherche, et qui apporte un appui au code mondial antidopage et aux normes internationales développées par l'Agence mondiale antidopage, en reconnaissant l'importance de ces documents dans l'harmonisation des politiques et des pratiques au sein du mouvement sportif international.

a conclu que la Convention est nécessaire pour que les gouvernements appliquent les principes déterminés dans le code mondial antidopage et pour faciliter, en conséquence, l'alignement des réglementations internationales et nationales.

Il a constaté que cette volonté d'harmonisation des différentes normes sur le dopage est visible sur plusieurs points. Est ainsi considérée comme une violation des règles antidopage, aux termes de l'article 2 de la convention, mais aussi de l'article 2 du code mondial antidopage, la présence d'une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans le corps d'un sportif. C'est le cas le plus courant, celui dans lequel le sportif est « déclaré positif », comme Floyd Landis à la testostérone, par exemple, pour le Tour de France 2006. Il a noté, avec intérêt, que la convention reprend la règle de la responsabilité objective, existant dans le code mondial et en droit français : il y a violation lorsque le sportif a, intentionnellement ou non, fait usage d'une substance interdite, a fait preuve de négligence, ou qu'un autre manquement est survenu. Lorsqu'un échantillon positif a été décelé en compétition, les résultats du sportif dans cette compétition sont automatiquement annulés. Il a rappelé que cette même disposition est inscrite à l'article L. 232-9 du code du sport.

Il a déclaré, par ailleurs, que le refus de se soumettre à un prélèvement d'échantillons, la violation des exigences de disponibilité des sportifs pour les contrôles hors compétition, la falsification d'un élément du processus de contrôle du dopage, le trafic de toute substance et l'administration de produits interdits sont également des violations des règles antidopage. Ce n'est ainsi pas seulement le sportif qui peut être concerné, mais aussi les entraîneurs et médecins, comme dans les affaires Balco et Puerto.

Il a souligné, ensuite, que les articles 3 et 4 de la convention affirment clairement que le code mondial antidopage est le texte de référence en matière de lutte contre le dopage. Aux termes de ces articles, les Etats parties doivent « adopter des mesures appropriées aux niveaux national et international qui soient conformes aux principes énoncés dans le code », et « s'engagent à respecter les principes énoncés dans le code ». Il s'est félicité de ce que la convention ne réinvente pas le droit de la lutte contre le dopage, mais promeuve des principes et des règles déjà existants.

Il a précisé, toutefois, le texte du code ne faisant pas partie intégrante de la convention, qu'il existait donc une réelle marge pour les Etats signataires de la convention entre l'application mot à mot du code et l'application des principes qu'il pose. Il a jugé que cette précision était d'autant plus utile que le code mondial antidopage est un texte amené à être modifié. Aux termes de l'article 4, rien n'empêche en outre les Etats d'adopter des mesures additionnelles ou complémentaires au code. Il s'est réjoui, à ce titre, de ce que la France ait mis en place un dispositif spécifique de lutte contre le dopage animal.

Il a rappelé, en outre, que la convention précise qu'elle ne s'oppose pas aux textes européens en vigueur.

Il a tenu ensuite à souligner que la législation et la pratique françaises répondent pleinement aux exigences de la convention, notamment grâce à l'adoption de la loi du 5 avril 2006. S'agissant de la législation, le droit français a mis en place, d'une part, une autorité indépendante aux compétences accrues, l'Agence française de lutte contre le dopage, et d'autre part, les règles de territorialité prévues par le code mondial antidopage ont également été reprises : les instances internationales ont la compétence pour contrôler les compétitions internationales et les autorités françaises celle de contrôler les manifestions nationales, régionales ou départementales. Il a ainsi expliqué que lors de la prochaine Coupe du monde de rugby, les sportifs contrôlés seraient soumis aux procédures disciplinaires de « l'International Rugby Board » (IRB), et non à celles de la fédération française ou de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Cette dernière n'aura comme pouvoirs de contrôle que ceux que lui a délégués l'IRB.

Par ailleurs, il a indiqué que le droit français prévoit, comme la convention dans son article 8 et le code mondial, la délivrance d'autorisations à usage thérapeutique. Il a salué l'opportunité du choix de l'ensemble des acteurs de n'utiliser qu'une liste des substances et procédés dont l'usage peut être autorisé, à savoir celle de l'Agence mondiale antidopage, qui devient un standard international.

Il a remarqué, également, que les prescriptions relatives à l'éducation et la formation en matière de lutte antidopage que comprend la convention sont déjà, pour la plupart, mises en oeuvre en France, grâce aux différentes actions menées par le ministère des sports. Il a salué le soutien de la convention à la politique de recherche sur le dopage. Constatant que le nombre de contrôles augmente et que le nombre de sportifs déclarés positifs diminue, il lui a semblé utile de clarifier les causes de cette situation, notamment en améliorant en permanence la pertinence des contrôles.

Enfin, mettant en valeur un apport original de la convention, il a cité son article 17, qui prévoit la création d'un « Fonds pour l'élimination du dopage dans le sport », alimenté par des contributions volontaires et utilisé pour l'application de la convention.

a informé ses collègues qu'en dépit des nombreuses convergences constatées, la compatibilité entre le code mondial antidopage, largement repris par la convention, et le droit français, a été remise en question par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale sur deux points.

Le premier point d'achoppement est la fixation par le code mondial antidopage de sanctions automatiques en cas de violation du code (2 ans à la première infraction, suspension à vie à la deuxième). Il a paru à la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale que cela pourrait être contraire au principe de personnalisation et de proportionnalité des peines existant en droit français. M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis, a signalé, toutefois que l'article 10.2 du même code prévoit des possibilités d'annulation ou de réduction des périodes de suspension, dans certains cas, ce qui rend certainement compatibles les normes nationale et internationale sur ce point. Il a cependant exprimé le souhait que l'article 10.2 soit clarifié dans le cadre de la procédure de révision du code mondial antidopage, qui devrait aboutir d'ici à la fin de 2007.

Il a évoqué, ensuite, le second point d'achoppement, relatif à la procédure d'appel des décisions disciplinaires. Il a rappelé que, selon l'article 13.2.1 du code mondial antidopage, sont portées en appel devant le tribunal arbitral du sport (TAS) les décisions sanctionnant les violations intervenues lors d'une manifestation sportive internationale, ce qui ne pose pas de problème juridique particulier, mais aussi celles concernant les sportifs internationaux. Or il a remarqué que le droit français n'apporte pas de définition du sportif international et qu'une procédure revenant à faire réformer par une instance étrangère (en fait le tribunal arbitral du sport, et en cassation le tribunal fédéral suisse) une décision prise par une fédération sportive française ou par l'AFLD à l'encontre d'un sportif français, pour une infraction commise sur le territoire français, pourrait être considérée inconstitutionnelle. S'opposant à cette interprétation, le rapporteur pour avis a cité l'argumentation développée par M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse et des sports. Au nom du principe selon lequel « chacun est maître chez soi », les sanctions prises par les fédérations nationales contre un sportif participant à une compétition nationale seront, le cas échéant, frappées d'appel, voire d'un recours en cassation, devant le juge français (tribunal administratif et Conseil d'Etat), selon les règles ordinaires du contentieux administratif. Si la fédération internationale décide à son tour de prendre une sanction contre le sportif incriminé, au motif que ce dernier a participé à une compétition qui, bien que nationale, détermine sa participation à des compétitions internationales (tel est le cas pour les meetings d'athlétisme, par exemple), c'est la chaîne fédération internationale/tribunal administratif du sport /tribunal fédéral suisse qui s'appliquera, que notre droit reconnaît depuis l'intervention de la loi du 5 avril 2006 sur la lutte contre le dopage.

a conclu que les deux chaînes de décision étant autonomes, le principe de souveraineté n'était pas remis en cause. Il a constaté au demeurant que la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a finalement adopté ce projet de loi, suivie à l'unanimité en séance plénière.

Il a observé, ensuite, que le groupe socialiste a regretté en séance que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'ait pu, faute de temps, être saisie et s'est par conséquent félicité de ce que la commission des affaires culturelles du Sénat ait pu, quant à elle, donner un avis sur ce texte.

Estimant que le débat juridique engagé ne doit pas amener à repousser l'adoption de ce projet de loi de ratification, il s'est déclaré pleinement favorable au texte, surtout dans un contexte où 41 pays ont ratifié la convention en seulement deux ans, ce qui constitue presque un record en la matière.

Il a soutenu que la ratification permettrait notamment à la France de continuer à jouer un rôle moteur en matière de lutte antidopage et, plus prosaïquement, de participer aux travaux du comité de suivi de la convention, dont les membres seront désignés les 5, 6 et 7 février prochains à Paris. Il a fait observer que la convention entrait en vigueur le 1er février prochain, à la suite de sa ratification par le Luxembourg le 11 décembre dernier, et que la Conférence des parties devrait rapidement désigner les membres d'un comité de suivi.

Il a souhaité rappeler que la procédure d'actualisation du code mondial antidopage, qui devrait aboutir lors de la Conférence mondiale de Madrid, en novembre prochain, devrait être l'occasion de revenir sur l'interprétation des dispositions litigieuses.

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